Du temps objectivé au temps objectalisé

Temps et fonctionnement psychique : du temps objectivé au temps objectalisé

Gadeau, L. (1997). Temps et fonctionnement psychique : du temps objectivé au temps objectalisé. Cliniques Méditerranéennes, 53-54, 209-224.

Ludovic GADEAU, Université Grenoble Alpes, France

Résumé :

On peut dégager dans l’œuvre de Freud deux voies conceptuelles rendant compte de la genèse de la représentation psychique du temps, l’une explicite et référencée au fonctionnement psychique lui-même, à l’économie de la pulsion, l’autre implicite rapportant la dimension du temps à la confrontation du sujet à l’autre. Les travaux psychanalytiques contemporains permettent d’ouvrir une voie médiane resituant la place et la portée de l’objet-temps dans l’économie psychique. Le temps psychologique, loin d’être un épiphénomène de l’activité psychique, peut être compris comme une catégorie ayant sa propre unité et comme un opérateur essentiel du développement et du fonctionnement psychique. L’auteur propose ainsi d’éclairer les liaisons entre le temps objectivé (temporalité), et le temps objectalisé (temporalisation) et d’esquisser quelques-unes des implications cliniques qu’un tel repérage offre.

Mots-clés :

Temps psychique, temporalité, temporalisation, intersubjectivité,  frustration.

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« Qu’est-ce donc que le temps ? Quand personne ne me le demande, je le sais. Qu’on vienne à m’interroger là-dessus, je me propose d’expliquer et je ne sais plus. »  St Augustin, (Confessions , Livre XI)

Étrangement, la place et l’incidence de la catégorie du temps dans l’activité psychique ont été fort peu étudiées pour elle-même. Pourtant, l’observation clinique nous montre que chacun entretient un rapport plus ou moins singulier et énigmatique avec le temps social : certains sujets sont toujours en avance à leur rendez-vous, d’autres chroniquement en retard ; les uns se signalent par une lenteur excessive, d’autres par le fait d’être constamment pressés ; on en voit qui ne peuvent travailler que dans l’urgence d’un calendrier, pendant que d’autres  s’effraient – à en perdre leurs moyens – de l’imminence des échéances ; etc. Dans bien des cas, ce rapport singulier au temps social constitue un trait de personnalité majeur.

Dans l’acte psychologique, la question du temps  est tout aussi présente, saillante par moments, discrète à d’autres, sans que cela ne soit jamais sans conséquence : ainsi du patient qui demande combien de temps durera la thérapie dans laquelle il s’engage ; ainsi de l’intervenant (psychiatre, pédagogue, éducateur, psychologue) confronté à l’urgence d’une intervention opérante parce que la forme de la demande l’y presse. Qu’on songe aussi au fantasme de l’intervention définitivement résolutive, qu’il soit du patient ou du thérapeute.

Ajoutons encore que le temps, comme objet ou comme opérateur, s’inscrit au coeur même de certaines organisations psychopathologiques : c’est le cas à des titres divers dans les névroses obsessionnelles, traumatique, et de destinée, dans la psychopathie et dans le deuil pathologique notamment. La liste est loin d’être exhaustive où la dimension du temps participe de plus ou moins près aux phénomènes psychiques.

La catégorie du temps, imprimant ainsi sa marque sous des formes cliniques aussi diverses, est-elle à entendre comme un épiphénomène de l’activité psychique ou bien est-elle à envisager comme une dimension ayant sa propre unité (chargée de sens) et constituant un facteur essentiel dans le développement et le fonctionnement de l’organisation psychique ? C’est donc à cette question générale que le présent travail est consacré.

Deux conceptions possibles de la genèse du temps psychique chez S. Freud

  1. Laplanche (1989, 1991) définit 4 niveaux du temps et la pensée de chaque penseur qui pense le temps occupe un ou plusieurs de ces niveaux : le niveau I, c’est le temps cosmologique, le temps du monde ; le niveau II, c’est le temps perceptif, le temps de la conscience, le temps du vivant ; le niveau III, c’est le temps de la mémoire et du projet, c’est la temporalisation de l’être humain ; le niveau IV, c’est le temps de l’histoire, le temps des sociétés humaines, le temps de l’humanité conçue comme un tout.

On peut observer que ces quatre niveaux sont hiérarchisés à deux titres :

– d’une part, ils recoupent la différence de l’objet-temps au regard des champs scientifiques : le niveau I, c’est le temps dont traitent les physiciens ; le niveau II, c’est le temps cognitif qu’on l’aborde en termes d’analyse structurale (J. Piaget et la thèse constructiviste) ou de traitement de l’information (psychologie cognitive, neurophysiologie, etc.) ; le niveau III, c’est le temps psychique, temps ontogénétique, c’est cette dimension du temps qui est l’objet principal de la psychanalyse  (mais aussi à divers titres de certaines branches de la psychologie, de la sociologie, de l’économie, etc…) ; le niveau IV, c’est l’historicité, le temps phylogénétique dont traite l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, l’économie, etc. [1]

– d’autre part, du niveau I au niveau IV, l’interdépendance du temps et de l’espace se fait de moins en moins grande : on passe d’une impossibilité à dissocier espace et temps (cf. le <> des physiciens), à une difficulté à catégoriser le temps indépendamment de l’espace (cf. la genèse du temps chez Piaget), pour aboutir à une conception de l’objet-temps qui se soustrait pour l’essentiel à la dimension spatiale.

