Les troubles neurodéveloppementaux, analyse critique

Les « troubles neurodéveloppementaux » : analyse critique

Par Anne Delègue, pédopsychiatre, octobre 2019

Plusieurs textes de lois sont parus récemment (une circulaire du 22 novembre 2018 [1] ), suivie de plusieurs textes jusqu’en juillet 2019 ( [2] site legifrance ; [3] site legifrance ; [4] site legifrance ; [5] ), touchant de près notre discipline et y amenant de très préoccupantes modifications [6] site api.asso.fr. Ces textes sont relatifs à la mise en place des -plateformes d’orientation et de coordination- (POC), dans le cadre d’un -parcours de bilan et d’intervention précoce pour les enfants avec des troubles du neurodéveloppement- (TND). Ces nouvelles mesures, prenant pour base et fondement le concept de TND, exigent l’examen approfondi de cette notion.

Après avoir défini ces « TND » et fait quelques commentaires généraux critiques, nous examinerons chacun des différents troubles ainsi regroupés, principalement à la lumière des textes officiels auxquels renvoie la première circulaire ( [1] , p. 4), ce qui nous permettra d’approfondir la question de la validité de ce concept de TND.

Définition des « troubles neurodéveloppementaux » et questionnements

En ce qui concerne les classifications, cette dénomination apparaît dans le DSM-5 [7] , « classification de référence » selon la circulaire ( [1] p. 14). Contrairement à ce qui est affirmé p. 14, la dénomination TND n’existe pas dans la CIM-10, mais le sera dans la CIM 11, qui reprend les rubriques du DSM-5 (CIM : classification internationale des maladies de l’OMS).

Les termes « troubles neurodéveloppementaux » remplacent ceux de « troubles habituellement diagnostiqués pendant la première et la deuxième enfance, ou à l’adolescence » des DSM-IV et IV-TR ( [8] ; [9] [10];[11]) [1] .

A l’occasion de ce changement, des sous-catégories appartenant à cette rubrique sont déplacées ailleurs : les troubles des conduites, le « trouble oppositionnel avec provocation » et autres troubles du comportement non spécifiés, les troubles de l’alimentation et des conduites alimentaires, du contrôle sphinctérien, l’anxiété de séparation, le mutisme sélectif, le « trouble réactionnel de l’attachement », et ces troubles (de l’enfance et adolescence) « non spécifiés ».

Pour finir, les « troubles neurodéveloppementaux » comportent :

  • les handicaps intellectuels,
  • les troubles de la communication (comprenant les difficultés de parole et langage),
  • les troubles du spectre de l’autisme (TSA),
  • le déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH),
  • les troubles spécifiques des apprentissages,
  • les troubles moteurs, dont les tics,
  • les « autres troubles neurodéveloppementaux spécifiés et non spécifiés ».

Ils forment donc une grande partie des problématiques dont la pédopsychiatrie partage traditionnellement la charge avec d’autres acteurs du domaine médico-social et sanitaire.

Quelle est la validité de cette classification et de cette dénomination ?

Le DSM-5 définit les troubles neurodéveloppementaux comme « un ensemble d’affections qui débutent durant la période du développement, souvent avant même que l’enfant n’entre à l’école primaire ; ils sont caractérisés par des déficits du développement qui entraînent une altération du fonctionnement personnel, social, scolaire ou professionnel » [7] page 33.

Début dans l’enfance comme auparavant, cette définition n’explique pas le terme TND, d’autant que les pathologies exclues de ce champ pourraient être considérées aussi comme des « déficits » de développement, si on les compare au développement « normal ».

A l’ère des neurosciences, de la neurobiologie et la neuropsychologie, les manifestations mentales et/ou d’origine mentale sont souvent formulées en termes d’organisation neuronale et du cerveau. Nous lisons par exemple ceci (datant du 02.04.19) sur le site handicap.gouv.fr [12] site handicap.gouv.fr : « Le neurodéveloppement recouvre l’ensemble des mécanismes qui, dès le plus jeune âge, et même avant la naissance, structurent la mise en place des réseaux du cerveau impliqués dans la motricité, la vision, l’audition, le langage ou les interactions sociales. Quand le fonctionnement d’un ou plusieurs de ces réseaux est altéré, certains troubles peuvent apparaître : troubles du langage, troubles des apprentissages, difficultés à communiquer ou à interagir avec l’entourage ».

Le champ de l’enfance et du développement est donc lui aussi envahi de ces sortes de « pseudo-évidences » recouvertes d’un masque scientifique. On sait en effet parfaitement que tout fonctionnement psychique, cognitif et/ou développemental se trouve sous-tendu par une organisation cérébrale (des neurones, synapses, neurotransmetteurs, au sein de régions ou d’aires cérébrales etc.), qui reflète l’état du développement en cours. Pour autant la raison de la dénomination sur laquelle nous nous penchons ne ressort pas non plus de cette explication, car à ce compte tous les troubles de l’enfance pourraient appartenir à cette rubrique.

L’emploi des mots n’est pas anodin et répond à certaines raisons ; il crée aussi la néo-réalité qui prévaudra, avec des conséquences dont on apercevra la portée. Il faut donc examiner les choses plus en détails.

Alors que les CFTMEA (Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent [13] ) et [14] CFTMA organisent la sémiologie en associant clinique descriptive, et regroupements psychopathologiques (donc selon un axe de tentative de compréhension du « fonctionnement psychique »), le DSM, à partir de sa troisième version [15] , regroupe des symptômes en catégories d’après des ressemblances sémiologiques ou d’atteintes de grandes fonctions, en prenant appui sur les comportements observés, donc selon une analyse seulement descriptive comportementale.

La validité, critère le plus « scientifique » d’une classification, repose sur sa capacité à distinguer les maladies entre elles d’une part, et avec la normalité d’autre part [16] lien . Les marqueurs biologiques ont beaucoup contribué à la définition d’entités valides en médecine somatique, ce qui n’a pas pu être le cas en psychiatrie. L’ambition du DSM était de combler ce manque en mettant en évidence des marqueurs biologiques pour chaque trouble inventorié, avec l’espoir qu’un traitement spécifique pourrait y être associé. Mais le DSM-5 reconnaît l’échec de la démarche : « Dans le DSM-5, nous reconnaissons le fait que les critères diagnostiques actuels, pour n’importe quel trouble singulier, n’identifient pas nécessairement un groupe homogène de patients pouvant être caractérisés de manière fiable au moyen de tous ces validateurs» [17] page 5, (voir aussi [16] page 286). Les études publiées vont d’ailleurs toutes dans le sens d’une absence de validité du DSM [16] lien . La revue Prescrire relevait déjà l’arbitraire et le manque de rigueur des différentes versions des DSM et conseillait aux praticiens de garder leurs distances avec le manuel ( [18] , [19] ) lien .

Les troubles regroupés par ressemblance symptomatique peuvent donc recouvrir des entités différentes des points de vue physiologique ou physique, psychologique ou psychopathologique et étiopathogénique. De la même façon qu’en médecine, un symptôme (ex : fièvre, céphalées, vomissements) ou un syndrome (association non fortuite de symptômes, ex : syndrome méningé) ne signent pas une maladie.

Pourtant en regroupant sous une même bannière des troubles dits du neurodéveloppement (donc séparés d’autres « troubles » ne portant pas ce nom), le DSM induit la confusion en semblant invoquer pour tous un état ou un mécanisme similaire (ce « déficit du développement » ?) ; le doute persiste d’ailleurs quant à son état seulement « descriptif » ou ressortissant d’une explication étiologique ou étiopathogénique supposée. Il nous est d’ailleurs dit que le « TDAH » par exemple aurait aussi pu être classé ailleurs que dans la catégorie TND, dans les « troubles disruptifs », les « troubles du contrôle moteur » ou les « troubles des conduites » ( [7] , introduction p. 12).

Faute d’explication scientifiquement fondée, il nous faut invoquer d’autres raisons au choix du terme TND. Car axer ainsi les phénomènes tend à mettre de côté les rôles des contextes relationnels, psychologiques et affectifs, socio-économico-culturo-historiques dans le développement humain. L’intrication des différents facteurs est pourtant inextricable et joue pour chaque individu à des degrés divers : c’est ainsi que la psychiatrie repose traditionnellement sur son fameux « trépied psycho-bio-social ». Le parti pris idéologique du DSM se dévoile lorsqu’une dimension, la dimension « biologique », est privilégiée au détriment des autres.

