Facteurs associés aux problèmes de sommeil de la petite enfance
Facteurs associés aux problèmes de sommeil de la petite enfance
Par Evelyne Touchette, INSERM U669, Université Paris-Sud XI et Université Paris Descartes, France
Pour citer cet article :
Touchette E. Facteurs associés aux problèmes de sommeil de la petite enfance. Dans: Tremblay RE, Boivin M, Peters RDeV, eds. Petit D, éd. thème. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants [en ligne]. http://www.enfant-encyclopedie.com/sommeil/selon-experts/facteurs-associes-aux-problemes-de-sommeil-de-la-petite-enfance. Publié : Janvier 2011.
Introduction
Les problèmes de sommeil chez l’enfant n’attirent les regards de la communauté scientifique que depuis une trentaine d’années. Pourtant, les troubles de sommeil représentent un des problèmes les plus communs en pédiatrie clinique [1, 2] Notes-Références 1 et 21 Jenkins S, Owen C, Bax M, Hart H. Continuities of common behaviour problems in preschool children. Journal of Child Psychology and Psychiatry 1984;25:75-89.
2 Anders T, Keener M. Developmental course of nighttime sleep-wake patterns in full- term and pre-term infants during the first year of life. Sleep 1985;8:193-206.. De vastes études épidémiologiques menées en Australie, aux États-Unis, en Italie et en Israël rapportent qu’environ 30 % des enfants d’âge préscolaire souffrent de problèmes de sommeil [3 à 6] Notes-Références 3 à 63 Johnson C. Infant and toddler sleep: a telephone survey of parents in one community. Developmental and Behavioral Pediatrics 1991;12:108-114.
4 Armstrong KL, Quinn RA, Dadds MR. The sleep patterns of normal children. The Medical journal of Australia 1994;161:202-206.
5 Scher A. A longitudinal study of night waking in the first year. Child: Care,Health and Development 1991;18:701-711.
6 Ottaviano S, Giannotti F, Cortesi F, Bruni O, Ottaviano C. Sleep characteristics in healthy children from birth to 6 years of age in the urban area of Rome. Sleep 1996;19:1-3.. Il est connu que les problèmes de sommeil persistants peuvent se répercuter sur plusieurs aspects du développement de l’enfant (physique, cognitif et social) [7 et 8] Notes-Références 7 8 7 Touchette E, Petit D, Séguin JR, Boivin M, Tremblay RE, Montplaisir JY. Associations between sleep duration patterns and behavioral/cognitive functioning at school entry. Sleep 2007;30:1213-1219.
8 Touchette E, Petit D, Tremblay RE, Boivin M, Falissard B, Genolini C, Montplaisir JY. Associations between sleep duration patterns and overweight/obesity at age 6. Sleep 2008;31:1507-1514. sans compter que, dès le départ, la relation parent-enfant peut être teintée négativement [9] Note-Référence 9 9 Touchette E, Petit D, Tremblay RE, Montplaisir JY. Risk factors and consequences of early childhood dyssomnias: New perspectives. Sleep Medicine Reviews 2009;13:355-361. . L’identification des facteurs susceptibles de favoriser ou entraver un bon sommeil revêt donc d’une importance capitale afin de traiter les problèmes de sommeil de la petite enfance.