Si S. Freud n’a jamais véritablement proposé de théorie du temps et de la portée théorique de la représentation du temps dans le fonctionnement psychique, on peut dire que  la question du temps y est pourtant présente, mais à des niveaux assez divers et quelquefois même très discrets. O. Flournoy (1979), par exemple, repère dans l’oeuvre de Freud [2] trois niveaux, trois moments de rencontre de la théorie freudienne avec la question du temps. Le premier porte sur l’opposition métapsychologique entre les systèmes Cs et Ics, à quoi correspond l’opposition toujours maintenue entre d’une part le temps de la conscience, temps de la durée et de la succession et d’autre part le temps de l’inconscient, spécifié par l’intemporalité [3] . Le second moment à trait au fondement de la représentation du temps, représentation qui s’originerait dans la rythmicité [4] . Le troisième niveau porterait sur le temps comme vecteur engageant des questions relatives à l’intervalle de temps nécessaire à la formation du symptôme, et donc relatives  à l’après-coup, au transfert, etc…

Pour J. Laplanche (1991), la théorie freudienne se confronte à la question du temps de deux façons fort différentes. Dans un cas, elle en fait un objet explicite, elle objective la question du temps,  dans l’autre, elle n’aborde le problème du temps que par la bande en quelque sorte, la théorisation devenant pour l’essentiel implicite [5] .  La théorie de l’après-coup, la théorie du deuil, celle de la régression, ou celle du transfert, portent en elles les implicites d’une théorie du temps psychique.

Freud soutiendra de façon constante tout au long de son œuvre [6] que le temps appartient exclusivement au système Cs, alors que l’Ics se trouve hors du temps. Cette opposition intemporalité/temporalité redouble d’autres oppositions fortes qui caractérisent l’opposition Ics/Pcs-Cs : principe de plaisir/principe de réalité, processus primaire/processus secondaire,  énergie libre/énergie liée, identité de perception/identité de pensée [7] . Mais cette partition clairement ordonnée débouche sur deux approches possibles de la genèse du temps psychique. Dans les moments de son oeuvre où Freud questionne explicitement la dimension temporelle, il développe une théorie solipsiste, où la représentation du temps (et de façon plus large la temporéité) se fonde sur le fonctionnement interne de l’appareil psychique, hors de toute référence externe.  A l’inverse, lorsque la théorie du temps se fait implicite, il semble que s’ouvre une voie qui fait du temps une dimension intersubjective.

Si l’appareil psychique primitif décrit dans  L’interprétation des rêves  est amené à se transformer, à se doter de structures nouvelles, c’est par défaut d’objet. Freud le spécifie en 1911 : “ C’est seulement le défaut persistant de la satisfaction, la déception, qui a entraîné l’abandon de cette tendance de satisfaction par le moyen de l’hallucination. A sa place l’appareil psychique dut se résoudre à représenter l’état réel du monde extérieur et à rechercher une modification réelle” [8] . Les termes “défaut persistant” et “ deception “ portent en eux la marque d’une temporéité : l’attente douloureuse est le moteur d’une transformation radicale du mode de fonctionnement psychique. La dimension du temps est ici tout à la fois corrélative des processus secondaires (conscience, attention, mémoire, jugement, action, pensée) et un produit de la réalité extérieure. On peut donc en déduire que, pour le Freud 1911, le “sentiment du temps “ (Sami-Ali, 1990) que le moi porte en lui est implicitement référencé au dehors dans le temps que l’autre  porte en lui.  Le temps de l’autre  pourrait donc être au fondement de la représentation psychique du temps par le sujet.

Mais cette conception implicite et riche en perspectives se trouve mise à mal en 1925.  Dans “ Note sur le « bloc-notes magique » “. Freud va renverser complètement l’agencement des données [9] . La dimension du temps n’apparaît plus comme une source  participant aux mutations du fonctionnement psychique, c’est au contraire le mode de fonctionnement psychique qui sera au fondement de la représentation du temps immédiat. Ce renversement  objective la question du temps. En tentant de déduire le fondement de la représentation du temps du mode de fonctionnement de l’appareil psychique, Freud en fait une psychologie du temps. Sa thèse peut se résumer dans un triple mouvement :

  1. a) L’appareil mnésique humain semble rendre compatibles deux caractéristiques qui ordinairement s’opposent : la capacité réceptrice illimitée et la conservation durable des traces mnésiques.
  2. b) Cette caractéristique de la mémoire humaine s’explique par l’activité de deux systèmes différents. Le système Pc-Cs reçoit les perceptions, mais n’en garde pas de trace durable ; ces dernières sont conservées dans le système Ics, placé à l’arrière-plan du premier. Cela revient à signifier que la temporalité de l’appareil psychique se structure selon deux pôles, le présent et le passé : au système Pc-Cs est attribué la fonction d’assurer le présent, pendant que le passé est représenté par le système Ics.
  3. c) La capacité réceptrice du système Pc-Cs n’est pas continue ; c’est le système Ics qui envoie des innervations d’investissement rapides et périodiques dans le premier système, lequel fonctionne ainsi par alternance de phases brèves d’excitation-inexcitation. Ce fonctionnement périodique du système Pc-Cs serait, pour Freud, au fondement de l’apparition de la représentation du temps [10] .