Les intérêts qui poussent à cette façon de voir sont divers, tant idéologiques (par exemple reproches faits à la psychanalyse d’avoir culpabilisé les parents quand elle mettait en évidence le rôle de l’environnement au sens large dans la croissance de l’enfant), que politiques et économiques. On connaît par exemple le peu de transparence entourant les liens existants entre les experts impliqués dans les révisions nosologiques, et l’industrie pharmaceutique. En 2012 l’étendue de ces liens s’est encore aggravée puisqu’ils concernent 69% des membres de travail du DSM-5 (contre 57% pour le DSM-IV) ( [20] , note p. 300 lien ).

La méthodologie du DSM, le vote, pose aussi question ; cette « innovation originale pour une entreprise affichant une ambition scientifique » est une « procédure foncièrement politique par l’intermédiaire de laquelle les groupes de pression – les puissantes associations de parents, d’usagers ou les lobbies pharmaceutiques – interviennent désormais directement dans la nosographie » ([21] , p. 640 lien).

Ainsi ces troubles, quoique faisant toujours partie des « troubles mentaux », mais dépendant tout à coup bien davantage des organisations neuronales et cérébrales, semblent glisser du côté de la médecine somatique et de la neurologie. Ce que les promoteurs du DSM ne contrediraient sans doute pas, lorsque qu’ils affirment « qu’il n’y a pas de distinction fondamentale à établir entre troubles mentaux et affections médicales générales » ( [8] , avant-propos).

Mais l’aspect performatif des mots joue à taux plein. La compréhension des familles, comme des professionnels, s’effectue au sens littéral : le mot instaure la chose et crée la croyance. Les enfants se trouvent affublés de « troubles » qui ne sont pas seulement une description des symptômes qu’ils présentent, mais les marquent d’un problème semblant leur devenir intrinsèque et les définissant en quelque sorte. Le terme « trouble neurodéveloppemental » nous paraît ainsi problématique en ce qu’il inscrit « dans les neurones », donc dans l’organisation et l’être même de l’enfant les symptômes qu’il présente, donc ses « troubles ». On en pressent les conséquences possiblement néfastes sur le plan de la construction identitaire et narcissique des enfants ainsi « diagnostiqués ».

Afin d’approfondir notre lecture critique de la dénomination « TND », nous allons nous pencher sur chacun de ces troubles. Nous verrons si cette étude confirme le caractère problématique de la dénomination « TND », appliquée indifféremment à des troubles pouvant se distinguer des points de vue cliniques, étiopathogéniques et psychopathologiques.

Revue des « troubles neurodéveloppementaux »

Pour cet examen de chaque « TND », nous prenons surtout pour bases les six recommandations de bonnes pratiques professionnelles de la HAS et textes de référence auxquels renvoie la circulaire pour ces TND ( [1] , p. 4), ainsi que les « argumentaires scientifiques » et Inserm qui y sont associés. Cette revue permettra aussi de mettre en évidence quelques éléments d’évolution des dernières années pour notre discipline.

1 – Les handicaps intellectuels, ou déficiences intellectuelles (DI)

La circulaire ( [1] , p. 4) renvoie au travail de l’Inserm sur les DI datant de 2016 [22] .

La DI est extrêmement hétérogène sur les plans clinique et étiologique ( [22] , p. 19). On distingue la déficience intellectuelle légère (DIL) de la déficience intellectuelle sévère (DIS).

Les prévalences sont différentes : en France, la prévalence est estimée à 1 à 2 % de la population pour la DIL, et 0,3 à 0,4 % pour la DIS ( [22] p. 7).

Il existe une prévalence plus forte de la DIL dans les milieux socio-économiques défavorisés (incluant revenus et niveau d’éducation des parents). Cet effet est beaucoup moins important pour la prévalence de la DIS ( [22] , p. 7).

Des facteurs de risques environnementaux ont été retrouvés : prématurité et retard de croissance intra-utérin ; l’alcoolisation excessive maternelle serait la cause environnementale la plus fréquente ( [22] , p. 7).

Des facteurs organiques sont mis en évidence dans 75 % des formes sévères (QI < 50), et la prévalence est la même quel que soit le milieu socio-économique de l’enfant. Par contre l’étiologie de la DIL n’est identifiée que dans une faible proportion, de l’ordre de 20 % des cas ( [22] , p 19-20). Parmi les causes identifiées, les causes génétiques sont fortement représentées et très nombreuses ( [22] , p 20).

Ces données mettent clairement en évidence l’hétérogénéité des DI, tant des points de vue clinique, qu’étiologique et étiopathogénique. Alors que le terme TND pourrait sembler encore le plus adapté pour ces « déficiences » intellectuelles, son emploi indifférencié pour tous ces troubles semble abusif. Apparaissent en effet clairement les rôles prépondérants des facteurs génétiques et organiques pour les DIS, contrairement aux DIL pour lesquelles le milieu intervient bien davantage, et où l’on peut sans doute invoquer différents facteurs intriqués, notamment le manque d’apports et de stimulations éducatives et socio-culturelles etc.

2 – Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité : TDAH

La circulaire ( [1] , p. 4) renvoie aux recommandations de bonne pratique de la HAS, auxquelles s’associe son « argumentaire scientifique », (décembre 2014) [23] [24] , dont nous tirons de nombreuses données.

A) Du syndrome d’« instabilité psychomotrice » au TDAH

Le TDAH, « trouble » pour lequel le déficit d’attention est mis au premier plan ( [23] , p. 12), naît avec le DSM III [2] ( [10] p. 27-30). « Cette évolution montre l’importance progressive donnée aux troubles attentionnels, qui passent au premier plan. Ce changement est sans doute lié à l’avancée de la recherche scientifique sur l’attention qui donne lieu, à la même période, à la multiplication des travaux sur les psychostimulants » ( [23] , p 12). » [2] ( [10] p. 27-30). « Cette évolution montre l’importance progressive donnée aux troubles attentionnels, qui passent au premier plan. Ce changement est sans doute lié à l’avancée de la recherche scientifique sur l’attention qui donne lieu, à la même période, à la multiplication des travaux sur les psychostimulants » ; les auteurs anglo-saxons parlaient auparavant d’hyperkinésie, en lien avec un supposé minimal brain dysfonction, tandis que l’école française avait décrit le syndrome d’« instabilité psychomotrice » ( [23] , chapitre « historique »). Pour de nombreux cliniciens, ces symptômes comportementaux peuvent s’inscrire au sein d’organisations de personnalité diverses (névrotique, psychotique, limite) ( [23] , p. 32, p. 96-97), témoignant donc de réalités cliniques différentes.

Le DSM semble avec le TDAH instituer la cohérence d’une entité clinique à part entière : le TDAH est « un trouble du neurodéveloppement défini par des niveaux handicapants d’inattention, de désorganisation et/ou d’hyperactivité-impulsivité » ( [7] , p 34).

L’aspect performatif des notions et des mots instaure pour l’hypothèse alternative une forme de déni, ou de négation et il n’est plus guère possible de penser autrement. L’existence de « recommandations » s’appliquant à ce « trouble » entérine également le fait.

B) Pas d’unité diagnostique selon les classifications

Selon les recommandations ( [24] , p. 11), trois classifications permettent de caractériser ce trouble en France : la CIM-10, le DSM-5 et la CFTMEA.

Or ces trois classifications ne décrivent pas le même trouble (ce point n’est pas rendu clair et est même passablement obscurci dans les recommandations [3] ). En effet, le DSM admet l’existence d’un TDAH avec trouble de l’attention isolé (une « hyperactivité sans hyperactivité » en quelque sorte) ( [3] ), ce qui n’est pas le cas de la CIM 10 et la CFTMEA, pour lesquelles le tableau associe toujours les versants psychique (inattention) et moteurs (hyperactivité, ou hyperkinésie, ou agitation motrice) [4] .

Il s’avère que les recommandations de bonnes pratiques de la HAS reprennent la définition du DSM puisque le texte définit le TDAH comme associant à des degrés divers (souligné par moi) trois groupes de symptômes, le déficit attentionnel, l’hyperactivité motrice et l’impulsivité ( [24] , p. 11).

