Les théories psychosomatiques
Les théories psychosomatiques : modèle médical ou modèle psychologique ? Une réflexion épistémologique
par P-H. KELLER, Docteur en psychologie, Membre du Laboratoire de Psychologie Clinique et de Psychopathologie, Université de Bordeaux II.
Pour citer cet article :
Keller P-H. (1995), Les théories psychosomatiques : modèle médical ou modèle psychologique ? Une réflexion épistémologique, Revue Française de Psychosomatique, N° 8, 1995, pp.153-176, PUF
L’inflation psychosomatique
L’appropriation par le langage courant d’un mot issu de la recherche scientifique devrait apparaître comme un signe susceptible d’en alerter l’inventeur, en ce qui concerne le maintien de la pertinence de ce mot. Reconsidérer sa valeur heuristique peut alors se révéler nécessaire. A ne s’en être pas suffisamment soucié, Selye aura sans doute contribué pour une part à l’inflation galopante dont est frappé aujourd’hui la notion de « stress » qu’il a mise au point dans les années 60, ainsi qu’à son appauvrissement. A l’instar de l’économie dont elle use les circuits, l’inflation dont un mot est victime en amoindrit la portée signifiante ; en poursuivant cette métaphore financière, disons que le sens est au mot ce que la monnaie est à l’économie : plus s’accroît en volume la circulation du premier, plus la dévaluation guette le second. C’est la façon dont le mot « psychosomatique » semble guetté par ce phénomène d’érosion signifiante qui nous intéresse ici. Nous allons essayer de montrer de quelle manière les principales théories qui se réclament du signifiant « psychosomatique » ont pu contribuer à cette usure. On peut remarquer dans un premier temps que l’usage sémantique du mot lui-même n’a pu parvenir à l’imposer comme substantif : les maladies, les malades, la médecine elle-même, ont été tour à tour qualifiés de psychosomatiques, mais « la psychosomatique » comme spécialité de la médecine à part entière ne s’est jamais vraiment imposée comme telle. Certes, des tentatives existent, visant à conférer le statut de « discipline médicale » à l’ensemble des principaux essais qui se sont succédés dans le but de mettre en pratique la notion de « psychosomatique » [1] Note 1KAMIENIECKI H.(1994), Histoire de la psychosomatique, Que sais-je ?, P.U.F., Paris.. Il n’en demeure pas moins que la reconnaissance par la communauté scientifique d’une spécialité médicale dite « psychosomatique » (au même titre que toutes les autres spécialités de la médecine) est loin d’être acquise [2] Note 2BOURGEOIS M. (1989), La médecine dite psychosomatique et ses mythes, Ann. Médico-Psychol., 47, 311-317.. Cette reconnaissance reste même le point d’achoppement sur lequel butent ces courants théoriques [3] Note 3MICHEL F.B., GAZAIX P.(1987), Pour en finir avec les maladies psychosomatiques, Albin Michel, Paris. y compris le plus structuré et le plus productif d’entre eux créé par Marty, connu sous le nom d' »Ecole de Paris ». Si la reconnaissance par la communauté scientifique fait toujours pratiquement défaut aux théories psychosomatiques, l’approbation dont elles jouissent dans l’opinion est en revanche massive. Ce sont d’ailleurs moins les constructions théoriques elles-mêmes qui emportent l’adhésion que l’idée qu’elles véhiculent sous forme d’hypothèse: la vie psychique produirait des effets de réel dans le corps. S’imposant avec force dans l’esprit de la personne qui « tombe » malade, cette idée comporte deux versants : l’effet de réel « causé » par la vie psychique contribue à la maladie ; d’un autre côté, il peut donc contribuer à la guérison. Le « modèle » psychosomatique trouve ici implicitement la justification de l’emprunt qu’il effectue, du point de vue du raisonnement en tous cas, au modèle médical, voire biomédical.
Les malentendus de la causalité
Le succès rencontré par l’usage du mot « psychosomatique » se double-t-il pour autant de succès thérapeutiques justifiant cet engouement ? Autrement dit, le recours à la désignation « psychosomatique » d’une souffrance rend-il son traitement plus accessible ? Si le malade est lui-même qualifié de « psychosomatique », sa guérison s’en trouve-t-elle pour autant facilitée ? Lorsque le qualificatif « psychosomatique » s’applique, non plus au malade ou à la maladie mais à la démarche médicale elle-même, celle-ci peut-elle faire état d’une efficacité égale ou supérieure à une médecine qui ne serait pas psychosomatique ? Ces questions se posent nécessairement, du fait même de leur inscription dans le champ de la santé, et par conséquent de la médecine. Elles obéissent à ce que l’on peut appeler la logique du soin médical [4] Note 4KELLER P-H. et al.(1994), Maladie de Crohn, principes d’une approche singulière, E.M.C., Instantanés Médicaux, fév. 1994, Vol. 65-1., « tel(le) qu'(elle) est enseigné(e) à l’Université, ou bien tel(le) qu'(elle) peut être présenté(e) -de façon illusoire- par les médias : symptômes ; examen(s) médical(ux) ; diagnostic ; traitement; guérison.
Dans ce cadre, les théories psychosomatiques posent toutes le problème épistémologique majeur de la définition rigoureuse de leur objet. L’existence même de cet « objet » aurait pu se déduire logiquement de la présence de « psychosomaticiens » dans le champ de la santé. Ces praticiens en « psychosomatique » qui se réclament souvent de l’enseignement et de la pratique adoptés à l’Institut de la Poterne des Peupliers se réfèrent-ils pour autant à un objet ayant fait l’objet d’une définition préalable ? Curieusement, la définition avancée par Kamieniecki exclut dans un premier temps la référence corporelle : « L’unité de la personne humaine, dans la singularité de son être, constitue l’objet de la psychosomatique » (op.cit., p.123). La deuxième partie de cette définition vise en fait davantage la description d’une méthode que celle d’un objet « épistémique » : (le) point de vue (de la psychosomatique) consiste à penser psychanalytiquement le rapport du sujet à son corps ».
Toute la difficulté de la démarche se trouve contenue dans cette tentative problématique d’une définition d’un « objet » spécifiquement psychosomatique. Celui-ci se « découpe »-t-il dans l’objet médical ? Dans l’objet psychologique ? Est-il un objet véritablement hybride ? Et s’il possède bien cette double nature (pour le moins hétérogène), comment s’assurer d’une connaissance véritable dans un domaine aux limites aussi imprécises ? L’effort de théorisation a imposé aux chercheurs un choix implicite, structurant leurs travaux dans deux directions opposées : soit la dimension psychophysiologique, soit la dimension psychologique (ou plutôt métapsychologique).
Nous passerons rapidement sur le courant psychophysiologique, pour lequelle Selye pensait avoir mis au point une théorie explicative des désordres corporels, en rapport avec une perturbation psychique [5] Note 5SELYE H.(1956), Le Stress de la vie, Gallimard, Paris.. Pour cet auteur, comme pour tous ceux qui ont poursuivi ses travaux, l’ambition était d’expliquer comment une situation de contrainte (traduire: de nature psychique), à elle seule, pouvait provoquer une altération de l’homéostasie corporelle, voire déclencher certains états pathologiques (dès lors légitimement nommés « psychosomatiques »). L’aspect réducteur de ce modèle a finalement orienté les recherches de ce courant « psychophysiologique » vers une prise en compte de la « subjectivation » du stress, comme des données perceptives qui l’accompagnent. De phénomène objectif, le « stress » étudié dans ce cadre est devenu le « stress perçu », phénomène partiellement subjectif [6] Note 6BRUCHON-SCHWEITZER, DANTZER et al. (1994), Introduction à la psychologie de la santé, P.U.F., Paris.>, « marqué » en conséquence par l’empreinte du sujet. Le caractère « objectivable » des phénomènes auxquels s’intéressent les chercheurs de ce courant s’est illustré par l’existence de travaux portant par exemple sur des patients dont les lésions corporelles directement observables (fistules en particulier), peuvent ainsi être étudiées in situ, à l’occasion des manifestations de la vie psychique et relationnelle [7] Note 7ENGEL G.L.(1961), Biologic and psychologic fealure of the ulcerative patient, Gastroenterology, 40 :313, 1961. de ces personnes.
