Quand penser fait peur, faut-il interdire la pensée ?

Quand penser fait peur, faut-il interdire la pensée ?

Par Loriane Brunessaux, psychiatre

Pour citer cet article :

Brunessaux Loriane (2012). Quand penser fait peur, faut-il interdire la pensée ? Les Invités De Mediapart Édition : Contes de la folie ordinaire, du 13 mars 2012.

Résumé :

Suite à la recommandation de la Haute autorité de santé de classer comme «non pertinentes» les interventions fondées sur une approche psychanalytique dans le traitement de l’autisme, Loriane Brunessaux, psychiatre et responsable d’un centre médico-psychologique, décortique, point par point, «la mauvaise foi évidente des arguments».

« Une méthode qui fait peur, c’est une méthode à laquelle il faut renoncer. » [1] (JL Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé, et D. Langloys, présidente de l’association Autisme France)

Nous vivons un moment singulier pour la démocratie, qui devrait nous aider à penser ses mutations les plus actuelles, dont l’une est le passage du paradigme « une personne : une voix » au paradigme « une association : un droit », entraînant les instances étatiques dans des errements aussi étonnants que celui d’édicter les normes du soin des personnes autistes, allant jusqu’à juger « non pertinent » tout un mouvement de pensée : la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle.

Étudions les faits de plus près.

Des associations de parents qui ne représentent qu’elles-mêmes.

Depuis quelques dizaines d’années, et cela suit un mouvement sociétal plus global, des associations de parents de personnes autistes se sont créées, comme il existe des associations de parents d’enfants trisomiques, diabétiques, sourds, etc.

Ce n’est pas la majorité des parents d’enfants en difficulté qui choisissent d’adhérer à ce type d’associations, mais au contraire une minorité. De cela je peux témoigner à double titre :

– à titre professionnel, en tant que psychiatre responsable d’un centre médico-psychologique, je constate que, sur la soixantaine de parents d’enfants autistes que je soigne, aucun n’appartient à ce type d’association, ne souhaite y adhérer ni ne se réclament de leurs discours. Mes collègues de l’intersecteur sont dans le même cas que moi. Serions-nous en face d’un échantillon de population exceptionnellement dénué d’envie d’adhérer à des associations ? J’en doute.

– à titre personnel, ayant grandi aux côtés d’une sœur atteinte d’une anomalie génétique, je peux témoigner du fait que la majorité des familles d’enfants « handicapés » ne ressent pas spécialement le besoin d’adhérer à ce type d’associations.

En effet, appartenir à ce type d’association offre un soutien psychologique de l’ordre du partage d’expériences et de la réassurance collective dans la revendication politique de droits, prenant parfois la forme d’une lutte. Cela convient à certains, certes, mais pas à la majorité des parents ; un certain nombre pense même que ce type de réponse est un mode de fuite évitant la confrontation à certaines questions, et que ces luttes font parfois oublier le véritable intérêt des enfants tant c’est la réassurance des parents qui guide l’action.

Chacun son avis.

En choisissant de donner la parole uniquement aux associations de parents, sur un sujet comme l’autisme, l’Etat (via la Haute autorité de santé –HAS) exclut donc automatiquement de la réflexion la majorité des parents de personnes autistes qui ne sont pas en association et ne sont donc pas pris en considération.

Comment se fait-on entendre par l’Etat censé nous représenter quand on ne fait pas partie d’une association et qu’on n’a pas envie de le faire?

Un travail de lobbying intensif, relayé sans filtre par la plupart des médias.

Ces associations de parents de personnes autistes ont du temps et de la détermination : écrivant sans relâche des commentaires sur internet au moindre article sur le sujet de l’autisme, contactant tous les journalistes et toutes les instances politiques susceptibles d’être intéressées par la question… Donnant ainsi l’illusion au grand public de représenter une position majoritaire, ce qui, je le répète, est faux, et martelant sans cesse les mêmes arguments :

– La psychanalyse serait inutile voire néfaste pour les personnes autistes.