C) Expérience de clinicienne

Mon expérience de pédopsychiatre va pourtant dans le sens de la reconnaissance de tableaux différents. L’agitation de l’enfant se retrouve dans des situations très diverses. D’un point de vue seulement descriptif, nous notons déjà le fossé existant entre un enfant carencé au passé difficile, instable physiquement et psychiquement et passant en un instant d’une activité à l’autre sans pouvoir approfondir ou construire une seule tâche ou activité, même de jeu ; et un enfant possiblement agité en groupe, en classe, ou à la maison, mais qui peut en parallèle passer une demi-heure ou trois quarts d’heure, lors d’un entretien, parfaitement concentré sur un jeu symbolique élaboré, un dessin ou un bricolage ayant du sens pour lui. Les enfants anxieux ou déprimés peuvent présenter une agitation [5] . Nous pouvons aussi évoquer l’enfant qui « n’aime pas l’école », est en échec scolaire -ce qui accentue encore son blocage- et dissipé en classe, ou simplement rêveur (cf. infra sur le « trouble de l’attention »), et qui refuse le travail scolaire à la maison. Les enfants « haut potentiel » sont souvent diagnostiqués TDAH ( [25] , p. 135 et suivantes), et la prévalence de ce diagnostic est plus importante pour les enfants de fin d’année, ce qui s’explique par leur immaturité relative [6] etc.

Nous dirons un bref mot du « trouble de l’attention », faisant donc partie des « TND », et qui fait aussi l’objet de diagnostics et de demandes de consultations croissants. Il faut sérieusement questionner la validité scientifique de la délimitation de ce « trouble », tant l’attention et la concentration sont sous la dépendance de facteurs divers, notamment psychologiques (ruminations anxieuses ou dépressives, niveau de sécurité de base et d’estime de soi etc., facteurs de stress environnementaux), physiologiques (ex : manque de sommeil, anémie ferriprive etc.) et de motivation (intérêt pour la tâche proposée [7] etc. Sans oublier les conséquences de l’excès actuel des écrans. Débat à approfondir.

Pourtant tous ces enfants différents arrivent de plus en plus souvent en consultation, avec un bilan neuropsychologique déjà réalisé qui établit le constat de troubles de l’attention et de signes concordants avec le diagnostic probable ou avéré de TDAH, et le conseil « d’évaluer la nécessité d’une compensation pharmacologique auprès d’un médecin spécialisé » [8]

D) Prévalences variables

La prévalence du « trouble » est très variable : « Les dernières études utilisant le DSM-IV produisent des taux de prévalence variant de 0,4% à 16,6% dans la population générale et le plus souvent compris entre 5% et 10%. Les études reposant sur la CIM-10 donnent, quant à elles, des résultats beaucoup plus bas, variant de 0,4 à 4,2% avec une moyenne de 2% environ. La variation apparaît de façon privilégiée lorsque l’on applique ces deux outils aux mêmes enfants : les taux varient d’un facteur voisin de 10 ». [23] , p. 21).

Il se trouve que les critères (comportementaux) utilisés dans le DSM-5 conduisent encore à une augmentation du seuil d’inclusion, chez l’enfant comme chez l’adulte [9] .

E) Hypothèses étiologiques et facteurs de risque

Selon les recommandations : « Concernant les différentes hypothèses existantes sur l’étiologie du TDAH, il est important en premier lieu de noter qu’à ce jour, il n’y a pas d’observation d’association causale précise entre un ou plusieurs facteurs définis et l’apparition du TDAH. Il s’agirait plutôt d’une combinaison de plusieurs facteurs de risques qui s’ajoutent sans avoir nécessairement de relations entre eux » [23] , p. 25).

L’hypothèse de l’origine génétique du « TDAH » est souvent avancée, alors qu’il n’y a pas de gène impliqué de manière majeure dans l’étiologie du TDAH ( [26] ) ( [23] p. 28). « Quel que soit le trouble psychiatrique, y compris l’autisme et la schizophrénie, de nombreux gènes semblent impliqués mais chaque gène ne confère qu’un risque mineur ( [26] ) » [10] .

Des facteurs de risque environnementaux sont retrouvés : facteurs toxiques et périnataux (notamment alcoolisme et tabagisme durant la grossesse, naissance prématurée, petit poids de naissance), facteurs « micro-environnementaux » (faible niveau socioéconomique et d‘éducation des parents, troubles mentaux chez les parents, maltraitance, mère isolée (père absent), utilisation parentale de punitions excessives par opposition aux encouragements etc.), facteurs « macro-environnementaux » (changement des modes de vie, résidence urbaine, culture violente et compétitive, exposition excessive à la télévision (surtout entre un et trois ans etc.) ( [26] ) ( [23] ) [11] .

En conclusion : nous retrouvons donc un syndrome différemment défini selon les classifications, à la prévalence très variable et en risque d’augmentation, aux facteurs de risque et à la clinique divers, et qui indifféremment se retrouve sous un seul vocable « TDAH », dénomination qui pose un sérieux problème épistémologique. Son identification en tant que « TND » pose le même problème, en réduisant ce syndrome à un mécanisme ou un processus semblant similaire dans tous les cas, postulat plus idéologique que véritablement scientifique.

Le risque d’entrave à la recherche semble d’ailleurs réel [16]
: l’amalgame effectué peut empêcher par exemple de préciser des causes reliées à des tableaux mieux différenciés, permettant d’affiner les modes de prévention et de prises en charge.

3 – Les « troubles dys »

Les politiques de soins élaborées depuis plusieurs années concernant ces problématiques se calquent sur le modèle conceptuel qui leur est actuellement appliqué, que nous allons décrire, modèle dont l’élargissement à l’ensemble des « TND » semble d’actualité.

La circulaire de novembre 2018 ( [1] , p. 4) recommande deux textes ( [27] , [28] ), dont le plus récent est le texte de la HAS datant de 2018 ( [28] ).

Selon ce texte, ayant pour référence le DSM-5, les « troubles spécifiques du langage et des apprentissages » (TSLA), « appelés communément « troubles dys » ( [28] , p. 6), sont élargis à un ensemble de troubles comprenant : les troubles de langage (« dysphasies »), les « troubles spécifiques des apprentissages » (« dyslexies », « dysorthographies », « dyscalculies »), les troubles moteurs (« dyspraxies », « dysgraphies »), et le TDAH ( [28] , p. 6).

Le texte de la HAS élargit curieusement à l’ensemble de ces « troubles dys » les critères définis par le DSM-5 pour -seulement- les « troubles spécifiques des apprentissages » («dyslexies », « dysorthographies », « dyscalculies ») ; et précise donc que ces troubles sont « spécifiques », c’est-à-dire qu’ils « ne peuvent pas être entièrement expliqués par une autre pathologie sensorielle (surdité, vision), neurologique (lésion cérébrales innées ou acquises), intellectuelle ou psychiatrique (troubles du développement de la personnalité, de la sphère émotionnelle et/ou comportementale), ni par un manque d’apport socioculturel. » ( [28] , p. 6). On retrouvait déjà l’ensemble de cette définition en 2002 dans le cadre de la circulaire relative à « la mise en œuvre d’un plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage oral ou écrit » ( [29] , p. 1 et 2).

La conception de ces troubles se fonde par ailleurs « sur un modèle neuropsychologique, [faisant] l’hypothèse forte d’un trouble neurodéveloppemental à fondement biologique », selon « les conceptions actuelles des TSLA au niveau international » ( [28] , p. 27). Ainsi, comme pour le TDAH, la conception symptomatique ou syndromique laisse la place à la délimitation d’entités pathologiques d’origine neurobiologique supposée.

La CFTMEA procède différemment, gardant pour l’essentiel cette vision syndromique ou symptomatique, tout en permettant l’acception des différents troubles dits instrumentaux en tant que « catégorie principale » ( [30] ) [12] ).

Concernant la définition de ces troubles « spécifiques », reprise dans les recommandations de la HAS ( [28] , p. 6), la question suivante nous semble pertinente : comment distinguer ces troubles dits « spécifiques » de ceux qui seraient liés à des causes « de la sphère émotionnelle et/ou comportementale ou à un manque d’apport socioculturel » par exemple, alors que ces autres facteurs, toujours imbriqués avec le développement cognitif et le développement « instrumental » (langage, motricité), sont susceptibles d’intervenir précocement dans le développement ?