Sujet
L’International Classification of Sleep Disorders [10] Note-Référence 10 10 The international classification of sleep disorders: Diagnostic and coding manual. 2nd ed. Westchester, IL: American Academy of Sleep Medicine; 2005. a regroupé 84 problèmes de sommeil sous 4 catégories : 1) les dyssomnies, 2) les parasomnies, 3) les troubles de sommeil associés aux maladies psychiatriques et 4) les désordres de sommeil reliés aux troubles médicaux. Bien que la connaissance des troubles du sommeil se soit d’abord acquise chez l’adulte, de plus en plus de chercheurs s’attardent maintenant à mieux comprendre les deux grandes classes de problèmes de sommeil chez l’enfant, les dyssomnies et les parasomnies. Le diagnostic de « dyssomnies » du DSM-IV11 est rarement assigné aux jeunes enfants. Gaylor et son équipe12 ont établi une nosologie plus appropriée aux jeunes enfants en répertoriant 2 classes de précurseurs à l’insomnie (protodyssomnies) :
éveils nocturnes (>2 éveils/nuit (1-2 ans) et >1 éveil/nuit (2 ans ou plus)) et difficultés d’endormissement (>30 minutes à s’endormir (1–2 ans) et >20 minutes à s’endormir (2 ans ou plus)) suivant trois degrés de sévérité : dérèglement normal (1 épisode par semaine), perturbation (2-4 épisodes par semaine) et trouble (5-7 épisodes par semaine) et ce, pour une durée supérieure à un mois.
Il va de soi que les éveils nocturnes ou les problèmes d’endormissement sont liés à une mauvaise consolidation ainsi qu’à une durée plus courte de sommeil la nuit. Les problèmes de sommeil sont influencés à la fois par des facteurs biologiques [13 à 15] Notes-Références 13 à 15 13 Coons S, Guilleminault C. Development of sleep-wake patterns and nonrapid eye movement sleep stages during the first six months of life in normal infants. Pediatrics 1982;69:793-798.
14 Louis J. Maturation du sommeil pendant les deux premières années de vie: aspects quantitatif, structurel et circadien. Neurophysiologie Clinique 1998;28:477-491.
15 Adams SM, Jones DR, Esmail A, Mitchell EA. What affects the age of first sleeping through the night? Journal of paediatrics and child health 2004;40:96-101. et par des facteurs environnementaux [16 et 17] Notes-Références 16 et 1716 Sadeh A, Anders T. Infant sleep problems: origins, assessment, interventions. Infant Mental Health Journal 1993;14:17-34.
17 Jenni OG, O’Connor BB. Children’s sleep: an interplay between culture and biology. Pediatric 2005;115:204-216.
Résultats récents de la recherche
Le modèle de régulation du sommeil humain propose que celui-ci soit régi par deux processus physiologiques. Le Processus S, ou processus homéostatique représentant la propension au sommeil, augmente au cours de l’éveil et diminue d’une façon exponentielle au cours du sommeil (ex., suivant le principe d’un sablier). Par contre, le processus circadien (Processus C) est indépendant des périodes de veille-sommeil et contrôle la propension à l’éveil exprimée sous forme d’un sinus sur une période d’environ 24 heures [18] Note-Référence 18 18 Dijk DJ, Czeisler CA. Paradoxical timing of the circadian rhythm of sleep propensity serves to consolidate sleep and wakefulness in humans. Neuroscience Letters 1994,166:63-68. . C’est l’interaction des 2 processus qui permet aux adultes de dormir environ 8 heures de façon consolidée et de demeurer éveillés pendant 16 heures consécutives. Le modèle conceptuel de la régulation veille-sommeil chez l’enfant est en pleine éclosion [19 et 20] Notes-Références 19 et 2019 Cajochen C, Blatter K, Wallach D. Circadian and sleep-wake dependent impact on neurobehavioral function. Psychologica Belgica 2004;44:59-80.
20 Jenni OG. Sleep-wake processes play a key role in early infant crying. The Behavioral and brain sciences 2004;27:464-465. . Les problèmes de sommeil au cours des premiers mois pourraient résulter d’une mauvaise orchestration d’émergence des 2 processus de régulation. Par exemple, une plus lente maturation de S et/ou C peut entraîner la présence de problèmes d’éveils nocturnes ou des difficultés d’endormissement chez le nourrisson. Cependant, la variabilité dans l’âge d’établissement d’un rythme veille-sommeil consolidé suggère que des facteurs autres que la maturation des deux processus influencent la consolidation du sommeil.