Actuellement, les progrès de la recherche médicale alimentent ces travaux, qui portent par exemple sur les liens unissant le système nerveux central (traduire : le lieu du psychisme), au système immunitaire [8] Note 8CONTRADA et al. (1990), Personality and health, in Handbook of personality : theory an research, edited by L.A. Pervin, New york, Guilford Press, pp. 638-669.. A défaut d’une définition de leur objet de recherche, l’objectif envisagé par la plupart des auteurs engagés dans ces travaux est la mise au point d’un « modèle biopsychosocial de la maladie » [9] Note 9ODALL G.(1994), Vers un modèle biopsychosocial de la maladie, in, Introduction à la psychologie de la santé, pp.183-210, P.U.F., Paris. ; l’enjeu de ces recherches étant la mise à jour de l’ensemble des causes susceptibles de déclencher les maladies. Mais pour implicites que soient les références de ce courant de recherche à l’idée d’un fonctionnement « psychosomatique » de l’organisme humain, elles n’en demeurent pas moins éloignées, dans leurs assises épistémologiques, des références sur lesquelles s’appuient le courant issu de la mouvance psychanalytique.
Nous avons choisi, parmi les phénomènes qui surgissent lors d’une maladie d’étudier en priorité ceux d’entre eux relèvant spécifiquement de l’humain. Nous délaisserons par conséquent ce premier courant psychophysiologique dont les travaux portent indifféremment sur les animaux ou les humains [10] Note 10KELLER P-H.(1992), Le rat et la psychosomatique, L’information psychiatrique, n° 7, pp. 725-730., pour nous attacher plus particulièrement à ceux qui s’emploient à découvrir ce qui, dans la maladie, fait apparaître celle-ci comme un phénomène exclusivement humain. L’instauration d’un modèle de l’appareil psychique proposé par Freud dès 1900 [11] Note 11FREUD S. (1900), L’interprétation des Rêves, P.U.F, 1967., n’a cessé depuis Groddeck, d’attiser la convoitise des chercheurs en psychosomatique. L’envahissant et dévastateur Ça groddeckien, considéré comme « créateur » de toutes les maladies, a progressivement laissé la place à une théorisation qui, pour être plus fine que celle avancée par le « père » de la psychosomatique, n’en conserve pas moins l’essentiel : le paradigme causal. Ce paradigme instaure que l’appareil psychique demeure impliqué dans l’apparition des troubles corporels, en raison d’un dommage concernant, soit son édification, soit son fonctionnement
Théories psychosomatiques et modèle médical
A/ LES INVENTEURS
Au souci de marginalisation toujours réaffirmée par Groddeck lui-même, s’oppose le souci d’intégration d’Alexander, intégration de la psychanalyse au système de soin des maladies organiques. Fort de la reconnaissance de Freud en personne (qui lui a proposé en 1921 de venir pratiquer comme psychanalyste à Vienne), Alexander s’imposera avec un sens clinique exceptionnel aux USA, où il émigrera avant la deuxième guerre mondiale. Il y exerce son activité d’analyste auprès de patients atteints de troubles organiques, tout comme Groddeck à Baden-Baden. Mais l’objectif d’Alexander vise moins la substitution d’un traitement médical par un traitement psychanalytique (comme dans le « satanorium » de Groddeck) que de proposer à la psychanalyse de « se rendre utile » au traitement de certains symptômes organiques. C’est dans les années soixante qu’il sera en mesure de proposer un schéma explicatif d’ensemble des troubles psychosomatiques, dans lequel sont recensés les principaux facteurs impliqués [12] Note 12ALEXANDER F. FRENCH T. & POLLOCK G.H.(1968), Psychosomatic specificity, Experimental Study and result, Univ. Chicago Press, Chicago/London.. Les « facteurs psychologiques » ont dans cette théorie une place prépondérante puisqu’ils contribuent, associés à une « vulnérabilité organique innée », au déclenchement d’une pathologie devenue ainsi « psychosomatique ». Le schéma explicatif alexandérien est donc le suivant : un ajustement psychodynamique individuel engendrerait dans certaines circonstances, le déséquilibre d’une zone de fragilité organique fonctionnelle congénitale, aboutissant ainsi à l’apparition d’une maladie. Ce premier « modèle » psychosomatique (la « modélisation » n’ayant jamais été l’ambition du véritable pionnier qu’a été Groddeck) propose, on le constate, une interaction « équitable » entre les deux ordres de phénomènes observés, psychique et corporel, le premier produisant cependant effet de déstabilisation sur le second.
C’est quelques années plus tard, en 1972 exactement, que Sifneos, autre chercheur américain, propose lors d’une conférence européenne de psychosomatique -à Viennec- de recourir au terme d' »alexithymie » pour rendre compte du fonctionnement psychique spécifique du « malade psychosomatique » [13] Note 13SIFNEOS P.E.(1973), The prevalence of « alexythmie » characteristics in psychosomatic patients, Psychotherapy psychosomatic, 22,255-262.. Ce qui nous intéresse ici est moins le mécanisme psychophysiologique accompagnant le phénomène alexithymique décrit par Sifneos, que l’explication suggérée permettant d’en justifier la pertinence. Selon l’auteur lui-même (cité par Pedinielli [14] Note 14PEDINIELLI J.L.(1992), Psychosomatique et alexithymie, col. « Nodules », P.U.F., Paris.), « les observations (de certains) patients souffrant d’affections psychosomatiques ont montré qu’ils présentent une vie fantasmatique appauvrie et semblent incapables d’utiliser des mots pour exprimer leurs émotions (…) Le terme « alexithymie » a été forgé pour décrire ces défaillances (souligné par nous) ». A l’aide de cette notion mise au point avec Nemiah [15] Note 15NEMIAH J.C.(1977), Alexithymia, theorical considerations, Psychotherapy psychosomatic, 28, 199-206., Sifneos emprunte la même direction qu’Alexander, dans la mesure où la disposition alexithymique (traduire : de nature psychique) est considérée comme contribuant à l’apparition de certains désordres somatiques.