L’expertise collective de l’INSERM datant de 2007 relative aux dyslexie, dysorthographie et dyscalculie ( [31] , référence donnée in [28] , p. 9) indique que les troubles « spécifiques » des apprentissages scolaires toucheraient environ un quart des enfants ayant des difficultés dans les apprentissages [31] , p. 705). Comment sont alors envisagés les problèmes d’apprentissage sortant de la définition de ces troubles dits spécifiques ? Et notamment où les placer au sein du DSM-5, qui ne répertorie en tant que troubles des apprentissages que les troubles dits « spécifiques » ? Et comment alors considérer leur prise en charge ?

En ce qui concerne les problèmes psychopathologiques, qui ne sont pas rares dans les cas de TSLA, ils sont plutôt envisagés comme secondaires à ces derniers, ou comme troubles comorbides ( [31] , p. 665 et 666).

Notons en passant que cette expertise rassemble 11 experts dont aucun n’appartient au champ de la pédopsychiatrie, ce que relève N. Georgieff, professeur de psychiatrie, dans sa note de lecture du document ( [31] p. 812). N. Georgieff rappelle que le concept de « trouble spécifique des apprentissages» ne va pas de soi, en pratique comme en théorie, pour le pédopsychiatre (p. 812), une perspective polyfactorielle pluricausale étant plus pertinente que la perspective monofactorielle semblant inspirer la définition des troubles spécifiques ( [31] , p. 815). Les psychopathologies s’accompagnant d’ailleurs elles aussi d’anomalies cognitives plus ou moins réversibles ( [31] , p. 814-815).

Le Pr P. Meirieu (sciences de l’éducation), ayant lui aussi rédigé une note de lecture, relève notamment que la perspective envisagée, outre le fait qu’elle peut conduire à un dessaisissement des enseignants, fait aussi passer au second plan des dysfonctionnements sociaux, ainsi exonérés de toute responsabilité ( [31] , p. 821). D’autres pédagogues avaient aussi critiqué ces orientations, menant notamment « les enseignants à adopter une attitude de déresponsabilisation par rapport à ces enfants et, par suite, aux difficultés scolaires » [32] . L’auteur de cet écrit, J. Fijalkow rappelle d’ailleurs que les difficultés scolaires sont plus fréquentes dans les milieux défavorisés [32] , ce que ne contredit pas le rapport de l’Inserm ( [31] , p. 652).

Du point de vue de l’organisation des soins, un plan d’action interministériel pour 2001-2004 a été mis en place, à l’époque conçu pour les « troubles spécifiques du langage oral et/ou écrit » : la création de « centres de référence » était recommandée ( [28] , p. 8). La circulaire de 2002 ( [29] , p. 24), critiquée ( [32] , et note [13] ), entérine ces faits. Dans la suite, une commission propose en 2013 une organisation du parcours de santé en 3 niveaux ( [28] , p. 8) ( [1] , p. 11)
– Le premier niveau de recours aux soins concerne les troubles dont le diagnostic est simple, avec une prise en charge possible de proximité par des spécialistes de ville, sous la responsabilité du médecin de l’enfant, et en lien avec le médecin scolaire ou de la Protection maternelle et infantile.
– Lorsque le diagnostic est plus complexe, l’enfant est pris en charge, en deuxième niveau, par une équipe pluridisciplinaire spécialisée selon un cahier des charges précis. Cette équipe est coordonnée par un médecin spécialisé dans les TSLA.
– Le troisième niveau concerne les situations très complexes relevant de l’expertise des centres de référence des troubles spécifiques du langage et des apprentissages (CRTLA). [14] , concernant cette fois les enfants présentant les « troubles du langage et des apprentissages » ; le niveau 3 étant le recours à ces centres de référence « de haut niveau d’expertise pour les situations les plus complexes adressées par les niveaux 1 ou 2 » ( [28] , p. 8).

Nous trouvons dans les recommandations ( [28] ) le détail de cette organisation. Les structures sanitaires, donc les structures de psychiatrie infanto-juvénile, sont mentionnées comme susceptibles, si elles respectent le cahier des charges, de participer au niveau 2 [15] .

L’équipe de niveau 2 se trouve sous la responsabilité d’un médecin « spécialisé dans les TSLA », médecin somaticien mais qui peut être aussi pédopsychiatre ; selon le cahier des charges, cette équipe doit dans tous les cas posséder « les ressources nécessaires à l’évaluation des troubles cognitifs spécifiques : orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, psychologues spécialisés en neuropsychologie », et selon les cas (selon le contexte ou si troubles associés) « d’autres ressources (neuropédiatre, pédopsychiatre et psychologue clinicien spécialisée en psychopathologie, orthoptiste etc.) » ( [28] , p. 32). Le bilan neuropsychologique semble devoir devenir systématique ( [28] , p. 29, missions du niveau 2).

Les CMP ont été conçus depuis leur origine « quant à l’organisation architecturale, l’équipement et le personnel, de façon à assurer la mise en oeuvre de psychothérapies, de rééducations orthophoniques et de rééducations psychomotrices » (Circulaire de mars 1972 ( [33] , p. 6), souvent considérée comme l’acte de naissance de la pédopsychiatrie [34] ). Les nouvelles directives exigent un élargissement notable des personnels pour conduire l’évaluation et la prise en charge de ces troubles. Faute de moyens importants alloués permettant le recrutement de ces personnels, les CMP auront des difficultés à pouvoir être considérés comme niveau 2 d’évaluation et de soins.

Un problème se pose déjà quant aux rééducations orthophoniques. Les services de psychiatrie infanto-juvénile sont depuis quelques années de plus en plus nombreux à être dépourvus de cette spécialité pourtant si précieuse dans la composition de l’équipe pluridisciplinaire. Cette absence écarte elle aussi la possibilité d’appartenir au niveau 2 de recours aux soins. L’hypothèse explicative souvent donnée est le manque d’attractivité salariale dans le service public, comparé à l’exercice libéral, ce qui reste d’actualité. Mais ce fait n’est pas vraiment nouveau, et n’empêchait pas le recrutement initial et dans le temps des orthophonistes. La circulaire de 2002 ( [29] ) mentionne dans son plan d’action la nécessité de la réactualisation des formations initiales et continues des orthophonistes. Dans l’hypothèse où cette réorientation des formations a insisté davantage sur les hypothèses neurobiologiques, au détriment des facteurs sociaux, psychologiques et relationnels, la conséquence a pu être une moindre incitation à collaborer au travail des équipes ayant une perspective plus globale de l’enfant. Il est vrai qu’on ne rencontre quasiment plus de jeunes vocations d’orthophonistes intéressées pour cette collaboration, alors qu’elles ne manquaient pas auparavant. Il faudrait réfléchir à cette hypothèse.

En conclusion : alors que la définition des « troubles spécifiques du langage et des apprentissages », dits « troubles dys », pose déjà question, ici encore nous nous interrogeons fortement sur leur regroupement sous la bannière « TND », la multiplicité des facteurs étiopathogéniques étant mise de côté. Avec la mise en avant univoque d’une origine neurobiologique supposée, la politique des soins s’oriente préférentiellement vers une appréhension principalement médicale et rééducative de ces problématiques ; les équipes de pédopsychiatrie (CMP), (mais aussi CMPP, CAMPS), ne sont pas soutenues dans leur rôle auprès de ces enfants, alors qu’elles avaient traditionnellement vocation à les prendre en charge, dans une perspective globale (psychologique, cognitive, rééducative, médicale, sociale) ceci n’empêchant pas un certain nombre d’entre eux d’être soignés dans le domaine libéral. Une organisation en trois niveaux présente d’ailleurs le risque d’aboutir à une dispersion des moyens, multipliant les coûts sans pour autant assurer une meilleure aide effective à ces enfants en difficultés (le niveau trois ne comportant qu’une « expertise », alors que les bilans et évaluations ont déjà été faits en grande partie aux autres niveaux).