Certaines caractéristiques propres à l’enfant influencent l’établissement d’un sommeil consolidé. Deux études longitudinales couvrant la période de la naissance jusqu’à 2 ans [21 et 22] Notes-Références 21 et 2221 Bernal JF. Night waking in infants during the first 14 months. Developmental Medicine in Child Neurology 1973;15:760-769.
22 Blurton-Jones N, Rosetti-Ferreira M, Farquar-Brown M, McDonald I. The association between perinatal factors and later night waking. Developmental Medicine in Child Neurology 1978;20:427-434.. et d’autres études [23 à 25] Notes-Références 23 à 2523 Moore T, Ucko LE. Night waking in early infancy, I. Archives of disease in childhood 1957;32:333-342.
24 Richman N. A community survey of characteristics of one-to two-year-olds with sleep disruptions. Journal of the American Academy of Child Psychiatry 1981;20:281-291.
25 Minde K, Popiel K, Leos N, Falkner S, Parker K, Handley-Derry M. The evaluation and treatment of sleep disturbances in young children. Journal of Child Psychology and Psychiatry 1993;34:521-533. ont montré une association entre la mauvaise consolidation du sommeil et des difficultés entourant la période périnatale telles qu’un accouchement de longue durée, un faible score de l’état du bébé à la naissance (p.ex., tonicité musculaire, réflexe), un poids à la naissance inférieur à 2 500 g, indice de prématurité (p.ex., <37 semaines) ou un score faible au niveau de l’APGAR (p. ex., asphyxie), alors que d’autres études n’ont pas trouvé cette relation [26 à 29] Notes-Références 26 à 2926 Chavin W, Tinson S. The developing child: children with sleep difficulties. Health visitor 1980;53:477-480.
27 Lozoff B, Wolf AW, Davis NS. Cosleeping in urban families with young children in the United States. Pediatrics 1984;74:171-182.
28 Zuckerman B, Stevenson J, Bailey V. Sleep problems in early childhood: continuities, predictive factors, and behavioral correlates. Pediatrics 1987;80:664-671.
29 Wolke D, Meyer R, Ohrt B, Riegel K. The incidence of sleeping problems in preterm and fullterm infants discharged from neonatal special care units: an epidemiological longitudinal study. Journal of Child Psychology and Psychiatry 1995;36:203-223. 3 Un tempérament difficile a été rapporté comme étant associé à la présence de problèmes de sommeil [25 et 30 à 32] Notes-Références 25 et 30 à 32 25 Minde K, Popiel K, Leos N, Falkner S, Parker K, Handley-Derry M. The evaluation and treatment of sleep disturbances in young children. Journal of Child Psychology and Psychiatry 1993;34:521-533.
30 Carey WB. Night waking and temperament in infancy. Journal of Pediatry 1974;84:756-758.
31 Schaefer CE. Night waking and temperament in early childhood. Psychological Reports 1990;67:192-194.
32 Sadeh A, Lavie P, Scher A. Temperament and night waking in early childhood, revisted. Sleep Research 1992;21:93-93. Le sexe de l’enfant aurait, par contre, peu d’influence sur le développement d’un rythme veille-sommeil consolidé. L’anxiété de séparation pourrait être aussi un facteur important à examiner puisque les enfants ayant un taux d’anxiété de séparation plus élevé souffrent davantage d’éveils nocturnes [36] Note-Référence 36 36 Ferber R. Sleep, sleeplessness, and sleep disruptions in infants and young children. Annals of Clinical Research 1985;17:227-234.
Les caractéristiques des parents influencent aussi l’établissement d’un sommeil consolidé dans la mesure où elles sont associées à certaines habitudes ou pratiques entourant le coucher. Des mères anxieuses, surprotectrices, dépressives ou ayant vécu de l’insécurité dans leur histoire d’attachement auraient tendance à avoir davantage des enfants ayant des problèmes de sommeil comparativement aux autres mères [37 à 40] Notes-Références 37 à 4037 Paret I. Night waking and its relation to mother-infant interaction in nine-month-old infants. In: Call J, Galenson E, Tyson R, eds. Frontiers of infant psychiatry. New York, NY: Basic Books; 1983.