– La psychiatrie française serait dominée par la psychanalyse.

– Les psychanalystes refuseraient les hypothèses des neurosciences et du comportementalisme, formeraient un lobby puissant et exclusif cherchant à assoir son pouvoir.

– La psychanalyse rendrait les mères responsables de l’autisme de leur enfant et culpabiliserait les mères.

– La psychose serait définie par la psychanalyse comme un trouble de la relation entre la mère et l’enfant.

– L’autisme serait, de manière avéré un trouble « neuro-développemental » d’origine génétique.

– Le traitement des enfants autistes serait identique pour tous et passerait pas une rééducation comportementale intensive.

– Les méthodes comportementales seraient les seules à être validées scientifiquement pour l’autisme.

– La psychanalyse refuserait l’évaluation scientifique.

– Le packing [2] serait une méthode psychanalytique.

– Le packing serait une torture, une barbarie, il faudrait porter plainte contre ceux qui la pratiquent et l’interdire.

– La psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle devraient être interdites.

Ces arguments propagandistes réducteurs et simplistes, sont repris sans filtre par la plupart des médias.

Deux paradoxes devraient pourtant sauter aux yeux des journalistes :

Premier paradoxe, les associations de parents dont il est question accusent les psychanalystes d’être sectaires, exclusifs, fermés aux hypothèses neuroscientifiques et comportementales.

Comment expliquer alors qu’elles prennent justement pour cible ceux des pédopsychiatres et psychanalystes qui pratiquent et promeuvent depuis de nombreuses années une approche « intégrative », associant les neurosciences, le comportementalisme et la psychanalyse : Pierre Delion [3] , Bernard Golse [4] , David Cohen [5] , Geneviève Haag [6] , Chantal Lheureux-Davidse [7] ?

Pourquoi ces praticiens, qu’elles devraient considérer comme leurs alliés, sont les premiers qu’elles attaquent ?

Deuxième paradoxe, les associations de parents dont il est question véhiculent l’idée, reprise par les médias et le grand public, qu’il y aurait deux camps rivaux et égaux en haine : les tenants du comportementalisme et les tenants de la psychanalyse.

Pourtant, quand on observe les choses de près, que voit-on ?

D’un côté, des personnes qui parlent de torture, de barbarie, qui portent plainte contre des praticiens et exigent et obtiennent de la HAS l’interdiction du packing et la non-recommandation de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle.

En face, des praticiens et familles sidérés dont le plus grand tort de certains serait d’avoir comparé les méthodes comportementalistes à du « dressage » [8] .

Est-ce vraiment équivalent ?

Peut-on comparer la désignation de « dressage » à celle de torture, de barbarie, à l’action de porter plainte et d’exiger l’interdiction d’une pratique psychiatrique et de tout un mouvement de pensée?

D’ailleurs, à titre personnel, si des psychanalystes demandaient l’interdiction du comportementalisme, je trouverais cela scandaleux et anti-démocratique et m’insurgerais tout autant que face à la tentative actuelle d’interdiction de la psychanalyse.

Quand on sait, par ailleurs (et je peux en témoigner car la fin de mes études n’est pas très loin), que la psychanalyse n’est pas même mentionnée pendant les six premières années des études médicales, qu’en région parisienne (pourtant la plus ouverte) il est déconseillé par la rumeur d’effectuer une thèse et un mémoire de psychiatrie sur un sujet en lien à la psychanalyse, tant les professeurs de psychiatrie sont orientés, depuis plusieurs années, vers la psychiatrie biologique et génétique, comment prendre au sérieux ces allégations de la toute-puissance des psychanalystes ?

Que conclure de ces paradoxes ? La mauvaise foi évidente des arguments et la force de la volonté éliminationniste sous-jacente.