4 – Les « troubles du spectre autistique » (TSA)

La circulaire [1] renvoie pour ces TSA à deux recommandations de la HAS ( [35] , [36] ). Il existe également deux « argumentaires scientifiques » associés à ces recommandations ( [37] , [38] ).

Nous aborderons les évolutions dans ce domaine en considérant plusieurs questions, cliniques, des facteurs de risque, et thérapeutiques.

Ces troubles ont fait l’objet de plusieurs « plans autisme » depuis 2005 ; le premier, de 2005 à 2007, a conduit à l’instauration des Centres Ressources Autisme (CRA) ( [39] , [40] ). Plusieurs recommandations de bonnes pratiques de la HAS accompagnent ces plans. La dernière recommandation de la HAS, datant de 2018 ( [36] ) précise l’organisation du parcours, du repérage au diagnostic, en trois niveaux [16]

– Les professionnels de 1ère ligne :

. professionnels de la petite enfance : auxiliaires de puériculture, assistantes maternelles, éducateurs de jeunes enfants, éducateurs spécialisés, ATSEM etc. ;

. professionnels de l’Éducation nationale : enseignants, infirmiers, psychologues et médecins
. professionnels de santé exerçant en libéral, en service de protection maternelle et infantile (PMI)

. ou structures de type maison pluridisciplinaire de santé, notamment : médecins généralistes, pédiatres, les professionnels paramédicaux (infirmiers, puéricultrices, orthophonistes, psychomotriciens, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthoptistes) et psychologues.

– Les professionnels de 2ème ligne : professionnels coordonnés en équipe pluri-professionnelle constituée de professionnels spécifiquement formés aux troubles du neuro-développement et au TSA : équipes de pédopsychiatrie (services de psychiatrie infanto-juvénile dont centres médicopsychologiques – CMP), services de pédiatrie, centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP), centre médico-psychopédagogique (CMPP), réseaux de soins spécialisés sur le diagnostic et l’évaluation de l’autisme ou praticiens libéraux coordonnés entre eux par un médecin, médecins spécialistes en oto-rhino-laryngologie (ORL) et ophtalmologie (OPH).

– Les professionnels de 3ème ligne : professionnels exerçant en centre de ressources autisme (CRA) ou en centre hospitalier pour des avis médicaux spécialisés complémentaires, et l’établissement de diagnostics complexes notamment en neuro-pédiatrie, génétique clinique et imagerie médicale., et les procédures à suivre pour le diagnostic de TSA ( [36] , p. 5, et p. 40 (tableau synthétique du parcours)). Les équipes de pédopsychiatrie font partie des professionnels de 2e ligne.

Des divergences, donc des questionnements, existent à plusieurs égards. Ces divergences ont notamment pour fondement la condamnation de la psychanalyse, discipline qui avec d’autres sciences a irrigué la psychiatrie et à qui a été reproché de culpabiliser les parents. Les recherches psychanalytiques, tournées vers l’histoire des sujets, ne pouvaient exclure le rôle de l’environnement et du vécu psychologiques dans le développement. Qu’il s’agisse de mauvaises compréhensions réciproques et/ou de postures critiquables de la part de certains psychanalystes, le raidissement des positions rend plus difficile la menée de dispositions strictement axées par les recherches scientifiques.

A) La clinique et les classifications

La définition de l’autisme a beaucoup évolué depuis la description de l’autisme infantile par Léo Kanner en 1943 ( [37] , p. 18). Les « troubles du spectre autistique » regroupent des situations cliniques diverses, entraînant des situations de handicap hétérogènes ( [38] , p. 7). Il existe une grande multiplicité des expressions cliniques ( [36] p. 18). Ces troubles « sont souvent associés à un certain degré de retard mental et ils sont parfois associés à des affections médicales générales (par exemple : anomalies chromosomiques, maladies infectieuses congénitales, lésions structurelles du système nerveux central) » ( [37] , p. 18).

Le DSM-IV, comme la CIM-10 utilisent un système catégoriel de classification : les « troubles envahissants du développement » (TED) rassemblent plusieurs troubles, dont l’autisme (trouble autistique) et les « TED non spécifiés » (DSM-IV) (ces « TED non spécifiés » sont nommés « autres TED », et TED « sans précision » pour la CIM-10 ( [37] , p. 18)). Le DSM-5 établit une rupture avec les DSM précédents avec l’utilisation d’un système dimensionnel : le nouveau terme « TSA » [7] , p. 949) remplace désormais celui de TED, les troubles du « spectre » s’étageant le long d’un continuum clinique et de gravité ( [38] , p. 7) [17] .

La clinique pédopsychiatrique française, bien que classant l’autisme parmi les TED (anciennement psychoses et prépsychoses infantiles), fait une distinction entre différents tableaux du fait d’une clinique et de mécanismes psychopathologiques pouvant être différenciés. La CFTMEA utilise également un système catégoriel de classification [13] .

La dernière recommandation de la HAS ( [36] ) préconise de formuler le diagnostic, au delà de 18 mois, en référence au DSM-5 ( [36] , p. 14).

Deux problèmes peuvent être considérés du fait de ce nouveau mode de classification :

Même si les recommandations évoquent le « caractère potentiellement dynamique et non fixé du TSA » et la nécessité de « réinterroger le diagnostic » ( [36] , p. 22), le fait d’utiliser le terme TSA à la place de TED augmentera probablement le nombre d’enfants recevant un diagnostic incluant le mot « autisme » (cf. infra les chiffres de prévalence entre autisme et TSA), fait non anodin du fait de l’importance de l’effet psychologique éventuellement « fixant » d’un diagnostic donné (voir les effets Pygmalion ou Golem, ou effets de prophétie autoréalisatrice) [18] .

Le regroupement dans un même spectre de troubles peut rendre plus difficile l’établissement de recherches quant aux facteurs de risque et aux traitements, par rapport à l’utilisation d’une clinique plus fine et différenciée.

B) Prévalences

La prévalence de ces troubles est variable, et est en augmentation, ce qui serait en partie expliqué par la modification des critères diagnostiques ( [37] , p. 53) ; voici quelques chiffres, tirés des recommandations de la HAS, argumentaire scientifique ( [38] , p. 10 et p. 146-148) ;

– Prévalence autisme (1/1000) :

0,7 (France, étude 2003) ; 2,4 (étude mondiale, étude 2010)

– Prévalence TSA (1/1000) :

4,1 (France, étude 2003) ; 7,2 (étude mondiale, étude 2010) ; 14,6 (USA, étude 2012)

La prévalence de l’autisme a pu être évaluée à une fréquence de 1 cas pour 11 000 naissances (moyenne sur deux études dont une date de 1966) selon d’autres sources (41, p. 127).

C) Facteurs de risque

Les facteurs de risque (un facteur de risque ne pouvant être assimilé à un facteur causal) connaissent aussi des divergences. Si il est unanimement admis que les recherches sur les facteurs de risques du TSA mettent en lumière un modèle multifactoriel (facteurs de risque biologiques, génétiques, somatiques, toxiques) ( [38] , p. 18), la participation possible de l’environnement humain ne fait pas consensus. Par exemple les recommandations de la HAS formulent le fait que « les caractéristiques psychologiques des parents ne sont pas un facteur de risque dans la survenue des TED » ( [37] , p. 54, [38] , p. 17) ; les recommandations de pratique clinique, NICE, 2017 (Royaume-Uni) mentionnent la psychose parentale de type schizophrénie ou le trouble affectif parental comme facteurs de risque [19] ( [38] , p. 150). Enfin le DSM-5 liste comme « facteurs de risque environnementaux » : « un âge parental avancé, un faible poids de naissance, une exposition fœtale au valproate » ( [7] , p. 64).

D) Méthodes de soins

Du point de vue thérapeutique, les recommandations de la HAS, datant de 2012 ( [35] ) sont les suivantes : les interventions précoces recommandées sont les méthodes comportementales et développementales (ABA, Denver et TEACCH), qui auraient été évaluées lorsque débutées avant quatre ans ( [35] , p. 24 et 25). Les prises en charge intégratives sont aussi jugées appropriées, malgré le fait que « leur efficacité et sécurité ne soient pas démontrées » ( [35] , p. 25). Au delà de 4 ans, les recommandations notent le peu d’études d’évaluation des interventions ( [35] , p. 26).