Plusieurs remarques, ici, s’imposent :

– La thèse freudienne de la représentation consciente du temps s’appuie sur un modèle strictement économique et interne : celui de la rythmicité de l’investissement énergétique du système Pc-Cs par l’Ics. Ce modèle théorique reprend pour partie les élaborations de 1900 relatives à l’économie du rêve et aux liens entre perception et hallucination. Les résultats expérimentaux des effets de la privation sensorielle [11] , s’ils confirment les liens intimes existant entre perception et hallucination, montrent aussi que la perception n’est pas seulement régie par des facteurs internes : les stimuli externes sont nécessaires à son activité.

– En opposant radicalement [12] conscience et perception d’une part, inconscient et mémoire d’autre part, Freud est conduit à faire de la conscience du fonctionnement discontinu de l’appareil perceptif  la condition de la conscience du temps  : “ Ce serait comme si l’inconscient, par le moyen du système Pc-Cs, étendait vers le monde extérieur des antennes, qui sont rapidement retirées, après en avoir comme dégusté les excitations. (….) Je supposais en outre que ce mode de travail discontinu du système Pc-Cs est au fondement de la représentation du temps “ [13] . Pour Freud, la conscience du temps est donc liée à un rythme interne. Cette conception, si elle n’a pas été explicitement reprise ou développée dans d’autres travaux, sera semble-t-il maintenue par lui jusqu’à la fin de sa vie. En attestent les dernières remarques faites par Freud dans une communication, sans doute orale [14] , à M. Bonaparte, communication qu’elle rapporte ainsi : “ L’attention que nous portons aux choses serait due à des investissements rapides, mais successifs, sortes de quanta émanés du moi. Notre perception interne n’en ferait ensuite qu’une continuité, et ce serait là, projeté au-dehors, notre prototype du temps. Pendant le sommeil ces investissements seraient retirés, d’où l’abolition du temps pendant que l’on dort. Le temps ne renaît, au cours du sommeil, qu’avec la perception hallucinatoire du rêve, l’attention restant bien entendu liée à la perception. On pourrait ajouter que les quanta d’investissement primitifs sont ensuite rétablis dans le temps par l’homme, avec sa fragmentation du temps mesurable. Il resterait de tout ceci que attention = perception = temps [15] .

– En outre, J. Laplanche (1991) observe que cette théorie de la conscience du temps est extra-analytique puisqu’aucun des concepts majeurs de la théorie n’y trouve sa place : ni la sexualité, ni le refoulement, ni les défenses, ni le transfert. Il ajoute qu’elle pourrait aussi être anti-analytique puisque faire du système Ics le lieu d’où partent les innervations d’investissement, faire de l’Ics l’instance qui étend vers le monde extérieur des antennes pour en déguster les excitations, c’est faire de l’inconscient le noyau autour duquel se formerait le reste de la personne. L’inconscient ainsi pensé, souligne J. Laplanche,  “ loin d’être étranger en moi, serait mon fondement, mon point de départ [16] .  Ajoutons enfin que d’une certaine façon l’hypothèse économique de Freud est inutile puisqu’en opposant perception et mémoire, il a déjà la base d’un fonctionnement alternatif, d’un fonctionnement marqué par un rythme fonctionnel équivalent à une discontinuité d’investissement.

En 1932 , Freud replace sa conception du temps dans le cadre de la deuxième topique. Il introduit la notion de délai temporel : entre le besoin et l’action, le Moi intercale un délai, ce qui fait du moi un agent du temps et du principe de réalité le mode de fonctionnement qui incarne la dimension temporelle. Il confirme aussi que le mode de travail du système de perception donne naissance à la notion de temps. C’est “ grâce au système de perception que s’établit entre le moi et le temps ce rapport si difficile à décrire “ [17] .

A conclure sur la conception freudienne de l’origine du temps et de sa représentation psychique, on peut dire que le point de vue économique conduit Freud à proposer une théorie du temps objectif, du temps immédiat, du temps de la conscience, alors que le point de vue systémique ou topique l’amène plus près d’une thèse où le temps se fonde sur l’intersubjectivité. Il ne s’agit pas là, me semble-t-il, de deux conceptions du temps qui s’opposent, ou même se contredisent, mais de deux lignes de pensée portant chacune sur une des dimensions du temps. Le modèle proposé par Freud du temps objectivé, immédiat ou perceptif est, comme le souligne J. Laplanche (1989), susceptible de s’appliquer à tout être vivant, alors que le temps subjectif, temps objectalisé – temporalisation dit Laplanche – est quant à lui propre au sujet humain.

Si ces deux dimensions du temps – temps objectivé (cognitif ou social) et temps objectalisé – renvoient à des niveaux d’organisation différents, il ne semble nullement justifié de les faire dériver de deux sources différentes, l’une interne, l’autre externe. Il faut bien plutôt concevoir une source unique, une veine commune qui donnera à chaque niveau de sollicitation de l’appareil mental un traitement spécifique de l’objet-temps. La représentation objective du temps tout autant que les sentiments du temps qui s’imposent au Moi doivent trouver leur fondement premier dans le rapport dialectique du sujet à l’autre.