38 Navelet Y. Insomnia in the child and adolescent. Sleep 1996;19:S23-S28.
39 Scher A, Blumberg O. Night waking among 1-year olds: A study of maternal separation anxiety. Child: Care, Health and Development 1999;25:323-334.
40 Touchette E, Petit D, Paquet J, Boivin M, Japel C, Tremblay RE, Montplaisir JY. Factors associated with fragmented sleep at night across early childhood. Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine 2005;159:242-249.. Par exemple, des études ont démontré que l’état dépressif des mères influencent la consolidation du sommeil de l’enfant [4,25,27,29,41,42] Notes-Références 4,25,27,29,41,424 Armstrong KL, Quinn RA, Dadds MR. The sleep patterns of normal children. The Medical journal of Australia 1994;161:202-206.
25 Minde K, Popiel K, Leos N, Falkner S, Parker K, Handley-Derry M. The evaluation and treatment of sleep disturbances in young children. Journal of Child Psychology and Psychiatry 1993;34:521-533.
27 Lozoff B, Wolf AW, Davis NS. Cosleeping in urban families with young children in the United States. Pediatrics 1984;74:171-182.
29 Wolke D, Meyer R, Ohrt B, Riegel K. The incidence of sleeping problems in preterm and fullterm infants discharged from neonatal special care units: an epidemiological longitudinal study. Journal of Child Psychology and Psychiatry 1995;36:203-223.
41 Anders TF, Halpern L, Hua J. Sleeping through the night: a developmental perspective. Pediatrics 1992;90:554-560.
42 Goodlin-Jones BL, Eiben LA, Anders TF. Maternal well-being and sleepwake behaviors in infants: an intervention using maternal odor. Infant Mental Health Journal 1997;18: 378-393.. Cette relation pourrait être attribuable à une modification des comportements maternels (surprotection) entravant ainsi l’apprentissage de l’enfant face à son autonomie au sommeil [37] Note-Référence 37 37 Paret I. Night waking and its relation to mother-infant interaction in nine-month-old infants. In: Call J, Galenson E, Tyson R, eds. Frontiers of infant psychiatry. New York, NY: Basic Books; 1983.. L’âge de la mère et son éducation auraient, par contre, peu d’influence sur la consolidation du sommeil des enfants âgés de 0 à 4 ans [23, 27, 40] Note-Référence 123 Moore T, Ucko LE. Night waking in early infancy, I. Archives of disease in childhood 1957;32:333-342.
27 Lozoff B, Wolf AW, Davis NS. Cosleeping in urban families with young children in the United States. Pediatrics 1984;74:171-182.
40 Touchette E, Petit D, Paquet J, Boivin M, Japel C, Tremblay RE, Montplaisir JY. Factors associated with fragmented sleep at night across early childhood. Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine 2005;159:242-249.. Les mères travaillant à l’extérieur ont rapporté que le sommeil de leurs enfants est davantage entrecoupé d’éveils que celui des enfants dont les mères sont au foyer [43] Notes-Références 43,4443 Van Tassel EB. The relative influence of child and environmental characteristics on sleep disturbances in the first and second years of life. Developmental and behavioral pediatrics 1985;6:81-86.
44 Scher A, Tirosh E, Jaffe M, Rubin L, Sadeh A, Lavie P. Sleep patterns of infants and young children in Israel. International journal of behavioural development 1995;18:701-711.. Par contre, la structure de la famille semble avoir peud’influence sur le développement d’un rythme veille-sommeil consolidé chez le jeune enfant [21,25,44] Notes-Références 21,25,4421 Bernal JF. Night waking in infants during the first 14 months. Developmental Medicine in Child Neurology 1973;15:760-769.