Les méthodes ABA, Denver et TEACCH « visent à modifier les caractéristiques comportementales des troubles du spectre de l’autisme » ( [35] , p. 48). Les prises en charge intégratives, décrites dans les documents ( [35] , p. 49, 30 et p. 99-100), « empruntent leurs moyens à différents courants théoriques ». Enfin des interventions fondées sur les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle (bien décrites dans l’argumentaire de la HAS de 2010, ( [37] ) p. 92-93, et p. 98-99) ne sont pas jugées pertinentes du fait de « l’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés » ( [35] , p. 27). Les structures de pédopsychiatrie prenant en charge ces enfants se sont senties remises en cause et/ou peu soutenues du fait de ces recommandations de la HAS : en effet, elles utilisaient souvent ces approches psychothérapiques et relationnelles, tout en associant classiquement les soins rééducatifs, ainsi que certaines méthodes éducatives, associées à l’intégration scolaire, ce qui revient peu ou prou aux prises en charge dites intégratives, puisqu’empruntant leurs moyens à différents courants théoriques.

Depuis ces recommandations de 2012 ( [35] ) les résultats préliminaires d’une étude scientifique française, effectuée dans le cadre de l’INSERM montre que l’approche psychothérapeutique de l’autisme, qu’elle soit d’inspiration psychanalytique ou cognitivo-comportementale, donne des améliorations significatives de l’état des enfants autistes ( [43] ). Cette étude est un pas important, montrant le besoin d’analyses scientifiques rigoureuses estimant les effets des psychothérapies dans la prise en charge de l’autisme.

En ce qui concerne les prises en charge intégratives, les résultats d’une étude française portant sur « l’évaluation clinique des pratiques intégratives en unités de soins infanto-juvéniles pour des enfants présentant un autisme typique ou atypique » ont été présentées pour la première fois le 13 mai 2019 ( [44] ). Les résultats apparaissent particulièrement probants au niveau de l’efficacité des soins ( [44] , p. 376) : l’évolution des enfants ayant bénéficié de ces pratiques intégratives montre une amélioration marquée de la cognition, de l’expression et de la reconnaissance émotionnelle ( [44] , p. 376). L’avis des parents, également apprécié, montre la bonne évolution relationnelle et développementale des enfants ( [44] , p. 377). Cette dernière étude est d’une grande importance, remettant le moral aux troupes d’une pédopsychiatrie publique souvent déconsidérée et non soutenue par les pouvoirs publics, cette déconsidération se propageant en tâche d’huile aux médias et au grand public. Remettant aussi au centre le rôle primordial des soins. En effet quelques soient les hypothèses d’appréhension et de compréhension de ces troubles, l’étude montre leur potentiel de mobilisation au moyen d’une prise en charge globale, individualisée, soutenue et adaptée.

En conclusion : les « TSA » représentent une grande hétérogénéité clinique ; ils sont parfois associés à des affections médicales et génétiques et leurs facteurs de risque sont pluriels. Ces faits nous incitent à penser qu’il serait préférable des points de vue épistémologiques et scientifiques de continuer à pouvoir différencier plus finement les tableaux cliniques. Ce que les acceptions TSA comme TND ne permettent pas, puisqu’elles amalgament les divers troubles sous des appellations communes. La dénomination TND, sous-tendue par la supposition d’un mécanisme principalement neurobiologique nous semble problématique pour l’ensemble de ces troubles dont les mécanismes psychopathologiques sont complexes. A cet égard, les travaux d’André Carel sur l’ « évitement relationnel précoce du nourrisson » sont par exemple d’une grande utilité, nous donnant à voir la naissance de souffrances psychiques in statu nascendi et permettant d’entrevoir la complexité des processus en cause dans une perspective interactionnelle et relationnelle, alors que sont suspendus les préjugés étiologiques et évolutifs ( [45] , [46] , repris in ( [47] ), voir aussi [48] ), une prise en charge précoce de ces enfants étant souvent très efficace. Ces troubles sont également mobilisables sous l’effet des soins (en gardant à l’esprit leur hétérogénéité). Les alertes actuelles sur les effets de la surexposition du très jeune enfant aux écrans mettent aussi en évidence le rôle de l’environnement dans le développement, les graves conséquences d’une exposition précoce à ces écrans entravant le développement dans toutes ses dimensions, cognitives et attentionnelles, « instrumentales » (langage, motricité) et relationnelles mêlées ( [49] , [50] ).

Conclusion : pouvons-nous admettre la dénomination « TND » ?

Au terme de cette étude, où pour chaque trouble inventorié peut se dévoiler une multiplicité de situations diverses, la dénomination « TND » telle qu’elle est employée nous semble bien procéder d’un fourvoiement épistémologique et scientifique. Les critères distinguant par exemple les troubles portant cette dénomination de ceux ne la portant pas n’apparaissent déjà pas évidents, quand les mécanismes neuronaux sont impliqués dans tous les cas.

Cette locution paraît pourtant tirer sa légitimité de la mise en avant d’un processus ou mécanisme d’action commun principalement neurobiologique ou neurologique, alors que le développement est sous la dépendance de facteurs divers (tant innés qu’acquis) toujours étroitement imbriqués.

Lorsque qu’un trouble est identifié et isolé, l’erreur semble consister à le considérer comme d’un ordre univoque, tout en reconnaissant que ses facteurs de risque ou son étiopathogénie puissent être pluriels, mais sans pouvoir penser l’hypothèse d’une multiplicité de tableaux, associée à une multiplicité différemment partagée des facteurs de risque ou causaux, et des psychopathologies.

Une certaine réalité scientifique semblerait pourtant aller dans le sens de cette reconnaissance de tableaux divers, ces différenciations maintenues permettant de poursuivre les recherches quant aux modalités d’action propres ou intriquées des différents facteurs, dans un but de prévention, et de soins plus adaptés.

L’utilisation de ce concept « TND », qui ne « tient » donc pas à l’analyse, repose on l’a vu sur des déterminants également idéologiques et politiques, avec pour conséquence une forme de « neurologisation » de la pédopsychiatrie, à l’inverse de ce qu’a été le passage de la neuro-psychiatrie à la psychiatrie au 20ème siècle. Les facteurs sociaux et/ou psychologiques tendent à être mis de côté [20] , si ce n’est déniés, et les thérapeutiques risquent de mettre davantage l’accent sur les rééducations, les méthodes éducatives, voire les traitements médicamenteux, au détriment de la part psychologique du soin.

La rubrique « TND » comprend aussi les « autres troubles neurodéveloppementaux spécifiés et non spécifiés », possibles grands ensembles répondant à de nombreux signes d’appels et symptômes non compris de l’enfant. Nous avons décrit les conséquences possiblement néfastes, des points de vue identitaire et narcisissique, de cette dénomination « TND » pour les enfants. L’alerte est d’autant plus légitime que, selon les textes sur les POC, le passage par ces plateformes pourrait concerner « au moins 5% des enfants par classe d’âge » ( [5] , p. 10), chiffre très important [6] .

Une dernière raison de ne pouvoir admettre la notion de « TND » telle qu’elle est définie survient lorsque les législations concernant la santé mentale des enfants et des adolescents la prennent comme fondement pour les nouvelles stratégies de soins. Il semble bien qu’une filière « spécifique », davantage « neurologique » de prise en compte et prises en charge de ces troubles s’organise alors, au détriment de la politique des soins en santé mentale des enfants et des adolescents mise en place patiemment et avec cohérence depuis les années 1970
[6] , et comportant toujours une appréhension de l’enfant dans sa globalité, c’est-à-dire non réduite à ses dimensions neurologique, éducative, rééducative et médicale. Notre étude, allant dans le sens du manque de validité du concept de « TND », nous semble pouvoir remettre en question le fondement même de ces nouvelles mesures.

La HAS prend d’ailleurs systématiquement pour référence le DSM-5, classification dont nous avons vu le manque de validité scientifique. Rappelons que cette classification « classifie » les pathologies selon un mode descriptif principalement comportemental omettant également la part intrapsychique des êtres. Il n’est pas étonnant que la part psychologique, comportant la rencontre première et approfondie avec l’enfant et sa famille, constitue le « parent pauvre » de ces derniers dispositifs [6] .

