L’effet nocebo, définition et fonctionnement.

Quels liens avec le vaccin contre le COVID-19 ?

Par Ludovic GADEAU,
Docteur en psychopathologie clinique, Maître de Conférence des Universités (UGA), psychologue, psychothérapeute.

Voir aussi l’Interview par Mathilde Pujol pour le magazine Journal des femmes Santé, 17 février 2022. https://sante.journaldesfemmes.fr/fiches-medicaments/2784781-effet-nocebo-definition-fonctionnement-covid-vaccin-placebo-exemple/

Qu’est-ce que l’effet nocebo et quelles différences avec l’effet placebo ?

Placebo signifie « je plairai ». L’effet placebo est une réaction somato-psychique individuelle d’origine psychogène dans un contexte thérapeutique donné (traitement médicamenteux, exploration diagnostique, etc.) dont l’effet est vécu comme positif. Par exemple, mon médecin me prescrit un médicament dont il me dit qu’il sera parfaitement adapté à mon problème médical. L’effet placebo est le surcroît d’efficacité du médicament qui n’est pas dû au seul principe actif de la molécule. L’effet placebo peut encore être augmenté si mon médecin présente le médicament comme étant de dernière génération. On considère qu’environ (et en moyenne car il a des variations selon la nature de l’affection à traiter) un tiers de l’effet thérapeutique des molécules prescrites est de nature psychogène.

Nocebo signifie « je nuirai ». L’effet nocebo est le pendant inverse de l’effet placebo.  Il s’agit d’un effet négatif, voire délétère, produit d’une relation thérapeutique négative. La relation thérapeutique, ce n’est pas seulement le lien entre le patient et le thérapeute, mais cela inclut tout l’environnement du soin : la forme, la couleur, la taille du médicament ; le discours qui circule concernant le produit, sa réputation ; le contexte général dans lequel le produit est proposé (voir infra « atmosphère » ; etc.).

Exemples d’effets nocebo : si je regarde la liste des effets indésirables d’un médicament, il est possible que cette information ait une incidence sur les éventuels effets secondaires du médicament en les provoquant ou en les augmentant (alors que cet effet n’aurait pas eu lieu si je n’avais pas lu la notice). Si, après avoir consulté un médecin, on me dit qu’il a très mauvaise presse, le traitement prescrit (pourtant à bon escient) n’aura pas les effets attendus : mes symptômes persistent pour l’essentiel et j’en ressens éventuellement de nouveaux.

L’effet nocebo et l’effet placebo sont à rapprocher du pharmakon grec, substance qui peut être selon les circonstances, les intentions du prescripteur ou le dosage un poison ou un remède. Cette représentation du médicament comme pharmakon a une origine plus ancienne encore, celle du pharmakos, rituel qui consistait à éloigner le mal hors de la cité par des rites sacrificiels.

L’effet nocebo est le résultat d’une angoisse et d’une colère qui s’insinuent dans la relation thérapeutique : l’autre soignant (ou la chose = médicament) qui prétend me soigner ne me veut-il que du bien ! J’en doute.

Ce doute fait le lit à l’effet nocebo si aucune circonstance (parole bienveillante, atmosphère sécurisante, etc.) ne vient le lever.

Quel est le mécanisme d’un effet nocebo ? Exemples d’effet nocebo ?

L’être humain a cette particularité d’être suggestible. Nous sommes tous suggestibles, à des degrés divers et dans des conditions qui ne sont pas les mêmes selon les individus. Être suggestible signifie que nous sommes influençables et que cette influence psychique se fait à notre insu le plus souvent. La suggestion est donc essentiellement inconsciente. L’effet nocebo, comme l’effet placebo, est le produit d’une suggestion.

Tout ce qui réduit le contrôle par la raison participe à augmenter la suggestibilité et donc à faire accepter et réaliser les éléments suggérés. Aussi, toute idée soumise à un sujet est-elle susceptible de l’influencer, d’induire en lui des sensations, de modifier ses représentations visuelles, auditives, olfactives, cénesthésiques, de provoquer des mouvements simples ou des actions complexes.