Vie fantasmatique réduite et rupture de l’ordre psychosomatique, notions saillantes dans le travail de Sifneos, apparaissent également comme centrales dans l’édifice théorique édifié de l’autre côté de l’Atlantique par Marty et l’école de Paris. En effet, dès leurs premiers travaux, Marty, David et M’Uzan [16] Note 16MARTY P., de M’UZAN M. et DAVID C.(1963), L’investigation psychosomatique, P.U.F., Paris. décrivaient des processus tout à fait voisins. En ce qui concerne les mécanismes psychiques permettant à ces auteurs d’expliquer le trouble psychosomatique en général, on trouve par exemple la « coupure du sujet avec son inconscient » [17] Note 17op.cit. p.256.>, ou encore la perte de toute « liberté fantasmatique » ; quant aux fonctions mentales, chargées « normalement » de réguler « les affects et les émois », elles ne parviennent pas à remplir leurs fonctions d’élaboration; et dès lors, la voie somatique dégagée est empruntée par les affects, sans que ceux-ci aient été soumis préalablement aux contraintes « représentationnelles ». Le « soma » apparaît dans ces conditions, comme la cible de phénomènes pathologiques, que la « psyché » n’a pas été en mesure d’endiguer, n’étant pour ainsi dire pas à la disposition du sujet – qu’elle se révèle par conséquent incapable de préserver – . L’indisponibilité de ces fonctions psychiques étant relativement constante, Marty peut parler des caractéristiques communes à tout ces patients en termes de « portrait-robot du malade psychosomatique » [18] Note 18op. cit. p.257.. Mais, contrairement aux théories d’Alexander, l’école de Paris ne retient pas cette notion de « spécificité » psychosomatique au niveau où l’envisageait l’école américaine. Attaché à fonder une discipline qui trouverait enfin ses « critères nosographiques propres » [19] Note 19op.cit. p.259., Marty renonce en effet à considérer la dimension somatique de la maladie comme une donnée signifiante : « Une maladie somatique déterminée, répondant à la nosographie médicale classique (un asthme bronchique, par exemple) peut se présenter dans des conditions économiques différentes d’un individu à l’autre, parfois différentes aussi chez un même sujet selon les moments. La connaissance de la structure d’un sujet ainsi que l’appréciation des variations actuelles de cette structure, sont nécessaires à chaque instant pour fonder un diagnostic, pour estimer un pronostic, pour décider d’une thérapeutique » [20] Note 20MARTY P.(1984), Des processus de somatisation, in FAIN & DEJOURS, Corps malade, corps érotique, Masson, Paris.. Ce que Marty entend ici par « structure » fait bien entendu référence au mode de structuration des névroses de caractère, propice à la désorganisation qu’il a lui-même décrite [21] Note 21MARTY P.(1980), L’ordre psychosomatique, Payot, Paris. ; c’est effectivement au plan psychique que l’animateur du premier « institut français de psychosomatique » envisage la spécificité structurelle psychosomatique. L’ensemble de son oeuvre sera consacré à étayer cette notion d’un fonctionnement structural distinct, chez les patients psychosomatiques. Ainsi la notion de « pensée opératoire », centrale dans le corpus théorique de l’Ecole de Paris, est-elle la traduction d’une « vie intérieure opératoire » [22] Note 22Op. cit. p. 94. propre à ces patients, reflet fidèle d’un fonctionnement mental défaillant. L’évolutionnisme, après la métapsychologie freudienne, est le second modèle référentiel auquel Marty arrime son inspiration théorique [23] Note 23KAMIENIECKI H.(1994), op.cit. p.67. , et le processus par lequel il décrit cette défaillance psychique implique l’existence de mouvements évolutifs et mouvements contre-évolutifs, susceptibles de rendre compte du mode d’organisation psychosomatique. Certains risques de pathologie somatique sont par exemple évoqués, dès lors qu’un mouvement contre-évolutif concerne une « organisation régressive trop puissante ». La désorganisation, après avoir frappé un appareil mental structuré de la sorte, menace alors d’atteindre la sphère somatique, étant admis que, dans le processus évolutif, le « mental » succède au « somatique ». L’engagement thérapeutique auprès de tels patients oblige alors à une mobilisation relationnelle prioritairement centrée, non sur le verbal, mais sur le « sensitivo moteur ».
En tentant de cette façon d' »élaborer pour la Psychosomatique un système analogue à celui que la Métapsychologie constitue pour la Psychanalyse » [24] Note 24Op.cit. (1963), p. 261., Marty ambitionne d’édifier une « métapsychosomatologie » qui s’arc-boute essentiellement sur deux aspects de la théorie freudienne. D’une part, il privilégie l’abord économique de l’appareil psychique, et d’autre part il fait appel à des données issues de la première topique, comme par exemple le « préconscient ». Chez les patients atteints d’affections considérées comme psychosomatiques par exemple, l »épaisseur du préconscient » serait moindre [25] Note 25MARTY P.(1988), Dispositions mentales de la première enfance et cancers de l’âge adulte, in Psychothérapies, Genève, n° 4, 177-182.. Autre versant de la « vie opératoire » des patients psychosomatiques décrits par Marty, la « dépression essentielle » exprime assez bien cette notion de normativité implicite, puisqu’elle traduit selon lui « l’abaissement du tonus des Instincts de Vie au niveau des fonctions mentales (souligné par nous) » [26] Note 26Op.cit.(1980), p.59.. Autrement dit, Marty décrit une vie somatique aux prises avec un « appareil mental » dont les « désorganisations » retentissent sur son cours « normal »; le fonctionnement « normal » placerait avant tout l’être humain « en harmonie » avec sa vie fantasmatique et son inconscient. Ces accidents désorganisateurs de la vie somatique « normale » sont d’ailleurs à mettre en partie sur le compte d’un environnement social, qui représente de véritables « entraves » à cette vie mentale telle que la conçoit cet auteur ; selon lui, la société impose en effet à chacun des limites très exigües quant à l’exercice de sa liberté individuelle, et cette « exiguïté (…) provoque presque notre étonnement de ne pas assister plus fréquemment à l’éclosion de maladies somatiques » [27] Note 27Op.cit.(1980) p.59.. Incontestablement, les contraintes imposées à une « activité mentale normale » semblent bien apparaître ici à Marty comme potentiellement génératrices de troubles somatiques. Qu’elle soit entièrement structurale ou partiellement provoquée par un environnement contraignant, la « pauvreté » de la vie mentale révélée par l’école de Paris chez les patients dits « psychosomatiques » doit-elle être admise comme cause de symptômes somatiques ? Ou bien ne doit-elle être envisagée avant tout comme conséquence, chez certains patients « opératoires » ? Dans le premier cas, il peut se révéler utile d' »enrichir » cette vie mentale, afin de lui donner la consistance nécessaire à l’accomplissement de ses fonctions « vitales » [28] Note 28Marty suppose en effet que « le patient opératoire survit davantage qu’il ne vit » ou bien que « le sujet en état de vie opératoire suggère souvent l’image d’un mort vivant ». Op. cit (1980), (p.95 et p.99). ; dans le second, il peut être simplement nécessaire de retrouver chez le patient la pensée « non-opératoire » qui préexistait au déclenchement symptomatique.
Quoiqu’il en soit, les deux hypothèses montrent assez bien dans la théorie de Marty, d’un côté la part prépondérante qui revient au psychisme dans l’équilibre de la sphère somatique, et de l’autre les fondements épistémologiques de cette démarche, en partie ancrés dans la conception d’un « manque » psychique qu’il conviendrait de combler, de restaurer voire de « réanimer ». La recherche théorique entreprise par l’Ecole de Paris se double en effet d’une pratique constante auprès de patients « psychosomatiques ». La visée thérapeutique de cette pratique confère au « facteur psychique » qui en est l’enjeu, le statut d’un « objet » de soin -au sens littéral du terme-. Ce « facteur psychique » – rebaptisé en l’occurence « psychosomatique » – se transmue de facto en facteur impliqué parmi d’autres dans l’évolution d’une maladie.
C’est en tout cas sur ces bases que Dejours formule la définition de cette « spécialité médicale », envisagée comme « lecture spécifique de la maladie (…) qu’on est en droit de proposer (…) de même que dans le cancer, on peut simultanément proposer une lecture immunologique, une lecture virologique, une lecture cytologique, une lecture biochimique (ou) une lecture biophysique » [29] Note 29DEJOURS C., MARTY P., HERZBERG-POLONIECKA R.(1980), Les questions théoriques en psychosomatique, Encycl. Méd. Chir., Psychiatrie, Paris, 37400, C 10, 07/1980.. On trouve néanmoins dans certaines des propositions de cet auteur quelques nuances significatives permettant de les distinguer de l’ensemble des propositions de l’école dont il se réclame. Tout en conservant à ses propres propositions théoriques l’importance qu’accorde l’école de Paris à la dimension économique du fonctionnement psychique, Dejours redonne par exemple au « libidinal » une place qui semblait un peu perdue de vue en tout cas dans les productions officielles de l’école. Sans parler à son sujet de concept nouveau, notons cependant que l’idée remise ici en valeur par Dejours a le mérite de souligner le tranchant toujours actuel de l’enseignement freudien. A la notion d’étayage, Dejours propose d’adjoindre celle de « subversion ». Il indique de cette façon que si la fonction physiologique est détournée de sa finalité première, c’est en réalité l’ensemble du « corps biologique » qui est atteint par ce détournement, au profit de la constitution du « corps érotique ». La subversion est entendue ici comme le « renversement » d’un ordre établi, celui des lois biologiques, au profit d’un autre ordre (ou d’un désordre), celui de l’économie libidinale : »Grâce à cette édification de la sexualité psychique, et du corps érotique, le sujet parvient à s’affranchir partiellement de ses fonctions physiologiques, de ses instincts, de ses comportements automatiques et réflexes, voire de ses rythmes biologiques » [30] Note 30DEJOURS C.(1989), Recherches psychanalytiques sur le corps, Payot, Paris.. Quant aux répercussions de ces aménagements conceptuels, elles concernent avant tout la clinique psychosomatique, qui « suggère en effet que lorsque surviennent certains troubles du fonctionnement psychique, qui altèrent d’économie du corps érotique, apparaît en même temps un risque de maladie somatique ». L’hypothèse alors formulée par Dejours est que, « si la subversion libidinale n’octroie pas à proprement parler un supplément de solidité au fonctionnement physiologique, en tout cas le désétayage, quant à lui, semble relativement dangereux pour la santé du corps » [31] Note 31Op. cit. . Autrement dit, et bien que prônant l’absence de « hiérarchie des fonctions », Dejours n’en décrit pas moins un processus général, au cours duquel, la déstabilisation de l’une (la fonction psychique) peut entraîner des désordres pour l’autre (la fonction biologique). Malgré la dimension évolutionniste de leur ancrage théorique (dimension qui autorise une certaine souplesse vis à vis du modèle structurel proprement dit), il semble donc difficile aux inventeurs de « la psychosomatique » de prendre vraiment leurs distances vis à vis d’un modèle médical dont ils sont finalement issus.