Pour finir, nous ferons un clin d’œil au magnifique et récent ouvrage d’A. Caillé ( [52] ). Toute forme de thérapie (donc de soins) reposerait sur « l’efficacité symbolique » [52] , p. 234). Il existe aussi une « efficacité symbolique négative », désignant des mots qui rendent malades et qui tuent : selon les observations de M. Mauss, elle conduit des sujets humains à mourir rapidement, spontanément et brusquement, dès lors que leurs croyances les a conduits à penser devoir mourir par le fait de n’avoir pas respecté les obligations symboliques propres à leurs tribus, et alors que des médecins ont pu attester qu’ils étaient dépourvus de toute atteinte physique (52, p. 238-239). » behavior= »hover » close= »no » class= » »] [21] [/su_tooltip], celle-ci reposant elle-même sur l’efficacité relationnelle, « ce qui implique, selon la formule du philosophe P. Ricoeur, de se considérer ”soi-même comme un autre”. Mais un autre dont on tentera, si ce n’est pas déjà le cas, de devenir l’ami. Avec lequel, donc, on saura entretenir des relations de don. A qui l’on saura, en somme, là aussi demander, donner, recevoir, rendre » (52, p. 264). Il faut rappeler le risque de l’établissement de diagnostics qui peuvent s’avérer « figeants » chez les enfants, alors qu’ils sont en développement et donc en perpétuelle mutation. Ces diagnostics établissent les frontières distinguant la « normalité » de la « pathologie », avec le risque de séparer les êtres au lieu de les unir en les admettant tous comme faisant partie d’une grande et diverse communauté humaine [22] .