25 Minde K, Popiel K, Leos N, Falkner S, Parker K, Handley-Derry M. The evaluation and treatment of sleep disturbances in young children. Journal of Child Psychology and Psychiatry 1993;34:521-533.
44 Scher A, Tirosh E, Jaffe M, Rubin L, Sadeh A, Lavie P. Sleep patterns of infants and young children in Israel. International journal of behavioural development 1995;18:701-711..
Le sommeil est bien ancré dans un contexte social où les parents semblent jouer un rôle crucial [41, 45] Notes-Références 41, 4541 Anders TF, Halpern L, Hua J. Sleeping through the night: a developmental perspective. Pediatrics 1992;90:554-560.
45 Adair R, Bauchner H, Philipp B, Levenson S, Zuckerman B. Night waking during infancy: role of parental presence at bedtime. Pediatrics 1990;87:500-504.. Une étude épidémiologique menée auprès de nourrissons nés prématurément et à terme a suggéré que l’immaturité du système nerveux serait un facteur moins important que les comportements parentaux inadéquats dans le développement des problèmes de sommeil [29] Note-Référence 2929 Wolke D, Meyer R, Ohrt B, Riegel K. The incidence of sleeping problems in preterm and fullterm infants discharged from neonatal special care units: an epidemiological longitudinal study. Journal of Child Psychology and Psychiatry 1995;36:203-223.. Des études ont montré des comportements parentaux inadéquats au moment du coucher tels que la présence parentale pendant l’endormissement de l’enfant sont les meilleurs prédicteurs des troubles de sommeil en bas âge (1 an et 2 ans) [4,40,43] Notes-Références 4,40,434 Armstrong KL, Quinn RA, Dadds MR. The sleep patterns of normal children. The Medical journal of Australia 1994;161:202-206.
40 Touchette E, Petit D, Paquet J, Boivin M, Japel C, Tremblay RE, Montplaisir JY. Factors associated with fragmented sleep at night across early childhood. Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine 2005;159:242-249.
43 Van Tassel EB. The relative influence of child and environmental characteristics on sleep disturbances in the first and second years of life. Developmental and behavioral pediatrics 1985;6:81-86.. Anders & Eiben [46] Note-Référence 4646 Anders TF, Eiben LA. Pediatric sleep disorders: a review of the past 10 years. Journal of American Academy of Child and Adolescent Psychiatry 1997;36:9-20. vont jusqu’à dire que les interactions parent-enfant au moment du coucher pourraient prédire l’émergence de protodyssomnies chez le jeune enfant.
Dans la culture occidentale, le fait de dormir seul est considéré comme une pierre angulaire dans le concept de « bon dormeur » [41] Note-Référence 41 41 Anders TF, Halpern L, Hua J. Sleeping through the night: a developmental perspective. Pediatrics 1992;90:554-560.. D’ailleurs, la majorité des professionnels en pédiatrie recommandent que les enfants dorment seuls [47] Note-Référence 47 47 Ramos KD, Youngclarke DM. Parenting advice books about child sleep: cosleeping and crying it out. Sleep 2006;29:1616-1623.. Le fait de dormir dans le lit parental est associé à une plus grande prévalence de problèmes de sommeil, surtout sur les enfants âgés de plus de 4 ans [6] Note-Référence 6 6 Ottaviano S, Giannotti F, Cortesi F, Bruni O, Ottaviano C. Sleep characteristics in healthy children from birth to 6 years of age in the urban area of Rome. Sleep 1996;19:1-3.. La majorité des enfants avec un problème de sommeil ont déjà dormi dans le lit parental (70 %) à la suite d’un éveil nocturne comparativement à 23 % des enfants n’ayant pas de troubles de sommeil
[48] Note-Référence 4848 Lozoff B, Askew GL, Wolf AW. Cosleeping and early childhood sleep problems: effects of ethnicity and socioeconomic status. Journal of developmental and behavioral pediatrics 1996;17:9-15.. Il est reconnu que l’ethnicité et le statut socio-économique influencent la pratique du partage du lit parental. Contrairement aux cultures occidentales, l’association entre le partage du lit et les problèmes de sommeil n’est pas rapportée dans les cultures non-occidentales [49, 50] Notes-Références 49, 5049 Super CM, Harkness S. The infant’s niche in rural kenya and metropolitan america. In: Ader LL, ed. Cross-cultural research at issue. New York, NY: Academic Press; 1982.