La « deuxième génération » des praticiens-chercheurs en psychosomatique aurait-elle réussi à forger un modèle différent de celui de ses prédécesseurs ?
B/ LES SUCCESSEURS
Le courant lacanien par exemple, a tenu un discours résolument indépendant des propositions émanant de l’école de Paris. A-t-il pour autant échappé à l’implicite modélisation médicale ? En quelques mots, il convient tout d’abord de mentionner ici la conférence prononcée par Lacan en 1975 à Genève. A cette occasion Lacan met en avant le problème de la spécificité psychosomatique : »c’est par le biais de la jouissance spécifique qu’il a dans sa fixation qu’il faut toujours viser à aborder le psychosomatique » [32] Note 32LACAN J.(1975), « Le symptôme », conférence à Genève, le Bloc-note de la psychanalyse, n°5, Genève, Atars, 1985..
Les élèves de Lacan s’attacheront dès lors à isoler les éléments constitutifs de cette « jouissance spécifique », ainsi que les modalités selon lesquelles elle permet de rendre compte de la position subjective du sujet « psychosomatique ». C’est d’avoir été entendue par l’analyste, c’est à dire d’avoir fait l’objet d’un discours adressé à l’autre que cette jouissance révèle sa spécificité. C’est à l’intérieur de ce discours que Lacan repère ensuite un dysfonctionnement spécifique, pour lequel Guir tentera plus tard de donner une définition : »Le problème de fond du phénomène psychosomatique [PPS] est celui-ci : la métaphore paternelle fonctionne en certains endroits du discours et pas en d’autres. Seuls certains moments spécifiques du discours provoquent un déchaînement dans le corps (…) Un ratage (souligné par nous) dans cette fonction paternelle institue le phénomène psychosomatique » [33] Note 33GUIR J.(1986), PPS et fonction paternelle, in Le phénomène psychosomatique et la psychanalyse, Analytica, Navarin, Paris, pp. 57-71..
Guir situe sa recherche dans le droit fil de l’enseignement de Lacan, et s’attache à dégager certaines constantes au coeur même de l’agencement des signifiants du sujet, tentant d’en conceptualiser la portée de la façon suivante. D’une part il existerait des signifiants « gelés » [34] Note 34GUIR J.(1983), Psychosomatique et cancer, Point hors ligne, Paris, .p.152., ne pouvant prendre place dans la « chaîne signifiante » qui « représente » le sujet ; la mise en jeu de ces signifiants spéciaux, comme « imposée » par des circonstances extérieures, mettrait en faillite l’identité même du sujet, contraint en quelque sorte de « témoigner » de cette identité par la formation du PPS, et dans le réel de son corps. Mais d’autre part, s’intéressant à la localisation des phénomènes psychosomatiques, Guir considère que la lésion atteste de « l’inscription aberrante des signifiants de sa filiation, (…) l’inscription psychosomatique dans le corps du patient retraç(ant) l’histoire du corps d’un autre ». Et s’appuyant sur les paroles de ces patients, il remarque que la lésion semble référencée « mimétiquement » au corps d’un autre, suggérant que « l’organe atteint fonctionne comme un organe volé à un autre et tente de jouir comme s’il appartenait à cet autre » [35] Note 35GUIR J.(1983), op.cit.p.18.. Nous sommes ici dans la situation même d’une nouvelle « application » des théories psychanalytiques (en l’occurence celle, magistrale, du « retour à Freud » opéré par Lacan), au problème que pose à l’analyste, l’apparition d’un phénomène lésionnel dans l’organisme d’un analysant. Ce phénomène est d’ailleurs comparé par Lacan à un « hiéroglyphe », un « cartouche livrant le nom propre » [36] Note 36LAURENT E.(1986), Les noms du sujet, in Le phénomène psychosomatique et la psychanalyse, Analytica, Navarin, Paris, p.33. Ce que l’on peut interpréter comme une élégante façon d’indiquer, aussi bien la part d’énigme non résolue présente dans le PPS, que celle d’irréductible singularité qu’il met en jeu.
D’autres recherches « lacaniennes » mettent l’accent sur les défaillances de différentes « fonctions » psychiques décrites par Lacan. Dans la référence au « stade du miroir » par exemple, Schmoll indique : « (…) dans la situation de confusion imaginaire qui caractérise les relations du sujet à l’autre, le sujet (psychosomatique) est menacé par les atteintes réelles ou imaginaires au corps de l’autre, comme s’il s’agissait d’atteinte à son propre corps » [37] Note 37SCHMOLL P.(1982), Processus identificatoire et somatisation, éléments pour une théorie des PPS, Revue de Médecine psychosomatique, T.24, n°1, pp.15-32.. Dans ce cas, le PPS « s’explique » par une différenciation insuffisante, dans le rapport imaginaire à l’autre. Ou bien, parlant de la « jouissance », Guir propose de rendre compte de la somatisation en ces termes: « Ici, de ce défaut d’articulation du premier couple de signifiants (S1-S2), nous arrivons à un problème quasi-biologique de l’ordre de la régulation entropique du corps parlant (…) la fonction de la jouissance est ici en défaut (souligné par nous) » [38] Note 38GUIR J. (1983), op.cit. p.154. .
Si les hypothèses du « courant lacanien » se réfèrent aux « dires » des patients, au même titre que d’autres courants de la psychanalyse, il convient de remarquer cependant l’importance accordée par ses partisans à l’équivoque phonémique que comportent parfois ces « dires ». Sans négliger l’importance que peut revêtir cette façon dont le langage résonne (avec cette dimension de réel -si présente en psychosomatique-, associée pour certains lacaniens au signal sonore déclenchant le réflexe physiologique pavlovien) différemment pour chaque sujet, nous n’explorerons pas au-delà cette question ici. L’articulation avec une approche linguistique semble en effet davantage indiquée ; en se privant d’une telle dimension, on risquerait de réduire de façon caricaturale la présentation de cet aspect, peut-être prometteur d’un point de vue théorique [39] Note 39Voir par exemple comment la notion d’ »holophrase », introduite par Guir -à la suite de Lacan- dans le champ de la psychosomatique, renvoie d’une part à ce nouage du corporel et du prélinguistique, et d’autre part à l’affectif et au relationnel (Guir, 1983, p.149) ; cette notion a été intégrée à d’autre recherches « lacaniennes », comme celle de Mazeran et Olindo-Weber, portant sur le concept de « somatisation-limite »..
On le constate donc, se réclamer de l’enseignement de Lacan ne met à l’abri, ni de la référence à la logique du raisonnement médical, ni de l’écueil dualiste dans la théorisation des questions traitant du fonctionnement psychosomatique. La parole, manifestation du psychisme, s’y révèle ainsi douée d’une sorte d’autonomie, sous la forme de « signifiants erratiques », prêts à se « cristalliser » corporellement, sous la forme de PPS ; quant à la défaillance de la fonction symbolique du signifiant, elle met une nouvelle fois la recherche en psychosomatique, en demeure de mettre à jour les indices susceptibles d’authentifier ce dysfonctionnement psychique.