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Notes

  • [1]↑– « Troubles apparaissant habituellement durant la première et la deuxième enfance, ou à l’adolescence » des DSM III et III-R ( [10,11] ).
  • [2]↑– Mini DSM-III : Le « Trouble déficitaire de l’attention » comprend trois sous-types cliniques : « Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité », « Trouble déficitaire de l’attention sans hyperactivité », et « Type résiduel ») ( [10] p. 27-30). « Cette évolution montre l’importance progressive donnée aux troubles attentionnels, qui passent au premier plan. Ce changement est sans doute lié à l’avancée de la recherche scientifique sur l’attention qui donne lieu, à la même période, à la multiplication des travaux sur les psychostimulants » [23] , p 12).
  • [3]↑– Le DSM-IV (8, p. 66) et le DSM-5 isolent un sous-type clinique nommé « Déficit de type inattention prédominante», dans lequel « le critère A1 est satisfait » pour les 6 derniers mois (A1 : signes d’inattention) « mais pas le critère A2 » (A2 : signes d’hyperkinésie) (mini DSM-5 [17] p. 30 ; [7] p. 68). Or les recommandations évoquent pour le DSM-5 deux sous-types cliniques qu’on ne retrouve pas dans le texte même du DSM-5 : « Condition « inattention » prédominante : le critère Al est satisfait, le critère A2 n’est pas satisfait et trois ou plus symptômes du critère A2 sont présents pour les 6 derniers mois ; condition « inattention » restrictive : le critère AI est satisfait mais pas plus de deux symptômes du critère A2 sont satisfaits pour les 6 derniers mois ») ( [23] , p. 15 et 16).
  • [4]↑– Selon la CIM-10, les troubles hyperkinétiques sont définis comme « l’association d’une activité excessive et désorganisée, d’une inattention marquée et d’un manque de persévérance dans les tâches » ( [24] , p. 11). Selon la CFTMEA : l’«hyperkinésie avec troubles de l’attention : trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) », est classée parmi les « Troubles des conduites et du comportement », et est caractérisée « sur le versant psychique par des difficultés à fixer l’attention, un manque de constance dans les activités qui exigent une participation cognitive, une tendance à une activité désorganisée, non coordonnée et excessive, et un certain degré d’impulsivité ; et sur le plan moteur par une hyperactivité ou une agitation motrice incessante » ( [24] , p.11). Les « troubles de l’attention sans hyperkinésie » figurent en parallèle dans la CFTMEA, dans la rubrique « troubles cognitifs et des acquisitions scolaires ». Dans la CFTMEA, ces troubles restent des syndromes pouvant être rattachés, selon les cas, à des organisations de personnalités différentes.
  • [5]↑– L’enfant étant un être en développement, il n’a pas autant de possibilité que l’adulte d’exprimer sa souffrance. L’anxiété, l’angoisse, une insécurité de base, la dépression sont plus difficilement « mentalisées » et se manifestent souvent dans une expression motrice ; n’étant pas directement verbalisées par l’enfant, elles peuvent ne pas être reconnues en tant que telles.
  • [6]↑– « La probabilité d’avoir un diagnostic de TDAH est pratiquement doublée chez l’enfant le plus jeune d’une classe par rapport au plus âgé » ( [25] , préface Pr Allen Frances, p. 11 ; voir aussi même ouvrage p. 134)
  • [7]↑– On pourrait rajouter cette notion simple mais utile du « blocage affectif » ; un enfant peut très bien ne pas sembler vouloir ou pouvoir s’« intéresser » à une chose, davantage parce que cette chose le renvoie de près ou de loin à un domaine par rapport auquel il se sent en échec ou en difficultés, que parce que ce domaine ne l’ « intéresserait pas » dans l’absolu si il se sentait en confiance dans sa capacité à apprendre et/ou maîtriser de nouvelles notions ; à ce titre, les tests et épreuves des différents bilans auxquels sont actuellement soumis les enfants peuvent par exemple ressembler pour eux à des activités du domaine scolaire, souvent à l’origine de ces « blocages » chez des enfants en difficultés à ce niveau, rendant ces tests peut-être plus difficiles à interpréter ou moins « fiables » qu’on ne croit.
  • [8]↑– Voici les intéressants critères du NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence, Royaume-Uni) ([23] ], p. 13) :
    – le diagnostic de TDAH ne doit pas être retenu pour justifier une prescription médicamenteuse dans le seul but d’améliorer des performances académiques en l’absence d’un retentissement invalidant des symptômes ;
    – il est nécessaire de faire la distinction, lors de l’évaluation du patient, entre des signes réactionnels à un stress psychosocial (qui sont souvent transitoires et réversibles) et des symptômes présentant une menace pour le développement général et psychosocial ;
    – les symptômes doivent être persistants, survenir lors de différentes situations ou contextes et avoir un certain degré de sévérité ; le retentissement délétère des symptômes ne doit pas concerner uniquement le champ des performances académiques mais intéresser aussi les autres domaines : estime de soi, détresse personnelle du patient, troubles des interactions sociales et avec les pairs, troubles du comportement ou présence d’un syndrome psychiatrique coexistant.
  • [9]↑– Changements apportés par le DSM 5 ([23] , p. 17) :
    – âge d’apparition : avant 12 ans dans le DSM-5, mais avant 7 ans dans le DSM-IV
    – il n’est plus nécessaire (comme dans le DSM IV) que ces symptômes soient déjà liés à un retentissement délétère lors de leur survenue
    – comme dans le DSM-IV, les symptômes doivent être présents dans au moins deux circonstances de vie (par exemple : à la maison et à l’école) mais, alors que dans le DSM-IV, l’existence des symptômes à la maison était requise, le DSM-5 ne l’impose plus et propose le choix entre « à la maison » ou « à l’école » ou lors d’activités extérieures ou avec les pairs
    – les troubles envahissants du développement ne sont plus considérés comme un critère d’exclusion
    – bien que ce point existait déjà dans le DSM-IV, le DSM-5 insiste sur l’importance de recueillir des informations sur les symptômes et leurs retentissements auprès de deux sources différentes (par exemple: les parents et l’école). Cependant, ce point ne constitue pas un critère obligatoire pour le diagnostic.
    – Pour un diagnostic chez les plus de 17 ans, la présence de 5 symptômes sur 9 est requise (6 sur 9 dans le DSM-IV et chez l’enfant)
  • [10]↑– Selon F. Gonon ( [51] ), malgré les croyances véhiculées par les médias, les recherches en génétique n’ont pour l’instant identifié avec certitude que quelques anomalies génétiques, dont les altérations n’expliquent en fait qu’un très petit pourcentage des cas, et uniquement pour les troubles psychiatriques les plus sévères : autisme, schizophrénie, retard mental, et trouble bipolaire de type I. Le pourcentage de cas expliqués par des anomalies génétiques est le plus élevé pour l’autisme, et il n’est encore que de 5 % (notamment syndromes de l’X-fragile et de Rett, qui donnent des syndromes autistiques). En dehors de ces rares cas de lien causal, la génétique n’a identifié que des facteurs de risque et ils sont faibles ( [51] ).
  • [11]↑– Citation de F. Gonon dans son article sur le « TDAH » ( [26] , p. 276) : « Les facteurs macro-environnementaux résultent en grande partie de l’évolution récente de la société. Un comportement de type TDAH, qui pouvait être accepté par la société traditionnelle, devient problématique à partir de l’entrée à l’école primaire où les exigences d’attention et de contrôle de l’impulsivité deviennent soudainement plus sévères. Par comparaison avec la société agricole traditionnelle, la société urbaine moderne soumet les jeunes enfants à un flot sans cesse plus rapide de stimulations visuelles, en particulier via la télévision et les jeux vidéo, mais limite leur exploration motrice du monde. De ce point de vue, le jeu libre de l’enfant joue un rôle structurant important et mériterait d’être favorisé afin de prévenir et alléger les symptômes du TDAH ».
  • [12]↑– La CFTMEA version 1987 a nommé ces problèmes « troubles des fonctions instrumentales », puis « troubles des fonctions instrumentales et des apprentissages » dans la version de 1993. A partir de la version 2000, l’hyperkinésie sort de ce cadre pour être classée dans les « troubles des conduites et des comportements ». Dans cette classification, ces difficultés sont des symptômes à ne classer en catégorie principale que par défaut, le clinicien devant retenir de façon prioritaire les catégories principales se référant à des structures de personnalité (psychoses devenues « troubles envahissants du développement », névroses, états limites) ou aux « troubles réactionnels », ces quatre catégories pouvant alors s’accompagner d’autres manifestations [30] .
  • [13]↑– Voir le site internet de Daniel Calin, qui référence d’ailleurs tous les textes officiels dans le champ de l’enseignement, ainsi que de nombreux textes relatifs à la santé mentale des enfants et adolescents.
  • [14]↑– Définition issue de la HAS « relative au parcours de santé gradué et coordonné pour les Dys » ( [28] , p. 8) ( [1] , p. 11)
    – Le premier niveau de recours aux soins concerne les troubles dont le diagnostic est simple, avec une prise en charge possible de proximité par des spécialistes de ville, sous la responsabilité du médecin de l’enfant, et en lien avec le médecin scolaire ou de la Protection maternelle et infantile.
    – Lorsque le diagnostic est plus complexe, l’enfant est pris en charge, en deuxième niveau, par une équipe pluridisciplinaire spécialisée selon un cahier des charges précis. Cette équipe est coordonnée par un médecin spécialisé dans les TSLA.
    – Le troisième niveau concerne les situations très complexes relevant de l’expertise des centres de référence des troubles spécifiques du langage et des apprentissages (CRTLA).
  • [15]↑– « À ce jour, diverses organisations sont susceptibles (si elles respectent le cahier des charges) de participer au niveau 2, suivant des modalités variables selon les ressources et besoins des territoires : réseau formel ou informel de professionnels libéraux ou non ; professionnels et structures du secteur sanitaire (hospitalier, libéral ou territorial) et médicosocial. » ( [28] , p. 28).
  • [16]↑– Les professionnels sont nombreux et interviennent sur une partie ou l’ensemble du parcours du repérage au diagnostic selon leur mode et leur lieu d’exercice ( [36] , p 5) :
    Les professionnels de 1ère ligne :
    – professionnels de la petite enfance : auxiliaires de puériculture, assistantes maternelles, éducateurs de jeunes enfants, éducateurs spécialisés, ATSEM etc. ;
    – professionnels de l’Éducation nationale : enseignants, infirmiers, psychologues et médecins
    – professionnels de santé exerçant en libéral, en service de protection maternelle et infantile (PMI)
    – ou structures de type maison pluridisciplinaire de santé, notamment : médecins généralistes, pédiatres, les professionnels paramédicaux (infirmiers, puéricultrices, orthophonistes, psychomotriciens, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthoptistes) et psychologues.
    Les professionnels de 2ème ligne :
    – professionnels coordonnés en équipe pluri-professionnelle constituée de professionnels spécifiquement formés aux troubles du neuro-développement et au TSA : équipes de pédopsychiatrie (services de psychiatrie infanto-juvénile dont centres médicopsychologiques – CMP), services de pédiatrie, centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP), centre médico-psychopédagogique (CMPP), réseaux de soins spécialisés sur le diagnostic et l’évaluation de l’autisme ou praticiens libéraux coordonnés entre eux par un médecin, médecins spécialistes en oto-rhino-laryngologie (ORL) et ophtalmologie (OPH).
    Les professionnels de 3ème ligne :
    – professionnels exerçant en centre de ressources autisme (CRA) ou en centre hospitalier pour des avis médicaux spécialisés complémentaires, et l’établissement de diagnostics complexes notamment en neuro-pédiatrie, génétique clinique et imagerie médicale.
  • [17]↑– Pour le DSM- 5 : Le « trouble du spectre de l’autisme » est caractérisé par « la présence de déficits dans deux domaines principaux : 1) un déficit de la communication et des interactions sociales et 2) des modes limités et répétitifs de comportements, d’intérêts et d’activités » ( [7] , p. 949). Le DSM-5 introduit également une nouvelle entité, le « trouble de la communication sociale (pragmatique) » rangée parmi les TND dans les « trouble de la communication » : « Chez les sujets ayant des déficits marqués de la communication sociale mais qui ne répondent pas aux autres critères du trouble autistique, l’existence d’un trouble de la communication sociale (pragmatique) doit être considérée. » ( [7] , p. 56-57). Dans le DSM IV et IV-TR, ces altérations des interactions sociales, de la communication et la présence de comportements, d’intérêts et d’activités à caractère restreint et stéréotypé sont également les grandes caractéristiques retrouvées pour les TED (8, 9).
  • [18]↑– L’enfant non diagnostiqué TSA, et même si il est considéré comme atteint d’un « trouble de la communication sociale (pragmatique) » recevra le diagnostic TND ce qui est tout autant problématique. Il existe aussi tous les « autres troubles neurodéveloppementaux spécifiés et non spécifiés » pour y placer les enfants que l’on ne comprend pas.
  • [19]↑– Des études ont montré une corrélation statistiquement significative entre l’apparition de certaines formes de TSA (TED) et la survenue d’un épisode dépressif majeur pendant la grossesse ou la première année de vie de l’enfant, sans que ce facteur puisse être considéré comme causal (car ni nécessaire, ni suffisant) (42 cité in 41, p. 130).
  • [02]↑– Voir à ce sujet l’article de F. Gonon (52) ; la « psychiatrie biologique », ne considérant plus par exemple les causes sociales des difficultés personnelles et mentales des personnes, permet que ne soient pas remises en cause les organisations sociales et la montée des inégalités.
  • [21]↑– « L’efficacité symbolique », expression proposée par C. Lévi-Strauss, désigne « le problème central peut-être de la psychologie, de la psychiatrie, de la psychanalyse, et même, pour une part de la médecine : comment expliquer que les mots, mais aussi les gestes, les postures, les incantations puissent soigner hors de tout contact physique ? » (52, p. 234). Il existe aussi une « efficacité symbolique négative », désignant des mots qui rendent malades et qui tuent : selon les observations de M. Mauss, elle conduit des sujets humains à mourir rapidement, spontanément et brusquement, dès lors que leurs croyances les a conduits à penser devoir mourir par le fait de n’avoir pas respecté les obligations symboliques propres à leurs tribus, et alors que des médecins ont pu attester qu’ils étaient dépourvus de toute atteinte physique (52, p. 238-239).
  • [22]↑– A l’inverse de ce mouvement, l’entreprise freudienne et de la psychanalyse a consisté à vouloir montrer que les frontières entre le « normal » et le « pathologique » n’étaient pas aussi catégoriquement tranchées, chaque sujet « normal » ayant sa part de « folie », et chaque sujet « fou » ayant sa part de capacité à la « normalité » et à l’adaptation.

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Bibliographie

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