50 Morelli G, Rogoff B, Oppenheim D, Goldsmith D. Cultural variation in infant’ sleeping arrangements: questions of independance. Developmental Psychology 1992;28:604-613. ni dans les communautés non-caucasiennes à faible revenu [27] Note-Référence 27 27 Lozoff B, Wolf AW, Davis NS. Cosleeping in urban families with young children in the United States. Pediatrics 1984;74:171-182.. Cette absence d’association pourrait être expliquée par le fait que, dans ces cas, le partage du lit n’est pas en réaction à un éveil nocturne, mais bien associé à une habitude répétée chaque nuit. Lorsqu’il est en réaction à un éveil nocturne de l’enfant, le partage du lit parental est manifestement associé aux troubles de sommeil [40, 51, 52] Notes-Références 40, 51, 5240 Touchette E, Petit D, Paquet J, Boivin M, Japel C, Tremblay RE, Montplaisir JY. Factors associated with fragmented sleep at night across early childhood. Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine 2005;159:242-249.
51 Kataria S, Swanson MS, Trevathan GE. Persistance of sleep disturbances in preschool children. Journal of pediatrics 1987;110:642-646.
52 Madansky D, Edelbrock C. Cosleeping in a community sample of 2- and 3-year-old children. Pediatrics 1990;86:197-203.
Des études ont montré une corrélation positive entre l’allaitement maternel avec les éveils signalés la nuit [28, 33, 44, 53] Nots-Références 28, 33, 44, 5328 Zuckerman B, Stevenson J, Bailey V. Sleep problems in early childhood: continuities, predictive factors, and behavioral correlates. Pediatrics 1987;80:664-671
33 Eaton-Evans J, Dugdale AE. Sleep patterns of infants in the first year of life. Archives of disease in childhood 1988;63:647-649.
44 Scher A, Tirosh E, Jaffe M, Rubin L, Sadeh A, Lavie P. Sleep patterns of infants and young children in Israel. International journal of behavioural development 1995;18:701-711.
53 Elias MF, Nicolson NA, Bora C, Johnston J. Sleep/wake patterns of breast-fed infants in the first 2 years of life. Pediatrics 1986;77:322-329. alors que d’autres recherches n’ont pas trouvé cette relation [21,22,27,45,54] Notes-Références 21,22,27,45,5421 Bernal JF. Night waking in infants during the first 14 months. Developmental Medicine in Child Neurology 1973;15:760-769.
22 Blurton-Jones N, Rosetti-Ferreira M, Farquar-Brown M, McDonald I. The association between perinatal factors and later night waking. Developmental Medicine in Child Neurology 1978;20:427-434.
27 Lozoff B, Wolf AW, Davis NS. Cosleeping in urban families wth young children in the United States. Pediatrics 1984;74:171-182.
45 Adair R, Bauchner H, Philipp B, Levenson S, Zuckerman B. Night waking during infancy: role of parental presence at bedtime. Pediatrics 1990;87:500-504.
54 Kahn A, Mozin MJ, Rebuffat E, Sottiaux M, Muller MF. Milk intolerance in children with persistent sleeplessness: a prospective double-blind crossover evaluation. Pediatrics 1989;84:595-603.. Il faut toutefois se garder de penser que l’allaitement maternel nuit à la consolidation du sommeil alors que les vertus de l’allaitement sont nombreuses autant pour la mère, le nourrisson et l’établissement de la relation d’attachement entre les deux. Le délai trop court entre la demande et la réponse serait davantage en cause dans cette association plutôt que le mode d’alimentation en soi [55, 56] Notes-Références 55, 5655 Keener MA, Zeanah CH, Anders TF. Infant temperament, sleep organization, and nighttime parental interventions. Pediatrics 1988;81:762-771.