Des affirmations dogmatiques et triomphalistes…

Quand personne, et surtout pas les psychanalystes, ne prétend connaître les causes de l’autisme et quand la plupart des personnes concernées s’accordent sur le fait que chaque personne autiste est différente et qu’il est impossible de savoir à l’avance ce qui pourra lui venir en aide et soutenir sa famille, les associations de parents dont il est question dans cet article, elles, « savent » et assènent leur vision de  la vérité.

Ces associations de parents affirment que l’autisme est un trouble neuro-développemental d’origine génétique.

Pourtant, aucun argument allant dans ce sens n’a été confirmé scientifiquement : aucune localisation neurologique n’a pu être identifiée, aucune anomalie hormonale ou infectieuse, aucune anomalie génétique clairement individualisée. Depuis quelques années, certaines publications de chercheurs en neuroscience tendent même à relativiser l’importance d’une éventuelle part génétique dans l’autisme du fait de biais important dans les études réalisées [9] , de la déformation des conclusions des études scientifiques (excessives) par rapport aux résultats (modestes) [10] .

Ces associations de parents affirment que seules les méthodes comportementalistes ont une efficacité validée scientifiquement.

Pourtant, certaines personnes remettent en cause cette « validité scientifique » des méthodes comportementales dont, fait intéressant, certaines personnes atteintes d’autisme dit « d’Asperger ».

Ainsi, Michelle Dawson, chercheuse à Montréal, a publié en 2004 un plaidoyer sur le manque d’éthique de l’intervention comportementale intensive (ICI), préconisée en Amérique du Nord, affirmant que «la littérature sur le sujet est énorme en quantité mais pauvre en qualité scientifique.» De nombreux rapports de recherche iraient dans le même sens qu’elle et selon l’Académie américaine de pédiatrie, «la force de la preuve (en faveur de l’efficacité de ces techniques) est insuffisante à basse.» Les gouvernements subventionnent pourtant abondamment ces thérapies, sous l’influence de groupes de pression [11] .

Dans le même esprit, Jim Sinclair et Donna Williams ont fondé l’ « Autism Network International » [12] et l’«Autistic Self Advocacy Network » [13] .

Dans le monde anglo-saxon, se constitue ainsi toute une communauté d’« autistes d’Asperger », qui revendique de savoir ce qui est bon pour elle et rejette aussi bien les comportementalistes que les développementalistes.

Qu’en conclure ? L’humilité.

Il semble bien maladroit d’être triomphaliste dans le domaine de l’autisme.

Aucune méthodologie scientifique n’a pu prouver la supériorité d’une méthode sur l’autre, ni le comportementalisme, ni la psychanalyse (même si je ne peux m’empêcher de préciser qu’il existe des études qui suggèrent que les thérapies psychodynamiques d’inspiration psychanalytiques seraient plus efficaces à long terme [14] ).

Certes, le comportementalisme est la méthode exclusivement employée dans de nombreux pays, mais que cela prouve-t-il sinon une uniformisation désolante de la pensée ?

…Qui font oublier la réalité de terrain : une pénurie scandaleuse d’établissements spécialisés.

Toute cette polémique sur la psychanalyse est donc biaisée puisque basée sur des affirmations arbitraires.

Elle tend à faire oublier la réalité de terrain : une pénurie scandaleuse, en France, d’établissements spécialisés pour le soin et l’accueil des personnes autistes et tout simplement « différentes », en règle générale.

Un grand nombre d’enfants autistes sont condamnés à passer le plus clair de leur temps à domicile car ils sont trop en difficulté pour être accueillis à l’école ordinaire et ne trouvent aucun établissement qui puisse les accueillir. Un grand nombre d’entre eux sont contraints de partir dans des établissements en Belgique.

Quels sont les choix politiques responsables de cet état de fait ?