Du temps objectivé au temps objectalisé, dialectique du temps social et du temps pulsionnel.

La temporalisation est bien ce par quoi le sujet humain se spécifie dans son rapport intime au temps. L’objectalisation du temps peut ainsi donner lieu à des états affectifs plus ou moins récurrents qui trouvent leur traduction phénoménologique dans le deuil et son travail, dans le sentiment océanique (Freud, 1929), dans les éprouvés nostalgiques ou encore dans le vécu cénesthésique élationnel (B. Grunberger, 1971). Elle se retrouve dans des formes de conduites stables et même symptomatiques : au-delà des traits de personnalité que nous avons déjà évoqués, on pourrait aussi faire référence à des formes plus subtiles comme le débit verbal du locuteur, le délai temporel consenti à l’interlocuteur pour parler, les stratégies discursives ou comportementales face aux silences, au temps de la séparation, etc… , toutes choses auxquelles les concepts de temps transitionnel et temps mort décrits par A. Green (1975) pourraient s’appliquer. Enfin, le temps que l’autre nous impose, quel que soit le mode par lequel il se signale, nous affecte de façon souvent si profonde qu’on ne peut manquer d’interroger la portée symbolique de l’objet-temps et donc sa valeur structurelle.

Le Moi est l’instance par laquelle se manifestent de façon diverse les marques de la temporalité et de la temporalisation. Comme Freud le spécifie en 1923, à lui s’impose la tâche de réguler les exigences de la réalité extérieur, du Surmoi et du Ca. Je propose d’appeler temps psychique du sujet le rapport singulier, voire symptômal qu’entretient le Moi tout à la fois au temps social, au temps du Surmoi et au temps du Désir. Le temps social, c’est le temps chronométrique,  le temps de l’horloge, le temps objectif ou objectivé. Le temps du Surmoi [18] , c’est le temps chronologique, temps de l’horloger, celui qui fait discours sur le temps, celui qui fait entendre sa voix sur le temps subjectif. Le temps du Désir, c’est le temps de l’inconscient-pulsionnel et de l’inconscient-mémoire. Le temps psychique du sujet, ce mode d’être du sujet au temps, cette objectalisation du temps, trouverait donc sa singularité dans la composition plus ou moins stable des interrelations établies par le Moi entre ces trois niveaux. L’expression moïque du temps psychique pourrait aller d’une stabilité relative à des fluctuations conjoncturelles soumises aux impératifs de la réalité extérieure, du Surmoi, ou de l’Inconscient.

Mais  loin de s’engendrer de façon autarcique ou d’être livré aux pures contingences de la vie, le temps psychique du sujet doit s’inscrire dans un procès qui fait de la dimension temporelle un opérateur central de la construction et de l’organisation psychique. Les travaux psychanalytiques contemporains, d’inspiration génétique, offrent des arguments pour penser les liens originaires entre temps objectivé et temps objectalisé.

  1. a) – La notion de rythme à laquelle Freud fait appel en 1925 [19] , doit être relocalisée. Le rythmique, le pulsatif s’associent indéniablement au fonctionnement pulsionnel, au point même qu’on pourrait dire avec J. Caïn (1982), qu’il est plus juste de souligner que les pulsions obéissent davantage au temps circulaire, plutôt que d’affirmer leur intemporalité. L’inconscient pulsionnel trouve son expression temporelle principale dans la compulsion de répétition. Mais le rythme est aussi une des données centrales des interactions de base de la relation mère-enfant. Les travaux sont aujourd’hui nombreux qui en soulignent l’importance pour le développement du nourrisson et sa structuration psychique.

Ainsi,  M. Pinol-Douriez (1988) montre, dans le prolongement d’autres travaux [20] que les interrelations qui se développent entre le nourrisson et ses figures d’attachement s’organisent aussi selon une dynamique temporelle  qui “ articule les  illusions anticipatrices  de la mère et les capacités d’anticipation rythmique du nourrisson. L’illusion maternelle, ajoute-t-elle, est ici plus vraie que la réalité des impuissances de l’enfant. Elle est indispensable à la construction des structures de temps. Le fonctionnement somato-psychique du nourrisson et les représentations qui bientôt l’accompagneront se fondent  sur la dialectique entre les besoins pulsionnels du nourrisson et le rythme des figures d’attachement qui y répondent. Autrement dit, les synchronies interactionnelles décrites dans l’observation des micro-relations mère-nourrisson peuvent être comprises comme un ajustement du temps psychique  maternel au rythme pulsionnel du nourrisson [21] . Mais cet ajustement n’est jamais total, isomorphe au besoin du nourrisson, ni stable ni continu, si bien que chacun des partenaires est à la fois “ agi et actif “ (Pinol-Douriez, 1984). Le moi naissant du nourrisson est pris dans cette réciprocité plus ou moins grande des temps : le temps pulsionnel et le temps de l’autre.