Imaginons un groupe d’amis attablés un soir d’été. Dans cette atmosphère doucereuse, plaisante et sereine, un des convives se tape le mollet en criant : « Aïe ! Moustique ? », bien qu’il n’y ait pourtant aucun insecte à l’horizon. Ce qui aurait pu n’être qu’une possible erreur de jugement, sans conséquence aucune, risque cependant d’engendrer une sensible modification de l’atmosphère. Imperceptiblement, un geste en entraînant un autre, la présence gênante de l’insecte imaginaire acquiert une matérialité se renforçant d’instant en instant. Pour l’un des amis, ce sont des picotements dans le cou et il se grattera, pour un autre c’est le bruit supposé du vol de l’insecte qui le pousse à une mise en vigilance déplaisante, pour un autre encore, effleuré au pied par une herbe, c’est un geste rageur qui tente de le soustraire à ce stimulus nociceptif. Le mot vient en substitution de la chose, c’est-à-dire l’idée de la présence menaçante de l’insecte, aura provoqué des modifications de représentations plus ou moins conséquentes chez les acteurs de la scène. La pensée est devenue sensation, elle s’est corporéisée. Elle a muté du psychologique au biologique.

L’effet nocebo peut être compris comme un accélérateur de mécanismes pathologiques. Si un patient ressent le pessimisme de son médecin au regard de sa maladie, des mécanismes liés au stress (comme le taux de noradrénaline ou de cortisol, une tachycardie, de l’hypertension, etc.) peuvent se développer et ajouter des complications à la pathologie à soigner.

C’est quoi l’effet nocebo d’un vaccin ?  Effet nocebo et Covid : quels risques ? Quels dangers ?

Le contexte individuel, le climat social dans lequel une prescription est faite peut avoir :

a) une incidence sur l’efficacité du médicament en l’amoindrissant,
b) une incidence sur les effets secondaires du produit injecté, de sorte qu’une personne ressentira de façon augmentée en intensité et en durée une douleur au point d’injection, des symptômes grippaux, etc.,
c) mais aussi une incidence sous forme de défiance pour le produit proposé au point de refuser la vaccination, alors que toutes les données rationnelles disponibles indiquent que celle-ci est réellement protectrice. Par exemple, concernant les vaccins à ARN messager, un discours peut circuler dans les esprits qui entretient une sorte de confusion entre ADN et ARNm , comme si le produit injecté pouvait potentiellement affecter à plus ou moins long terme l’ADN du receveur, à l’image d’un programme informatique espion et malveillant pouvant infecter le fonctionnement d’un ordinateur.

Il n’est pas du tout improbable qu’il y ait dans certains COVID longs une composante nocebo, c’est-à-dire l’impact de facteurs psychogènes sur la non-rémission de la symptomatologie. Les données scientifiques disponibles actuellement sont insuffisantes pour en définir précisément la portée, mais l’hypothèse d’une composante suggestive forte est à prendre au sérieux. Elle ne concernerait pas tous les COVID longs, mais bien certains d’entre eux.

Comment bien gérer l’effet nocebo ?

L’effet nocebo comme l’effet placebo est de nature essentiellement inconsciente. Il agit sans que nous en ayons, la plupart du temps, une pleine conscience. Ces effets sont le produit du lien entre le patient et l’environnement thérapeutique dans lequel il baigne. Cet environnement comprend la personne du thérapeute, mais aussi le discours ambiant qui dessine une sorte d’atmosphère que le patient respire. Une atmosphère positive favorise l’effet placebo, une atmosphère négative favorise l’effet nocebo.

    a) Pour éviter les effets nocebo dans le champ du soin à un niveau individuel : il est préférable de choisir un professionnel (médecin, psychothérapeute, etc.) en qui on a pleine confiance, ou qui nous a été recommandé, ou qui saura nous mettre en confiance, plutôt que de s’en remettre à un professionnel qui n’assoit sa pratique que sur une technique déshumanisée .
    b) les effets nocebo dans le champ du soin à un niveau collectif (l’atmosphère) : les médias et les réseaux sociaux sont le véhicule d’informations dont certaines (comme les fake news) sont de nature à inquiéter le public ou à affecter son discernement. L’effet nocebo est corrélé au taux d’informations fallacieuses circulant dans les médias. La seule façon d’en limiter les incidences est de lutter contre les effets de suggestion collective en favorisant la culture scientifique et l’exercice de l’analyse critique de la population. Un travail journalistique de qualité peut y concourir.

Source 1 : « Effet placebo, effet nocebo… Aucun effet, vraiment ? », Salle de presse- Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), 8 février 2022.

1 Gadeau L. (2021). La suggestion et le langage, des principes actifs solubles dans l’évaluation des psychothérapies ? Critique de l’approche évaluative extrinsèque. Psychothérapies. 41(4), 227-235.

2 Les ARNm (ARN messager) sont des molécules messagères transmettant une information codée dans notre génome pour permettre la synthèse des protéines nécessaires au fonctionnement de nos cellules. Les ARNm étant très fragiles, ces molécules messagères s’autodétruisent rapidement.

3 Gadeau L. (2017). Être parent aujourd’hui. Comment la psychologie peut vous aider au quotidien. Paris : Editions In Press, 248 p.