L’Etat subventionne la recherche des causes de l’autisme (mais qui se soucie des causes s’il n’y a aucun moyen de prise en charge ?), le développement de « centre de ressource autisme » ayant pour but d’établir un diagnostic le plus précoce possible (mais que faire d’un diagnostic s’il n’existe aucun moyen de prise en charge ?) et, bien sûr, des établissements appliquant exclusivement les méthodes comportementalistes, ce qui constitue une exception puisque la plupart des lieux accueillant des personnes autistes en France sont pluralistes dans leur approche.

Ces établissements exclusivement comportementalistes ne peuvent accueillir tous les enfants. Ceux qui sont remboursés par la sécurité sociale n’acceptent pas les enfants les plus malades. L’accès aux autres établissements dépend de la possibilité des parents de payer.

Ainsi, ce choix de financement gouvernemental favorise une médecine à deux vitesses excluant les plus malades et les plus pauvres.

Par ailleurs, plutôt que de favoriser la création et le financement de classes intégrées ou un véritable réaménagement de l’école, l’Etat fait le choix, qui ne coûte rien, de créer le droit pour tout enfant handicapé d’être intégré en école ordinaire. Dans un dialogue avec Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy expliquait ainsi, en 2007, que ce droit était important pour les enfants handicapés, mais surtout pour les enfants «normaux» qui deviendraient ainsi plus tolérants au contact d’enfants différents… Argument démagogique relevant soit de la grande naïveté, soit du grand cynisme [15] , actuellement repris par plusieurs associations antipsychiatriques présentant la scolarisation en école ordinaire comme la seule solution pour les enfants autistes.

Mais à quoi sert ce droit si aucune école n’a les moyens d’accueillir les enfants très différents du plus grand nombre ?

Au total, même si cela est absurde, il semblerait que le plus commode pour certains soit de rendre la psychanalyse responsable de la pénurie liée à ces choix gouvernementaux et de l’interdire.

La psychanalyse en psychiatrie : une approche humanisante cherchant au cas par cas de solutions ouvertes pour chaque famille.

Il est fort dommage que la psychanalyse ait été contrainte de déserter la psychiatrie dans de nombreux pays, car elle a été un agent puissant de lutte contre les phénomènes asilaires et de réhumanisation de ces lieux parfois abandonnés à leur chronicité, en plaçant la personne et la relation au centre de la réflexion des équipes soignantes.

La pédopsychiatrie n’est pas la psychanalyse. La pédopsychiatrie est la pédopsychiatrie. Elle est composée de service comprenant des professionnels de différentes formations, en majorité des infirmiers et des éducateurs. On y rencontre aussi des psychologues, des orthophonistes, des psychomotriciens, des assistantes sociales, des médecins psychiatres…

Ces « équipes » sont donc, toujours « pluridisciplinaires ». Chacun envisage son travail en fonction de la formation qu’il a reçue et de son style propre.

Que signifie, pour un service de pédopsychiatrie, avoir une référence à la psychanalyse ou à la psychothérapie institutionnelle?

Cela ne signifie pas du tout que tous les professionnels qui y travaillent soient en analyse, ni ne s’intéressent à la psychanalyse. Cela ne signifie pas non plus que les enfants sont allongés sur un divan.

Cela signifie que le travail de l’ensemble de l’institution est basé sur deux hypothèses.

La première est l’existence de l’inconscient chez tout le monde, enfants, parents, soignants… Ce qui oblige les soignants à se remettre sans cesse en question pour ne pas prendre leurs décisions comme la vérité vraie, mais comme découlant aussi de certains phénomènes inconscient provoqués en eux au cours de l’exercice de leur métier.

La seconde est la suivante : les décisions thérapeutiques ne peuvent découler que du « transfert », c’est-à-dire, schématiquement, de la relation spécifique qui s’établit entre un enfant et sa famille et l’équipe de pédopsychiatrie. Il est donc impossible de savoir à l’avance ce qui conviendra pour chaque enfant et chaque famille et aucune proposition ne peut être rejetée par principe.

C’est pourquoi un service de pédopsychiatrie de référence psychanalytique peut être amené à soutenir des parents dans la mise en place de techniques rééducatives de type comportementales si cela a du sens pour cette famille ou à prescrire des médicaments ou des investigations somatiques, d’imagerie et génétiques poussées.