D’un certain point de vue, les travaux de Mc Dougall pourraient fort bien n’être pas désavoués par ses confrères lacaniens. Particulièrement vigilante aux manifestations corporelles de ses analysants, Mc Dougall suppose en effet que l’affection psychosomatique ne révèle à première vue « aucun conflit névrotique ou psychotique », car son « sens est d’ordre présymbolique et court-circuite la représentation de mot » [40] Note 40MC DOUGALL J.(1989), Théâtre du corps, Gallimard, Paris, p.34.. Mais par ailleurs, et tout en prêtant à chacun (analyste compris) la possibilité de « somatiser » un jour ou l’autre, McDougall découvre -chez certains patients seulement- que tomber malade est une « capacité » voire une compétence, en période de crise, leur permettant, grâce à l’éprouvé de leurs limites corporelles, « de s’assurer un minimum d’existence séparée de tout autre objet significatif ». Sans proposer de véritable typologie, Mc Dougall n’en décrit pas moins une dizaine de caractéristiques psychiques les plus fréquemment observées chez les sujets à « tendance somatisante »; nous en retiendrons les deux principales. Tout d’abord sa dimension structurale : le degré de structuration psychique a permis au sujet de franchir le stade de résolution œdipienne sans encombre, et la vie relationnelle qui en découle apparaît socialement et sexuellement « normale » [41] Note 41Op.cit. p.60.. Deuxièment, le sujet est porteur inconsciemment d’imagos parentaux « immatures » constitués dans l’enfance, qui le rendent inapte à s’approprier la totalité de ses fonctions d’autonomisation, qu’elles soient psychiques ou physiologiques. C’est dans ce double contexte qu’apparaît la « vulnérabilité psychosomatique » précoce, attestant, d’une autonomie soit prématurée, soit par trop tardive. Si Mc Dougall avance sans précaution particulière, l’existence de « malades psychosomatiques », elle ne propose pas pour autant une « lecture psychologique » des maladies organiques.
Célérier adopte d’ailleurs une démarche similaire, en qualifiant de « psychosomatique » certains malades « construits » psychiquement de telle manière que leur rapport à eux-mêmes passe avant tout par le corps, mais un corps « dés-affecté ». Il est d’ailleurs frappant de constater chez ces deux auteurs l’existence d’un postulat qui, à quelques différences près, sert de base à une réflexion souvent nettement différenciée. Ce postulat peut être posé en ces termes : l’existence de « malades psychosomatiques » est une donnée clinique incontestable. En revanche, chacune de ces psychanalystes propose effectivement un « modèle » particulier du fonctionnement psychique, susceptible d' »expliquer » l’apparition d’une pathologie somatique, rebaptisée alors « trouble psychosomatique ». Pour Célérier comme pour Mc Dougall l' »affaiblissement » corporel prend sa source dans cet effacement partiel des fonctions protectrices du psychisme. Mais d’après Célérier, c’est cette « dés-affection » corporelle qui rend le corps du patient « plus que tout autre, vulnérable aux blessures morales, aux agressions et séparations »; et en cas de « dissolutions psychiques plus sévères, si elles trouvent ouvertes les voies de la somatisation, (elles) détruisent aussi le soma » [42] Note 42CELERIER M.C.(1989), Corps et fantasmes. Pathologie du somatique, Dunod, Paris, p.47.. Alors que selon Mc Dougall « l’écroulement de la fonction onirique, (…) empêche la décharge de tension par la satisfaction hallucinatoire.(…), ainsi les décharges risquent-elles de prendre la voie la plus courte, et la plus proche du physiologique, (…) la psyché évacue (alors) ses tensions sans paroles ! » [43] Note 43Op.cit. p.3.. Par ailleurs, en ce qui concerne la présentation de ces personnes, s’il est possible pour Célérier de l' »isoler » cliniquement : « (…)ces patients se ressemblent étrangement par leur comportement, leurs traits de caractère et ce qui transparaît de leurs relations aux autres et à eux-mêmes » [44] Note 44Op.cit. p.89., pour Mc Dougall à l’inverse, « il fallut de longues années d’analyse avec certains patients pour comprendre que c’est dans des situations de stress qu’ils se révélaient alexithymiques ou opératoires » [45] Note 45Op.cit.p.41.. On peut noter au passage que Mc Dougall, bien qu’inscrite elle aussi dans une théorisation de la « carence » psychique comme cause de la désorganisation psychosomatique, n’en propose pas moins de repérer dans le discours de ces « somatisants » la mobilisation de fantasmes spécifiques, comme le fantasme d' »un corps pour deux » [46] Note 46MCDOUGALL J.(1986), Corps et histoire, Ed. Les Belles Lettres, Paris, pp. 9-43..
Rompant d’une certaine manière avec la conception d’une « pauvreté fantasmatique » des patients « psychosomatiques », J.Mc Dougall sollicite au contraire leur surgissement massif dans le transfert.
Sans véritablement contredire les thèses de Mc Dougall, Sami-Ali a construit un édifice théorique à propos de la somatisation, fondé avant tout sur la référence à la fonction de l’imaginaire, mais dans son rapport au réel, l’un et l’autre de ces « constituants » de la vie psychique s’articulant autour de la projection. L’objectif que Sami-Ali s’est donné dans son entreprise théorique ne vise rien moins que d’accéder « à une nouvelle problématique s’ouvrant simultanément au psychique et au somatique », dont le cadre référentiel demeure exclusivement la théorie psychanalytique. Il s’agit explicitement pour l’auteur de mettre au point un « modèle multidimentionnel de somatisation » qui permettrait de « rendre compte des phénomènes de somatisation dans toute leur étendue » [47] Note 47SAMI-ALI M.(1987), Penser le somatique, imaginaire et pathologie, Bordas, Paris. . De façon extrêmement large -c’est à dire non centrée sur une symptomatologie spécifique-, Sami-Ali donne du fonctionnement psychique de ces patients la description d’un imaginaire dominé par le refoulement. Le modèle paradigmatique d’un tel fonctionnement lui est fourni par le témoignage de Zorn [48] Note 48SAMI-ALI M.(1987), op.cit., p.17.. Dans le témoignage de ce malade, l’insomnie réfractaire à tout traitement -lors du départ de la maison familiale-, ou bien la destruction par le feu de toutes ses œuvres littéraires par Zorn lui-même, sont autant de conduites qui, selon Sami-Ali, attestent du refoulement de l’imaginaire chez ce jeune homme mort à 30 ans d’un lymphome malin [49] Note 49ZORN F.(1979), Mars, Gallimard, Folio, Paris. Corroborant les données cliniques obtenues par l’école de Paris -mais sans du tout leur prêter la même signification-, Sami-Ali fait ainsi porter la responsabilité d’une certaine carence en représentations imaginaires chez ces patients, en priorité au refoulement de la « fonction imaginaire » elle-même et non de ses seules représentations. Le remarquable de ce témoignage est que l’interprétation « psychosomatique » du cancer est toute entière édifiée par le malade lui-même, avec ses mots à lui, indépendamment -ou presque- de tout « psychologisme » convenu. La plupart des chercheurs qui travaillent aux questions touchant l’approche psychosomatique se « servent » d’ailleurs de ce témoignage étonnant ; ils le font dans le sens d’une mise à l’épreuve de leurs propres développement théoriques.
F.B.Michel le citera à l’appui de ses thèses sur la « recherche du sens » dont font preuve la plupart des patients cancéreux. (F.B.Michel, 1987, op.cit.) Guir examinera les signifiants maniés par l’auteur : Zorn=colère, Hals=cou, Tränen=larmes rentrées -c’est à dire le fantasme sur l’origine de sa maladie- etc. (Guir, 1983, op.cit., p.102). Quant à Mazeran et Weber, il ne fait aucun doute pour eux que c’est le cancer seul qui permet à Zorn de « se nommer » tout en conservant les « signifiants majeurs de la filiation » (in Les déclinaisons du corps, une théorie psychanalytique de la somatisation, Hommes et perspectives, Marseille, 1989, op.cit.p.253). Célérier pour sa part, considère ce récit comme une manifestation de la gravité conjointe des atteintes somatiques (le cancer) et psychiques (la psychose), (Célérier, 1989, op.cit., p.155).