56 Pinilla T, Birch LL. Help me make it through the night: behavioural entrainment of breast-fed infants’ sleep patterns. Pediatrics 1993;91:436-444.. Finalement, les enfants qui possèdent un objet transitionnel (ex., une couverture, un animal en peluche, une suce ou autre), et l’utilisent pour se sécuriser ou s’auto-réconforter en l’absence de leur mère lors de la période d’endormissement sont moins enclins à signaler leurs éveils [37, 41] Notes-Références 37, 41 37 Paret I. Night waking and its relation to mother-infant interaction in nine-month-old infants. In: Call J, Galenson E, Tyson R, eds. Frontiers of infant psychiatry. New York, NY: Basic Books; 1983.
41 Anders TF, Halpern L, Hua J. Sleeping through the night: a developmental perspective. Pediatrics 1992;90:554-560..
Dans la majorité des cas des problèmes de sommeil dans la petite enfance, des méthodes comportementales impliquant les parents devraient être explorées avant d’avoir recours à un médicament (voir revue des traitements comportementaux 57). Il est important d’investiguer la condition physique de l’enfant (ex. coliques, crises épileptiques) afin de s’assurer que le problème de sommeil ne soit pas d’ordre médical. Étant donné qu’une quantité réduite de sommeil ne favoriserait pas un développement optimal chez l’enfant, il est important de briser le cycle vicieux des problèmes de sommeil dès leur apparition ou même d’une façon préventive. L’investigation des comportements des parents autour des périodes de sommeil est d’une importance capitale dans une évaluation clinique chez l’enfant ayant des problèmes de sommeil. Par exemple, si un enfant s’endort dans les bras des parents pour être ensuite déposé dans son lit pour la nuit, une des recommandations aux parents pourrait s’avérer de déposer l’enfant éveillé dans son lit afin qu’il apprenne à s’endormir seul au moment du coucher et puisse transférer cet apprentissage durant la nuit. Ensuite, il est important de mettre l’accent sur l’instauration d’une routine enveloppante, chaleureuse et sécurisante tout en favorisant l’autonomie de l’enfant face au sommeil autour de la phase d’endormissement de l’enfant. Ainsi, l’enfant disposera alors de points de repère dans l’espace et dans le temps afin de diminuer son anxiété de séparation et faciliter sa capacité à s’endormir seul dans son lit pendant la nuit [25] Note-Référence 2525 Minde K, Popiel K, Leos N, Falkner S, Parker K, Handley-Derry M. The evaluation and treatment of sleep disturbances in young children. Journal of Child Psychology and Psychiatry 1993;34:521-533.L’efficacité de plusieurs stratégies comportementales pour soulager les troubles de sommeil chez les enfants sevrés pendant la nuit a été démontrée empiriquement. L’extinction ou l’extinction graduelle implique de laisser pleurer l’enfant après le moment du coucher pour qu’il apprenne à s’endormir seul. Le fait de réveiller l’enfant 15 à 30 minutes avant ses éveils nocturnes habituels facilite l’apprentissage à s’endormir seul après un éveil la nuit (58). Il est également recommandé que le traitement proposé puisse favoriser l’établissement d’un lien d’attachement sécuritaire entre les parents et l’enfant.