A l’inverse, certains parents ne s’intéressent pas aux méthodes comportementalistes car ils ne supportent pas le principe du conditionnement des comportements basé sur les sanctions et les récompenses, ne souhaitent ni médicaments ni investigations complémentaires poussées.

Là aussi, l’éthique de la psychanalyse pousse l’équipe soignante à entendre les demandes des enfants et de leurs familles et à prendre des décisions avec eux.

L’accusation d’« exclusivité » de la psychanalyse est donc en désaccord avec son éthique même.

Par ailleurs, comme certains enseignants, certains pédiatres, certaines assistantes maternelles, certains professionnels en lien avec l’enfance, il existe des personnes maladroites parmi les professionnels de pédopsychiatrie qui ont la tendance malheureuse de soupçonner sans nuance les mères et les parents d’être responsables des difficultés de leur enfant.

Cette tendance regrettable est à combattre, mais n’a rien à voir avec la psychanalyse, et Jacques Hochmann [16] dit ainsi que l’on peut se faire une idée du fonctionnement d’une institution en lien avec l’enfance à partir du degré de médisance envers les parents qui y règne : plus ce degré est élevé, plus cette institution est en souffrance.

La psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle sont justement le « supplément d’âme » de la psychiatrie [17] qui permet de questionner ce genre de phénomène.

Quand penser fait peur à l’Etat, que devient la démocratie ?

La Haute Autorité de Santé est une instance gouvernementale dont le directeur et les membres du collège sont nommés par le président de la République sur avis, notamment, de l’Assemblée Nationale et du Sénat.

L’indépendance de la Haute Autorité de Santé est sans cesse remise en cause par des scandales liés à des liens et conflits d’intérêts entre certains de ses membres et l’industrie pharmaceutique. Les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé sont fréquemment remises en cause (scandale du Mediator, maladie d’Alzheimer, diabète de type II…) et certains n’hésitent pas à parler d’«expertises sous influence » [18] .

Le dialogue, publié par le journal l’Express le 9 mars 2012 entre Jean-Luc Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé, et Danièle Langloys, présidente de l’association Autisme France est à ce titre éclairant : on y constate que l’enjeu est le financement d’établissements.

Ce qui est très intéressant, c’est que chacun des deux interlocuteurs tombe d’accord : la psychanalyse leur fait peur et « une méthode qui fait peur, c’est une méthode à laquelle il faut renoncer ».

En effet la découverte de l’inconscient peut en effrayer certains, comme en témoigne de manière humoristique l’écrivain américain Jonathan Franzen dans son ouvrage autobiographique La zone d’inconfort :

« en songeant que j’avais probablement, moi aussi, un inconscient qui en savait aussi long sur moi que j’en savais court sur lui, un inconscient toujours en quête d’un moyen de s’extérioriser, d’échapper à mon contrôle pour accomplir sa sale besogne […], j’ai poussé un cri de panique. Un cri tonitruant […]. De retour à Philadelphie, j’ai chassé cet épisode de mon esprit » [19] .

Le « Je est un autre », de Rimbaud [20] , est, pour certains, insupportable.

Mais pour d’autres, cette découverte est, au contraire, salvatrice et source d’enrichissement. Y compris chez les parents d’enfants autistes comme en témoigne l’ouvrage de Jacqueline Berger, mère de jumelles autistes [21] .

Et chez d’autres enfin, c’est l’aspect normatif du comportementalisme qui est terrifiant, comme en témoigne une mère d’un enfant autiste sur le site « Lacan quotidien » [22] .

Pourquoi alors notre « démocratie » choisit-elle d’écouter une seule voie et de retenir une seule option, celle de l’éviction de l’inconscient ?