Sami-Ali enfin, on l’a vu, propose de donner à ce témoignage, valeur de paradigme concernant son modèle multidimensionnel de la somatisation (Sami-Ali, 1987, p.17) Nous avions quant à nous, fait référence à l’expérience décrite par Zorn afin d’éclairer dans un précédent travail, les liens existant entre psychosomatique et sentiment d’inquiétante étrangeté (Keller P-H., 1991, Inquiétante étrangeté : lecture du texte de Freud et psychosomatique, Les Nouvelles études Psychologiques, Bordeaux, Tome V, pp. 86-98). NB. En dernière analyse, il nous paraît nécessaire de rappeler qu’il s’agit là d’un témoignage livré « hors-transfert ».
Si la nature d’ensemble de l’organisation humaine est psychosomatique, seul ce dysfonctionnement particulier est susceptible d’engendrer des phénomènes de « somatisation ». L' »écroulement » de la fonction onirique évoqué plus haut par Mc Dougall rappelle sans difficulté la modification dont parle Sami-Ali à propos de la fonction de l’imaginaire: « l’ensemble du fonctionnement psychosomatique (est) axé sur l’imaginaire que sont le rêve et ses équivalents.(…) Le conflit psychique disparaît en même temps que le rêve, laissant au niveau du conscient, un fonctionnement aux prises avec le réel (…). Donc ni névrose, ni psychose, mais des traits de caractère les plus divers qui soient, destinés à contenir le fonctionnement dans la « normalité » tout en créant insidieusement (…) les conditions dynamiques d’une pathologie qui ne saurait être qu’organique » [50] Note 50SAMI-ALI M.(1987), op.cit., p.106.. En effet, selon Sami-Ali, « (…) loin d’être un mécanisme purement psychologique, (la projection) s’accompagne d’un renforcement des défenses immunologiques, lesquelles inversement s’affaiblissent lorsque s’atténuent les manifestations projectives » [51] Note 51SAMI-ALI M.(1987), op.cit. p.51. . A la recherche d’une « appréhension en sa totalité (souligné par nous) du phénomène psychosomatique (…) » Sami-Ali est conduit à proposer une interprétation de ce qui régit le champs entier de la psychosomatique, dans une double corrélation positive et négative: « a/ Une corrélation positive entre projection et somatisation, donnant lieu, dans la conversion hystérique, à une psychopathologie par excès de l’imaginaire. b/ Une corrélation négative entre projection et somatisation, aboutissant à une pathologie somatique non conversionnelle par défaut de l’imaginaire » [52] Note 52SAMI-ALI M.(1987), op.cit. p.16.. Ce qui nous intéresse ici est bien sûr la réaffirmation d’une formule de « défection » psychique comme cause de la désorganisation somatique. Les retentissements d’une telle formulation touchent nécessairement aux repères de la nosographie psychopathologique, puisque le « projectif » (y compris l’activité délirante paranoïaque) est en « corrélation négative » avec la somatisation. Autrement dit, non seulement le délire n’est pas considéré comme « symptôme » -du point de vue psychopathologique-, mais à l’opposé, il se présente comme rempart contre l’atteinte organique (y compris la plus destructrice). Si pour Sami-Ali, « guérir » le délire peut « laisser la place à un cancer » [53] Note 53SAMI-ALI M.(1987), op.cit.p.107., entreprendre la « guérison » d’un phénomène psychosomatique, équivaudrait-il au risque de faire apparaître un délire? En résumé, et à la lumière de ce que nous avons appelé par ailleurs l' »utopie théorique » [54] Note 54KELLER P-H.(1994), Approche clinique en psychosomatique : une tentative d’opérationnalisation, Thèse pour le Doctorat de Psychologie. -i.e. disposer d’un modèle théorique unique du fonctionnement psychosomatique-, il apparaît que la recherche en psychosomatique qui se développe depuis des années est loin d’avoir finalement atteint le but qu’elle s’était fixé, et qu’il est peut-être préférable dans un premier temps, de réfléchir aux vertus du retour à un dualisme plus approprié, et plus clairement accepté, comme l’a récemment suggéré Dejours : »Je plaiderai plutôt pour un dualisme que pour un monisme, un dualisme que je qualifierai d' »immanent », puisque l’identité se construit entre l’intersubjectivité, d’un côté et la subjectivité de l’autre » [55] Note 55DEJOURS C., FEDIDA P. et coll.(1994), Somatisation psychanalyse et sciences du vivant, Eshel, Paris..
LES PERSPECTIVES
1) DUALISME METHODOLOGIQUE
Au terme de cette analyse portant sur les principaux fondements épistémologiques de la théorisation en psychosomatique, il paraît nécessaire de s’interroger sur les retentissements de ces points de butée, auxquels s’est successivement heurtée chacune de ces constructions théoriques. Sommés de produire des « résultats » -dont la nature même reste à déterminer : psychologiques ? somatiques ?-, les initiateurs de ces recherches théoriques se voient alternativement désapprouvés à l’intérieur de l’un ou l’autre des champs dont ils se présentent comme l’interface obligé. Nous avons vu que le point décisif sur lequel semble porter le malentendu concerne l’inférence causale.
Le domaine de l’approche psychosomatique paraît condamner ses chercheurs à de répétitives impasses aporétiques : du psychisme ou de l’édifice biologique humains, lequel des deux pourrait être « scientifiquement » désigné comme étant cause du déséquilibre de l’autre ? Pour le chercheur comme pour le praticien en psychosomatique, il pourrait donc apparaître sage (sinon nécessaire) de s’en tenir à un seul ordre de phénomènes, soit somatique, soit psychique. Car, en fin de compte, ne pourrait-on considérer comme seul véritable « psychosomaticien »… le malade lui-même ? Entre le monisme totalisant et le dualisme réducteur, on peut aussi s’appuyer sur un dualisme lucide, fondé avant tout sur la rigueur d’une démarche scientifique. Du point de vue psychologique, il s’agirait alors moins d’isoler un « facteur psychologique » (sur le modèle médical des différents facteurs biologiques : hormonal, neurologique, immunitaire ou autre), que de « localiser » des « processus psychiques » ou un « fonctionnement mental » précis. La spécificité de ces processus appartiendrait par conséquent moins à une catégorie de personnes dits « psychosomatiques » [56] Note 56« Psychosomatique » perdrait ainsi sa valeur « diagnostique » au profit d’une valeur heuristique, qui pourrait bénéficier simultanément au patient et au praticien, dans le cadre d’une démarche commune nommée « approche psychosomatique », KELLER P-H.(1992) op.cit.>, qu’à un ensemble de patients éprouvant une souffrance corporelle voisine dans un registre psychique identique. L’examen attentif et détaillé de ce fonctionnement mental complexe permettrait alors de comprendre comment, pour chaque personne singulièrement, il est ou non possible de modifier les « représentations » d’une souffrance que partagent entre elles d’autres personnes. Des travaux commencent à rendre compte de la façon dont ces modifications peuvent intervenir, en étudiant ce que nous avons appelé un « fonctionnement mental à deux » [57] Note 57DUCOUSSO-LACAZE A. & KELLER P-H.(1995), Maladie, métaphore et analogie : une approche clinique et théorique, (à paraître). . Le sens de ces modifications paraît s’effectuer alors du plan des représentations issues du modèle médical (la pensée logique avant tout) au plan des représentations propres du sujet (principalement issues de mécanismes de pensée irrationnels et subjectifs). C’est le passage de l’expression d’une modalité représentationnelle à une autre qui permet alors l’accès à une représentation véritablement individualisée, autorisant une « gestion » de la maladie plus conforme, d’un côté aux intérêts du malade, sans pour autant sacrifier de l’autre les impératifs scientifiques de la médecine.