Questions clés pour la recherche
Pour tous ces facteurs entravant l’établissement d’un sommeil consolidé chez le jeune enfant, il faut tout de même rappeler que la cause est difficile à différencier de l’effet; il est donc possible que si l’enfant ne dort pas 6 heures consécutives la nuit à 6 mois, le parent soit davantage enclin à sortir l’enfant du lit après un éveil nocturne. L’instauration d’études contrôlées est donc nécessaire afin de comprendre spécifiquement les ingrédients favorisant l’apprentissage de l’enfant à s’auto-apaiser et l’établissement d’un bon sommeil pendant la petite enfance. Il reste à savoir si les méthodes comportementales rapportées ci-haut auraient un taux de succès plus élevé pendant une période développementale critique. On sait tous que chaque enfant a son propre tempérament. De futurs projets de recherche seraient pertinents afin d’évaluer les seuils de sensibilité au niveau physiologique des « mauvais dormeurs » comparativement aux « bons dormeurs » afin d’offrir une aide adaptée aux enfants ayant un tempérament difficile. On compte de plus en plus d’immigrants de plusieurs pays. Il y a malheureusement trop peu d’études sur le sommeil des immigrants et de leurs enfants pour pouvoir offrir des pistes d’intervention possibles. Rona et ses collègues [59]Note-Référence 5959 Rona RJ, Li L, Gulliford MC, Chinn S. Disturbed sleep: Effects of sociocultural factors and illness. Archives of Disease in Childhood 1998;78:20-25.ont d’ailleurs montré qu’une immigration récente augmentait le risque de développer des troubles de sommeil chez les enfants. Une idée prometteuse de recherche serait également d’étudier les problèmes de sommeil dans la petite enfance en laboratoire auprès de jumeaux dans le but de connaître la contribution relative de la génétique et de l’environnement.
Conclusions
L’étude du sommeil normal et pathologique de l’enfant est de première importance pour comprendre le développement de l’enfant. D’ailleurs, il a été montré que les enfants ayant une courte durée de sommeil de façon chronique ou ayant un mauvais sommeil avant 3½ ans ont un taux d’hyperactivité plus élevé, une moins bonne performance aux tests cognitifs standardisés ainsi qu’un risque plus élevé d’obésité à 6 ans comparativement aux enfants ayant une durée de sommeil d’environ 11 heures par nuit au cours de la petite enfance [7, 8] Notes-Références 7, 87 Touchette E, Petit D, Séguin JR, Boivin M, Tremblay RE, Montplaisir JY. Associations between sleep duration patterns and behavioral/cognitive functioning at school entry. Sleep 2007;30:1213-1219.
8 Touchette E, Petit D, Tremblay RE, Boivin M, Falissard B, Genolini C, Montplaisir JY. Associations between sleep duration patterns and overweight/obesity at age 6. Sleep 2008;31:1507-1514.. Un des messages à retenir est qu’il ne faut pas attendre trop longtemps pour traiter les problèmes de sommeil chez l’enfant puisque plus ils perdurent, plus il y a de risques que la chronicité s’installe.
Implications pour les politiques et services
Les problèmes de sommeil du jeune enfant constituent un des principaux motifs de consultation de pédiatrie. Les professionnels de la santé de la petite enfance devraient avoir des connaissances sur l’ontogénèse du sommeil afin d’être en mesure de distinguer les perturbations « normales » d’un sommeil en pleine maturation des problèmes « réels » de sommeil dans la petite enfance. De plus, ils doivent être en mesure d’explorer finement les interactions entre le bébé et les parents afin de comprendre si le problème provient d’un désordre physiologique ou plutôt d’un désordre comportemental. Des méthodes comportementales de traitement, assistées par un spécialiste du sommeil, devraient être mises en place et offertes dans plusieurs services pour les parents après que l’enfant soit sevré biologiquement pendant la nuit. Pendant les cours prénataux et dans le livret sur le nourrisson reçu à l’hôpital, les parents devraient être mis au courant des comportements à instaurer afin de favoriser les bonnes habitudes de sommeil chez leur nourrisson puisque la chronicisation des problèmes de sommeil chez le jeune enfant peut entraîner d’importantes répercussions sur son développement et sur la vie familiale. Enfin, étant donné la forte prévalence des problèmes de sommeil dans la petite enfance, le transfert des connaissances par les spécialistes du sommeil devraient s’étendre à tous les milieux, par exemple, de la garderie jusqu’aux instances gouvernementales.
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