  1. b) – A un niveau macroscopique, les soins maternels s’inscrivent dans un ensemble temporel qui représente des cycles répétitifs, de véritables petits rituels qui offrent les indices nécessaires à la pensée d’une succession (exemple : la présentation du bavoir augure la tétée à venir). Et si, pour la psyché du nourrisson, tout écart entre “l’attendu” et “le réalisé” peut être considéré comme virtuellement porteur d’une valeur énigmatique [22] , il reste que l’état “attendre quelque chose” est déjà la marque d’une élaboration temporelle. C’est autour de cette question  de “l’attente”, déjà formulée par Freud (1911) comme point charnière ouvrant l’appareil psychique à une mutation, qu’il convient de s’arrêter.

Pour qu’une pensée surgisse qui ait la forme sérielle « un événement succède à un autre » (D. Marcelli, 1986), il est nécessaire que l’environnement proximal du nourrisson, les figures d’attachement, favorisent un temps circulaire, c’est-à-dire un temps dans lequel la succession des événements soit prévisible.  Ainsi, si au départ le bébé ne sait pas qu’il crie parce qu’il a faim,  bientôt, parce qu’il sait qu’après l’état affectif associé à la faim viendra un état affectif de détente et de satisfaction, le bébé se mettra à chercher activement les indices qui lui permettent d’anticiper ce second état. Au début, ce n’est donc pas l’absence elle-même qui permet de “penser”, c’est bien le caractère alternatif, répétitif et circulaire des absences et des présences. Si une “pure presence”, c’est-à-dire une présence sans fond d’absence, ne peut pas se penser, comme W. Bion l’a souligné, il faut ajouter qu’on ne peut pas non plus penser une “pure absence”. C’est bien le penser d’une succession qui permet l’anticipation et les éprouvés de l’attente. C’est la rythmicité des événements [23] qui, par leur prévisibilité, impose probablement au bébé la première pensée sur le temps, sur la succession. Mais il s’agit là d’un temps cyclique, d’un temps circulaire, qui s’oppose au temps linéaire, temps marqué par un début et une fin, par une direction et surtout par la non réversibilité. Les proto-représentations moïques du temps emprunteraient au registre pulsionnel – temps de la pure répétition – la caractéristique de circularité, mais gauchies et soustraites de leur source somatique par le temps imposé par l’autre.

              Ainsi, chez le nourrisson et chez l’enfant, les phénomènes d’attention et de mémorisation-anticipation dépendent largement des qualités de l’environnement (T. B. Brazelton, 1981 ; D. Stern, 1977, 1985). Chez le nourrisson de trois mois, par exemple, l’intensité de l’attention et la qualité de la mémorisation vont dépendre  notamment du degré de ressemblance/dissemblance du stimulus par rapport aux stimuli auxquels le nourrisson est déjà accoutumé. Autrement dit, le phénomène d’attention indissolublement couplé à la mémoire n’est pas extemporané, rivé au seul présent, mais tributaire d’invariants du passé présents dans le présent et offerts par l’entourage.  En outre, attention et mémoire, sur le plan qualitatif de l’investissement de la réalité externe, semblent renvoyer à des niveaux de complexité de l’environnement différents. La qualité de l’attention semble liée à des modifications légères, mais sensibles du stimulus (microsituation) selon des cycles temporels courts (microrythmes), pendant que la mémorisation (que les expérimentalistes évaluent par le phénomène d’habituation) porte plutôt sur l’exigence d’une reproduction à l’identique de macro-situations selon un cycle temporel long (macrorythmes). Les capacités et l’organisation anticipatrices dépendent de l’attention, laquelle est tributaire de la mémorisation, toutes deux étant renforcées par les anticipations réussies.

Cette progressive appréhension de la temporalité se double d’une objectalisation du temps. Par exemple, dans le “jeu de chatouilles” décrit avec précision par D. Stern, on voit s’opérer une modification importante vers l’âge de trois mois : le centre de gravité du jeu ne se situe plus autour de la stimulation perceptivo-sensorielle liée au contact physique, mais autour de l’investissement du temps d’attente précédant la chatouille, temps d’anticipation. L’investissement de l’attente et des variations de son rythme montrent que l’excitation s’est déplacée sous l’impulsion de l’investissement maternel du registre sensoriel vers le registre cognitivo-affectif. On a là une figuration de l’investissement libidinal de la temporalité, de son objectalisation, qui chez l’enfant prend sa source au niveau perceptivo-sensorielle pour ensuite s’en extraire grâce à  l’investissement maternel dans l’érotisation du temps.