2) CONDITIONS D’UNE APPROCHE PSYCHOSOMATIQUE
Penser un phénomène (pathologique de surcroît) dont son propre corps est le siège demande de nombreux remaniements psychiques (explorés depuis longtemps par la psychanalyse, grâce aux concepts de pulsion, d’étayage, etc.). Afin d’étudier ces remaniements lors de l’apparition d’une maladie, il convient d’effectuer un suivi de la personne, durant le temps nécessaire à leur mise en place (en mois ou en années). En cela, les travaux dont nous avons fait état ici ont largement contribué à établir l’importance de cette première condition d’une véritable approche psychosomatique. La cure analytique en particulier a fait la démonstration du rôle que peut prendre l’investissement transférentiel dans la mise à jour de mécanismes de pensée touchant au corps. C’est là que réside la deuxième condition de l’approche psychosomatique. En effet, à trop négliger cette question de la relation intersubjective, on prend le risque de considérer comme phénomène de la nature, ce qui peut très bien n’être que le reflet du dispositif même de l’observation. La découverte par exemple, de la notion d’alexythimie par Sifneos (cf.plus haut) suivie de ses excessives extrapolations [58] Note 58PEDINIELLI J.L.(1992) op.cit. , rappelle l’importance du dispositif lui-même dans le surgissement des phénomènes que nous étudions en psychosomatique. Mais par ailleurs, à trop élargir la question du « relationnel », on prend le risque de débordements imaginaires, tels ces psychanalystes qui ont cru pouvoir métamorphoser un transfert mal conduit en risque pathogène, voire létal, comparable à celui des agents pathogènes originels. En dernier ressort, la métapsychologie demeure pour l’instant le seul corpus théorique de référence qui permette, avec une pertinence véritable, d’intégrer cette question du « relationnel » à la pratique clinique en recherche psychosomatique; autrement dit, auprès de personnes qui ne sont paradoxalement en demande, ni d’une psychothérapie, ni à fortiori d’une cure analytique. La troisième condition nécessaire à l’approche dont nous avons décrit les principaux aspects, consiste à examiner du point de vue épistémologique, le problème que pose l’aspect défectologique des théories psychosomatiques (en tous cas tel que nous l’avons présenté ici). Il s’agit du point le plus épineux que nous ayons à explorer maintenant. En effet, l’hypothèse d’un phénomène psychosomatique surgissant selon le modèle de la causalité médicale (quelque chose ne « marche pas » dans le fonctionnement psychique) a principalement conduit jusqu’à maintenant à l’élaboration de théories « en creux », visant à décrire la fragilité, voire l' »infirmité » de certaines fonctions ou instances de l’appareil psychique : l’imaginaire pour Sami-Ali, le préconscient pour Marty, le symbolique pour Guir, l’affect pour Célérier ou Mc Dougall, etc. On ne peut bien sûr réduire ces théories à cette seule dimension. Mais celle-ci révèle tout particulièrement l’attachement de leurs auteurs à la modélisation médicale, y compris dans l’abord du fonctionnement psychique. Bien que ces théories nous aient fournis les appuis essentiels qui nous ont permis jusqu’à lors de penser les phénomènes psychosomatiques, elles ne peuvent dissimuler pour autant leurs limites actuelles. Le parcours est cependant loin d’être accompli, entre ce que nous venons de décrire -les fondations essentielles d’une pensée sur les dispositions unissant un univers psychique à un édifice somatique- et l’aboutissement d’une théorie qui éclairerait l’ensemble des phénomènes en question. Sur ce chemin difficile, une avancée significative semble malgré tout se dessiner. En effet, certaines notions telles que « travail de la maladie » ou « maladie-du-malade » de Pedinielli [59] Note 59PEDINIELLI J.L.(1993), Psychopathologie du somatique : « La-maladie-du-malade », Cliniques Méditerranéennes, 37/38, pp.121-137. , celles d' »historicisation » de Bertagne [60] Note 60BERTAGNE P.(1990), Historisation du somatique, Psychologie Clinique, 4, pp.117-129. ou de « réappropriation subjective » de Gori et Del Volgo [61] Note 61DEL VOLGO M-J. & GORI R.(1991), Contribution de la psychopathologie clinique à la restitution de la fonction éthique de la maladie et du soin, Cliniques Méditerranéennes, 31/32 :7-49., suggèrent la possibilité d’émergence d’une théorisation « en plein », du moment psychique accompagnant le désordre somatique. Selon ces différents auteurs, la maladie somatique est envisagée moins comme la conséquence d’un « dérèglement » psychique particulier, que comme le moment privilégié d’une production psychique inédite, singulière. Dans un même ordre d’idée, nous proposons de réexaminer un point qui a toujours été régulièrement validé du point de vue de la clinique psychosomatique, et de l’inscrire dans un registre de signification différent. La plupart des travaux sérieux en font régulièrement état : les personnes rencontrées en psychosomatique évoquent régulièrement des événements de leur vie tels que ruptures, deuils ou séparations. A la lumière de la réflexion d’ensemble présentée ici, nous avons choisi d’étudier ces « contenus » sous un aspect différent de celui d’événements réels de vie (ce à quoi s’intéressent en revanche les échelles américaines sous le terme « Life events »). Nous suggérons a contrario que c’est l’étude de leur dimension métaphorique en elle-même, qui permet de décrire avec précision, la nature particulière des représentations mobilisées lors d’une demande adressée au système de soins. Les mécanismes mentaux, supports de ces représentations, font également l’objet de ce travail d’analyse. L’exploration de la dimension métaphorique de ce point du discours nous met sur la voie d’un déchiffrement différent du travail psychique, tel qu’il apparaît en consultation d’approche psychosomatique, simultanément pour les deux participants de cette consultation, patient et praticien. Les travaux entrepris par les principaux courants de recherche en psychosomatique font déjà appel à ce déchiffrement d’un contenu latent voilé par le contenu manifeste d’un discours. En revanche, peu de recherches portent sur les caractéristiques même des processus mentaux engagés dans ce travail psychique, par les deux partenaires de la relation thérapeutique. Ainsi avons-nous commencé à étudier en détail le « fonctionnement mental analogique » tel qu’il se manifeste dans la dynamique de ce type de consultation [62] Note 62DUCOUSSO-LACAZE A. & KELLER P-H.(1995) op.cit. . Nous avons pu montrer en particulier que l’analogie corps/psychisme y représente l’une des caractéristiques importantes de la communication. Le « partage » implicite de cette analogie entre les deux protagonistes semble autoriser à lui seul l’échange véritable au cours de la rencontre (ce que nous appelions plus haut « fonctionnement mental à deux »). Notre propos n’est pas de décrire ici le détail de ces recherches, où le raisonnement analogique apparaît comme facteur déterminant, à l’intérieur même des liens sémantiques qui unissent vie corporelle et vie psychique. Mais en travaillant dans cette direction, on sait que la distinction peut se réaffirmer clairement entre, d’un côté les perspectives comportementales étudiées outre-atlantique dans le champ de la santé, et de l’autre les perspectives véritablement métapsychologiques d’approche psychosomatique d’où, ni le transfert, ni les mécanismes inconscients de la pensée ne sont absents. Que ces perspectives-là œuvrent de surcroît dans un souci éthique, apparaît aujourd’hui moins comme un luxe que comme une nécessité, la « prise en compte de la vie psychique des malades » étant devenue depuis peu un impératif inscrit dans la loi [63] Note 63J.O. du 30/04/91..
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Notes
- [1]↑– KAMIENIECKI H.(1994), Histoire de la psychosomatique, Que sais-je ?, P.U.F., Paris.
- [2]↑– BOURGEOIS M. (1989), La médecine dite psychosomatique et ses mythes, Ann. Médico-Psychol., 47, 311-317.
- [3]↑– MICHEL F.B., GAZAIX P.(1987), Pour en finir avec les maladies psychosomatiques, Albin Michel, Paris.
- [4]↑– KELLER P-H. et al.(1994), Maladie de Crohn, principes d’une approche singulière, E.M.C., Instantanés Médicaux, fév. 1994, Vol. 65-1.
- [5]↑– SELYE H.(1956), Le Stress de la vie, Gallimard, Paris.