Dans la vision du monde qui émane de la rationalité néolibérale, tout se situe dans le conscient, tout est affaire de volonté, de détermination, d’effort sur soi-même. Cela aboutit à des clichés : « si untel va mal c’est parce qu’il manque de volonté » et génère une réflexion en terme de responsabilité centrée sur l’individu « auto-entrepreneur de lui-même » [23] , au détriment de la remise en cause des choix politiques et sociaux.

Le comportementalisme classe les comportements en « adaptés » et « non-adaptés ». Quand ses critères s’accordent avec ceux du néolibéralisme, il peut devenir un outil puissant de normalisation managériale.

Est-ce qui explique son succès auprès de nos gouvernements ?

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Notes :

[1]↑– Au sujet de la psychanalyse, extrait d’un dialogue entre JL Harousseau, président de la Haute Autorité de Santé (HAS) et D. Langloys (présidente de l’association Autisme France), publié par l’Express le 09/03/2012.

[2]↑– Pratique psychiatrique et non psychanalytique, consistant en un enveloppement humide du corps de l’enfant dans des draps à 10 degrés recouverts de couvertures chaudes et entourées de plusieurs soignants, avec un réchauffement très rapide du corps favorisant un sentiment de rassemblement corporel et permettant fréquemment l’accès à la verbalisation.

[3]↑– Pédopsychiatre et psychanalyste responsable d’un service de pédopsychiatrie à Lille.

[4]↑– Pédopsychiatre et psychanalyste responsable du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker à Paris.

[5]↑– Pédopsychiatre responsable du service de pédopsychiatrie de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris.

[6]↑– Psychiatre et psychanalyste ayant fondé la CIPPA, Coordination Internationale entre Psychothérapeutes Psychanalystes s’occupant de personnes avec Autisme, association faisant se rencontrer des psychanalystes, chercheurs en neurosciences, comportementalistes.

[7]↑– Psychologue clinicienne auprès d’enfants autistes, enseignante à la faculté Paris 7.

[8]↑– Cette comparaison est liée au principe des thérapies comportementales, à savoir le conditionnement positif de certains comportements par la récompense et le conditionnement négatif de certains comportements par des sanctions.

[9]↑– Brigitte Chamak « L’autisme : surestimation des origines génétiques », Médecine/ Science, Volume 26, n°6-7, Juin-juillet 2010.

[10]↑– François Gonon, « La psychiatrie biologique, une bulle spéculative ? », Esprit, Novembre 2011.

[11]↑– « Autisme, changer le regard », Le monde science et techno, 16/12/2011.

[12]↑– L’une des toutes premières fondations entièrement créées par des autistes, fondée par Jim Sinclair, Donna Williams et Katie Grant.

[13]↑– Voir :  www.autreat.com.

[14]↑– Jonathan Shedler, “The Efficacy of Psychodynamic Psychotherapy”, February–March 2010,  American Psychologist, Vol. 65, No. 2, 98–109.

[15]↑– Mai 2007 – « La question du handicap » au débat du second tour de l’élection présidentielle : http://vimeo.com/38011758.

[16]↑– Pédopsychiatre et psychanalyste français.

[17]↑– Mathieu Bellahsen, « Interdire les suppléments d’âme de la psychiatrie ? », Médiapart, 17/02/2012.

[18]↑– Louis-Adrien Delarue, « La Haute Autorité de Santé, tartuffe de l’indépendance », Formindep, 05/02/2012

[19]↑– Jonathan Franzen « La zone d’inconfort, une histoire personnelle », éd. de l’Olivier, 2006.

[20]↑– Lettres d’Arthur Rimbaud dites « du voyant ».

[21]↑– Jacqueline Berger « Sortir de l’autisme », ed. Buchet Castel, 2007.

[22]↑– Mireille Battut «Mère d’enfant autiste : plutôt coupable qu’ABA », http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2012/02/LQ-1671.pdf.

[23]↑– Pierre Dardot et Christian Laval, « La nouvelle raison du monde, essai sur la société néolibérale », éd. La découverte, 2009.