  1. c) – Il est une autre dimension qui donne la pleine mesure du travail de mise en temporalisation. Mais cette dernière, quant à elle, s’inscrit sur un fond algogène, elle fait aussi rupture avec les jeux en miroir, le retour du même, de l’identique, pour ouvrir la voie à la reconnaissance de l’altérité. Il s’agit de la confrontation à la frustration (Freud, 1912). L’expérience de la  tolérance à la frustration est éminemment liée au désir maternel, notamment aux désirs agressifs de la mère la plupart du temps largement contre-investis par les désirs libidinaux. Ces désirs agressifs soutiennent chez elle une revendication qu’on pourrait qualifier de “désir de détachement” (Gadeau, 1987, 1988 ; Marcelli, 1986) et qui s’exprime entre autres à travers les micro-frustrations que la mère va progressivement imposer à sa progéniture.  La “préoccupation maternelle primaire” (Winnicott, 1956) se dissout progressivement pour faire la place dans la psyché maternelle à la reconnaissance consciente ou préconsciente de mouvements agressifs, d’un “ sadisme modéré “ (D. Marcelli, 1986), permettant l’instauration d’un délai entre les besoins du nourrisson et le temps de leur satisfaction. Ce délai est supporté et supportable pour la dyade mère-enfant parce qu’il est accompagné d’un bain de paroles et d’une communication  infra-verbale qui en autorise la reconnaissance. Ainsi en est-il de ces séquences où la mère se permet désormais d’établir un délai entre le besoin du nourrisson et la réponse qu’elle y apporte : par exemple, confrontée aux cris de faim de l’enfant, la maman restera affairée (pendant un temps plus ou moins bref) à la tâche qui l’occupe dans l’instant, avant que de répondre au besoin de l’infans. Souvent, elle accompagne cette attente de paroles : “ Oui, tu as faim mon chéri. Oui, oui, attends, j’arrive “ ; enfin disponible, elle prend l’enfant dans ses bras et métabolise la surcharge d’excitation ayant envahi l’enfant en en reconnaissant la source : “oh, tu n’es pas content, maman a tardé à venir, etc…”, le tout sur un ton vocal doux, bienveillant, et même souvent légèrement amusé, qui laisse poindre l’expression de ce sadisme modéré si bien senti par D. Marcelli.

Les éprouvés haineux, les affects issus de la frustration vont être historicisés par l’acte de reconnaissance que la mère pose à l’instant des retrouvailles. Ces micro-frustrations maternelles, par l’acte de reconnaissance qui les accompagne, sont à la source de la capacité du Moi de l’enfant à tolérer la frustration, et donc à intégrer le temps linéaire, chronométrique,  dans son fonctionnement. Ces moments (micro-frustrations) font histoire dans l’Histoire de la dyade mère-enfant, petite histoire où s’insémine un temps non réversible, une histoire avec un début (tension, conflit) et une fin (réconciliation), séquence temporelle qui se suffit à soi-même, hors de toute cyclicité (même si le schéma de ce qui a fait histoire entre mère et enfant va se rééditer à travers toutes ses variantes possibles). On a déjà-là une préfiguration de la problématique oedipienne, au sens où la “ Versagung “ est une traduction de la place du père dans le désir maternel. C’est dire si la question du temps psychique doit être également pensée au regard du complexe de castration et de la fonction paternelle, problématique débouchant sur les relations spécifiques entre temps et Surmoi [24] .

Pour conclure

 

Si, il y a plus  d’un siècle, un auteur comme Guyau (1890) affirmait que le temps est, à l’origine, « l’intervalle conscient entre le besoin et la satisfaction », on peut soutenir aujourd’hui que non seulement l’attente, le délai entre besoin et satisfaction sont des points pivots de l’intégration par l’enfant du temps, mais que ces aspects véhiculent un sens spécifique qui s’articule à la question du désir de l’autre. Lorsque Freud, en 1911, décrit le développement logique qui préside à la mise en place des processus secondaires, il ne fait pas autre chose que  prendre en compte ce facteur temporel. Les processus secondaires se coordonnent en un principe régulateur du fonctionnement psychique qui permet l’ajournement de la satisfaction, au profit de stratégies conduisant plus sûrement au but. Surseoir à la satisfaction, c’est précisément reconnaître et accepter la dimension incontournable du temps et c’est sans doute aussi participer à en comprendre la structure d’un point de vue cognitif. Mais la dimension du temps, on l’a vu, s’inscrit au coeur même des opérations qui fondent le développement de l’organisation psychique, de sorte qu’il s’avère quelquefois précieux pour la démarche clinique d’en saisir les marques.

  1. a) En milieu scolaire, les enseignants ont souvent à composer avec des enfants qu’ils décrivent comme étant régulièrement en décalage par rapport aux activités (toujours en retard d’une activité, ayant du mal à accepter les rythmes du groupe-classe et souvent opposant, ayant un faible degré de tolérance à la frustration). Il n’est pas rare que l’entretien avec les parents mette en évidence des dysfonctionnements dans le respect du temps social, des macro-rythmes, – veille/sommeil, régularités des heures de repas, etc. – et dans la prise en compte des rythmes propres de l’enfant. Par exemple, un enfant peut voir son rythme de vie déterminé par celui d’un aîné ou d’un cadet, sans que les parents y aient prêté jusqu’ici attention.
  1. b) S’il est relativement aisé de prendre conscience des règles (explicites et implicites) qui régissent l’espace (lieux, places, etc…) et même de produire un discours codifiant, il n’en va pas de même concernant le temps. Seul le temps social, le temps objectivé est immédiatement lisible. En milieu éducatif, les interventions à caractère prescriptif ou proscriptif peuvent être ressenties par celui qui en est le destinataire, non pas à l’aune de leur contenu, mais en fonction du moment où elles sont produites. Le temps de l’intervention peut alors se colorer de légitimité ou d’arbitraire et se révéler après coup être une forme expressive de temps mêlés.