- [6]↑– BRUCHON-SCHWEITZER, DANTZER et al. (1994), Introduction à la psychologie de la santé, P.U.F., Paris.
- [7]↑– ENGEL G.L.(1961), Biologic and psychologic fealure of the ulcerative patient, Gastroenterology, 40 :313, 1961.
- [8]↑– CONTRADA et al. (1990), Personality and health, in Handbook of personality : theory an research, edited by L.A. Pervin, New york, Guilford Press, pp. 638-669.
- [9]↑– GOODALL G.(1994), Vers un modèle biopsychosocial de la maladie, in, Introduction à la psychologie de la santé, pp.183-210, P.U.F., Paris.
- [10]↑– KELLER P-H.(1992), Le rat et la psychosomatique, L’information psychiatrique, n° 7, pp. 725-730.
- [11]↑– FREUD S. (1900), L’interprétation des Rêves, P.U.F, 1967.
- [12]↑– ALEXANDER F. FRENCH T. & POLLOCK G.H.(1968), Psychosomatic specificity, Experimental Study and result, Univ. Chicago Press, Chicago/London.
- [13]↑– SIFNEOS P.E.(1973), The prevalence of « alexythmie » characteristics in psychosomatic patients, Psychotherapy psychosomatic, 22,255-262.
- [14]↑– PEDINIELLI J.L.(1992), Psychosomatique et alexithymie, col. « Nodules », P.U.F., Paris.
- [15]↑– NEMIAH J.C.(1977), Alexithymia, theorical considerations, Psychotherapy psychosomatic, 28, 199-206.
- [16]↑– MARTY P., de M’UZAN M. et DAVID C.(1963), L’investigation psychosomatique, P.U.F., Paris.
- [17]↑– op.cit. p.256.
- [18]↑– op. cit. p.257.
- [19]↑– op.cit. p.259.
- [20]↑– MARTY P.(1984), Des processus de somatisation, in FAIN & DEJOURS, Corps malade, corps érotique, Masson, Paris.
- [21]↑– MARTY P.(1980), L’ordre psychosomatique, Payot, Paris.
- [22]↑– Op. cit. p. 94.
- [23]↑– KAMIENIECKI H.(1994), op.cit. p.67.
- [24]↑– Op.cit. (1963), p. 261.
- [25]↑– MARTY P.(1988), Dispositions mentales de la première enfance et cancers de l’âge adulte, in Psychothérapies, Genève, n° 4, 177-182.
- [26]↑– Op.cit.(1980), p.59.
- [27]↑– Op.cit.(1980) p.59.
- [28]↑– Marty suppose en effet que « le patient opératoire survit davantage qu’il ne vit » ou bien que « le sujet en état de vie opératoire suggère souvent l’image d’un mort vivant ». Op. cit (1980), (p.95 et p.99).
- [29]↑– DEJOURS C., MARTY P., HERZBERG-POLONIECKA R.(1980), Les questions théoriques en psychosomatique, Encycl. Méd. Chir., Psychiatrie, Paris, 37400, C 10, 07/1980.
- [30]↑– DEJOURS C.(1989), Recherches psychanalytiques sur le corps, Payot, Paris.
- [31]↑– Op. cit.
- [32]↑– LACAN J.(1975), « Le symptôme », conférence à Genève, le Bloc-note de la psychanalyse, n°5, Genève, Atars, 1985.
- [33]↑– GUIR J.(1986), PPS et fonction paternelle, in Le phénomène psychosomatique et la psychanalyse, Analytica, Navarin, Paris, pp. 57-71.
- [34]↑– GUIR J.(1983), Psychosomatique et cancer, Point hors ligne, Paris, .p.152.
- [35]↑– GUIR J.(1983), op.cit.p.18.
- [36]↑– LAURENT E.(1986), Les noms du sujet, in Le phénomène psychosomatique et la psychanalyse, Analytica, Navarin, Paris, p.33.
- [37]↑– SCHMOLL P.(1982), Processus identificatoire et somatisation, éléments pour une théorie des PPS, Revue de Médecine psychosomatique, T.24, n°1, pp.15-32.
- [38]↑– GUIR J. (1983), op.cit. p.154.
- [39]↑– Voir par exemple comment la notion d' »holophrase », introduite par Guir -à la suite de Lacan- dans le champ de la psychosomatique, renvoie d’une part à ce nouage du corporel et du prélinguistique, et d’autre part à l’affectif et au relationnel (Guir, 1983, p.149) ; cette notion a été intégrée à d’autre recherches « lacaniennes », comme celle de Mazeran et Olindo-Weber, portant sur le concept de « somatisation-limite ».
- [40]↑– MC DOUGALL J.(1989), Théâtre du corps, Gallimard, Paris, p.34.
- [41]↑– Op.cit. p.60.
- [42]↑– CELERIER M.C.(1989), Corps et fantasmes. Pathologie du somatique, Dunod, Paris, p.47.
- [43]↑– Op.cit. p.3.
- [44]↑– Op.cit. p.89.
- [45]↑– Op.cit.p.41.
- [46]↑– MCDOUGALL J.(1986), Corps et histoire, Ed. Les Belles Lettres, Paris, pp. 9-43.
- [47]↑– SAMI-ALI M.(1987), Penser le somatique, imaginaire et pathologie, Bordas, Paris.
- [48]↑– SAMI-ALI M.(1987), op.cit., p.17.
- [49]↑– ZORN F.(1979), Mars, Gallimard, Folio, Paris.
- [50]↑– SAMI-ALI M.(1987), op.cit., p.106.
- [51]↑– SAMI-ALI M.(1987), op.cit. p.51.
- [52]↑– SAMI-ALI M.(1987), op.cit. p.16.
- [53]↑– SAMI-ALI M.(1987), op.cit.p.107.
- [54]↑– KELLER P-H.(1994), Approche clinique en psychosomatique : une tentative d’opérationnalisation, Thèse pour le Doctorat de Psychologie.
- [55]↑– DEJOURS C., FEDIDA P. et coll.(1994), Somatisation psychanalyse et sciences du vivant, Eshel, Paris.
- [56]↑– « Psychosomatique » perdrait ainsi sa valeur « diagnostique » au profit d’une valeur heuristique, qui pourrait bénéficier simultanément au patient et au praticien, dans le cadre d’une démarche commune nommée « approche psychosomatique », KELLER P-H.(1992) op.cit.
- [57]↑– DUCOUSSO-LACAZE A. & KELLER P-H.(1995), Maladie, métaphore et analogie : une approche clinique et théorique, (à paraître).
- [58]↑– PEDINIELLI J.L.(1992) op.cit.
- [59]↑– PEDINIELLI J.L.(1993), Psychopathologie du somatique : « La-maladie-du-malade », Cliniques Méditerranéennes, 37/38, pp.121-137.
- [60]↑– BERTAGNE P.(1990), Historisation du somatique, Psychologie Clinique, 4, pp.117-129.
- [61]↑– DEL VOLGO M-J. & GORI R.(1991), Contribution de la psychopathologie clinique à la restitution de la fonction éthique de la maladie et du soin, Cliniques Méditerranéennes, 31/32 :7-49.
- [62]↑– DUCOUSSO-LACAZE A. & KELLER P-H.(1995) op.cit.
- [63]↑– J.O. du 30/04/91.
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Résumé :
Les modèles théoriques en psychosomatique ont été élaborés pour l’essentiel grâce à des recherches entreprises à l’intérieur du corpus métapsychologique freudien. La mise en oeuvre de ces recherches s’est néanmoins développée sur des fondements épistémologiques parfois « importés » d’un champs de savoir différent. L’auteur avance en particulier que dans ce contexte, l’inférence causale, issue d’une logique propre au champ de la médecine, après avoir dans un premier temps aiguillonné la recherche en psychosomatique, place aujourd’hui celle-ci dans une sorte d’impasse méthodologique. Il suggère quelques pistes de réflexion, permettant d’aborder différemment la question de l’approche psychosomatique.
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Mots clés :
Théories psychosomatiques, épistémologie, psychanalyse, causalité. Modification du 02/10/y