Monsieur A. a dans sa classe de CM1 un élève, Benoît, qu’il a de plus en plus de mal à contrôler. Benoît se montre turbulent, agité, il perturbe le travail de ses camarades, présente un comportement souvent à la limite de l’opposition face aux activités scolaires. L’enseignant sait que cet élève a vécu, quelque six mois auparavant, un drame familial épouvantable : décès de la mère à la suite d’une violente dispute qui l’a opposée à son mari. Aussi, hésite-t-il souvent à le sanctionner sévèrement. Monsieur A. a, en outre, pu observer que lorsqu’il jouait de la discipline, l’élève se montrait souvent plus turbulent qu’à l’ordinaire.

Une réflexion centrée sur ses modes et moments d’intervention au regard du comportement de Benoît montre à l’enseignant que d’une part il laisse passer toute une série de conduites inadaptées qui mériteraient une intervention de la part du Maître, et que d’autre part il intervient de façon vive à des moments qui sont moins en rapport avec la gravité de l’acte transgressif qu’en lien à son propre agacement, trop longtemps contenu. Souvent donc, l’intervention éducative du maître tombe à plat ou est ressentie par Benoît comme arbitraire et même anxiogène (le poussant à une réaction défensive comportementale) puisque la scansion n’est pas réglée sur la valeur de l’acte transgressif, mais sur les limites par le Moi (de l’enseignant) à traiter l’agressivité interne. C’est l’ambivalence de Monsieur A. à l’égard de son élève qui le conduit à n’être pas en phase avec les actes de Benoît.

Au-delà, il y a ce qui se joue entre l’élève et son maître qui pousse l’un à devoir composer avec une agressivité qui ne trouve à s’exprimer que de façon impulsive, sans contrôle. Ce produit de la relation intersubjective renvoie ainsi à la scène de violence paternelle, agressivité trop longtemps contenue et qui se débride dans un mouvement de violence pure dirigée contre l’autre l’espace d’un instant.

  1. c) On peut saisir combien l’intégration de la dimension du temps s’inscrit dans l’histoire du sujet. Elle s’y inscrit en ce que les coordonnées du temps psychique relèvent de l’intersubjectivité, on l’a vu, mais elle s’y inscrit aussi sous la forme du symptôme.

“ L’aîné-cadet “ : Didier, 16 ans, est adressé en consultation pour trouble du comportement et difficultés scolaires importantes. En français, il ne sait pas construire un récit, confond les trois ekstases (passé, présent, futur), l’avant et l’après, etc… C’est ainsi que, parlant d’un  frère mort il y a de nombreuses années, Didier n’arrive pas à situer précisément dans le temps la date de ce décès et surtout il se montre incapable de dire si ce frère était son aîné ou son cadet alors qu’il sait que ce frère est né avant lui. 

La difficulté dans laquelle il est de décider si ce frère est aîné ou cadet renvoie au télescopage entre deux dimensions, deux repères : d’une part, la date de la naissance du frère (ce dernier est né avant Didier, il apparaît donc comme aîné) et d’autre part, la date de son décès (il est décédé à un âge inférieur à l’âge actuel de Didier ; du point de vue de son âge au moment du décès, le frère apparaît comme plus jeune). Tout se passe donc comme si l’organisation temporelle perdait de sa consistance dans ce télescopage entre dimensions ordinale et cardinale du nombre. Pour Didier, l’” aîné “ c’est celui qui est devant en âge  autant que celui qui est né avant.

Traiter sur un même plan ces deux dimensions du temps – durée  et succession – c’est ici contenir et endiguer un objet dont le deuil reste à faire. Se signifie pour Didier ce qu’il y a de troublant pour la pensée et d’insupportable à assumer à dépasser son frère aîné en âge, comme si cela revenait à prendre sa place et donc à affirmer sa mort. Lorsque la thérapie de Didier aura suffisamment avancé sur le terrain du travail de deuil à faire de ce frère aîné, on observera corrélativement une disparition de la confusion entre durée et succession, une capacité retrouvée de se situer chronologiquement dans l’histoire familiale et une amélioration des résultats scolaires.

Cette esquisse de la place et de la portée de la dimension temporelle dans le fonctionnement psychique doit trouver ses prolongements dans deux directions : l’une, relative à l’intersubjectivité, devrait s’ouvrir à la question de la conflictualité des temps, temps du sujet et temps de l’autre ; l’autre, que les deux dernières vignettes cliniques portent en filigrane, invite à interroger les liens que le temps psychique entretient avec la mort et la castration.

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  • [1]↑– Certains textes freudiens s’articulent implicitement autour de cette dimension du temps : Totem et tabou (1912), Malaise dans la civilisation (1930), Moïse et le monothéisme (1939) , notamment.
  • [2]↑– Voir aussi le travail fort documenté d’A. Laget, Freud et le temps, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1995.
  • [3]↑– On en trouve une formulation très explicite dès 1901 dans une note de bas de page du dernier chapitre de Psychopathologie de la vie quotidienne : “Il est plus que probable que le temps comme tel ne joue aucun rôle dans l’oubli. En analysant les traces de souvenirs refoulés, on peut constater que la durée ne leur imprime aucun changement. L’inconscient se trouve d’une façon générale, en dehors du temps” (p.311-312)
  • [4]↑– Freud aborde ce problème dans ses écrits de la période 1920-1925 : “Au-delà du principe de Plaisir”, “Le problème économique du masochisme”, “Notes sur le bloc-notes magique”, “La négation”.
  • [5]↑– Pour J. Laplanche, la théorie explicite chez Freud renverrait au niveau II, alors que la théorie implicite porterait sur le niveau III.
  • [6]↑– A une exception près peut-être : en 1926, dans Inhibition, symptôme et angoisse, il souligne : “Maintenant notre intérêt se tourne vers les destins du refoulé et nous pressentons qu’il ne va pas de soi, qu’il est peut-être même pas habituel, que le refoulé subsiste inchangé et inchangeable”  Note 1 p. 67.
  • [7]↑– A. Ruffiot et C. Torre qui dans un article de 1974 offrent un panorama de la notion de temps dans l’oeuvre freudienne fondé sur la partition entre temps du système préconscient-conscient et temps de l’inconscient, partition qui traduit la dualité fondamentale de l’existence humaine. Ils proposent une opposition entre tempus  (temps quantité, temps de la finitude, temps biologique et social, temps du système préconscient-conscient) et aevum  (temps qualité, temps de l’éternité, temps psychique pur, temps du système inconscient). Ruffiot A. & Torre C. “Point de vue psychanalytique sur la représentation du temps “, Les Etudes Philosophiques, P.U.F., 1974, pp. 67-89.
  • [8]↑-“ Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques “ In Résultats, idées, problèmes, Paris, P.U.F., 1984, p. 136.
  • [9]↑– Déjà en 1920, dans Au-delà du principe de plaisir, Freud mettait en doute la proposition de Kant selon laquelle l’espace et le temps seraient des catégories nécessaires et a priori de la pensée. Il y affirme que le temps n’existe pas dans l’inconscient, et que le temps conscient est une tendance acquise par autoperception d’un mode de fonctionnement interne : celui du système Perception-Conscience.
  • [10]↑– Cette idée est déjà présente en 1920 : “ Notre représentation abstraite du temps semble dériver entièrement de la façon de fonctionner du système perception-conscience et correspondre à une perception de cette façon de fonctionner “ (Au-delà du principe de plaisir ).
  • [11]↑– De nombreuses recherches expérimentales ont montré depuis longtemps que la privation sensorielle s’accompagnait de divers effets sensori-moteurs et intellectuels, dont notamment des hallucinations (de nature visuelle essentiellement). Voir W. Heron, The pathology of boredom, Scientific American, 1957, 196, 1, 52-56.
  • [12]↑– sous le sceau d’une relation d’incompatibilité que J. Breuer avait été le premier à souligner.
  • [13]↑– “ Notes sur le bloc-notes magique “ p. 123-124
  • [14]↑– Rencontre annoncée par une lettre du 12 novembre 1938 à Marie Bonaparte où Freud écrit : “ A vrai dire, en ce qui concerne le temps, je ne vous ai pas mise complètement au courant de mes idées. Ni personne d’ailleurs. Une certaine crainte de ma tendance subjective à laisser une trop grande place à mon imagination dans mes recherches scientifiques m’a toujours retenu  “ (In Correspondance; 1873-1939 , Paris, Gallimard, 1979).
  • [15]↑– In Chronos, Eros, Thanatos, Paris, P.U.F., 1952, p. 60, n1.
  • [16]↑La négation, paru la même année (1925), et la note-témoignage de M. Bonaparte corrigent la formulation : ce n’est plus l’inconscient qui envoie ses antennes, mais le Moi.  La spécificité de l’inconscient est ainsi restaurée.
  • [17]↑Nouvelles Conférences  (p. 102)
  • [18]↑– En 1914, dans , Freud met en liaison la conscience morale  – qui en 1923 sera identifiée comme le Surmoi – avec l’idée de temps : “ La formation et le renforcement de cette instance qui observe pourrait bien envelopper la genèse tardive de la mémoire (subjective) et du facteur temps “ (“ Pour introduire le narcissisme “ In La vie sexuelle, p.101, n.2)
  • [19]↑– Il y avait déjà eu recours en 1924 dans Le problème économique du masochisme  (p. 288) pour spécifier les qualités des sensations, renonçant ainsi à la conception purement quantitative des affects de plaisir et de déplaisir.
  • [20]↑– Bion, 1962, 1964 ; Flament, 1981 ; Lebovici, 1983 ; Stern, 1985 ; Brazelton, 1982 ; Pinol-Douriez, 1984, 1985, 1986 ; Marcelli, 1986.
  • [21]↑– Ce que D.W. Winnicott, dès 1956, a décrit sous le terme de préoccupation maternelle primaire  en était déjà une figuration.
  • [22]↑– au sens de la théorie de la séduction développée par J. Laplanche, puisque l’écart c’est l’inattendu, le “à-traduire” des messages provenant de l’autre.
  • [23]↑– qu’il s’agisse de macrorythmes (veille/sommeil ; faim/satiété ; jour/nuit ; etc…) ou de microrythmes (phases d’attention/repli ; engagements/retraits ; etc…) ou encore de rythmes imposés par l’habitus  des figures d’attachement.
  • [24]↑– Cf. L Gadeau “ Temps psychique et acte éducatif : temps, Surmoi et désir “, In Mémoire et devenir , Actes du  Congrès du Cinquantenaire de la Psychologie Scolaire (5, 6 et 7 octobre 1995), Revue Psychologie et Education  , 1996.