Handicap psychique
Le handicap psychique, domaine de définition et enjeux de soin
Pour citer cet article :
Leplege A., Bruneau G., Boudvin J. (2015). « Le handicap dit psychique. Enjeux conceptuels et enjeux de soins », Perspectives Psy, 54, 4, 296-308.
En France, on estime qu’il y a environ 600 000 personnes schizophrènes, 700 000 personnes avec troubles bipolaires et, pour information 50 à 80 000 personnes avec autisme (Études et Résultats, no 231 ; Plan Psychiatrie et Santé Mentale, 2011-2015). Les maladies psychiatriques qui affectent ces personnes se caractérisent par leur gravité, leur instabilité et leur variabilité symptomatique, leur chronicité avec une perte d’autonomie variable, une évolution lentement favorable voire une stabilisation fragile, une morbidité somatique associée importante et une espérance de vie plus courte (Fagiolini et Goracci, 2009).
Ces maladies sont souvent associées à des troubles du comportement et de nombreuses et variables incapacités communicationnelles et sociales. Le caractère « invisible » des causes de ces troubles fonctionnels contrairement aux déficiences motrices, favorise les malentendus et les interprétations erronées. Par exemple, on est tenté d’en réduire ses manifestations à de simples troubles du caractère (Escaig, 2009). Ceci explique que les personnes souffrant de maladies psychiatriques font l’objet d’une forte stigmatisation et d’exclusions sociales qui constituent le handicap psychique.
Les sujets en situation de handicap psychique ont donc besoin de traitements médicaux et de soins mais aussi d’aides de vie et d’accompagnements. La nécessité de cette conjonction traitements/soins/aides de vie dans le domaine de la santé mentale et du handicap psychique est établie – et répétée – depuis longtemps. La difficulté de la mise en œuvre de cette conjonction est également bien documentée (IGAS, 2011 ; CNCPH, 2010 ; Jacob, 2012, etc.).
La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui reconnaît les situations de handicap liées à la maladie psychique constitue une avancée importante.
Parallèlement à l’avènement de cette loi, on assiste actuellement, avec l’accentuation du mouvement de désinstitutionalisation, au déplacement de personnes atteintes de maladies psychiques du secteur sanitaire vers les secteurs médico-social et social. Ceci tend à bouleverser les modalités d’accueil et de prise en charge et oblige notamment à repenser la mise en œuvre des soins (somatiques, psychiatriques et psycho-éducatifs) pour un accompagnement optimal de ces personnes. En effet, dans le secteur médico-social la place du soin et des soignants est réduite et mal définie, et les besoins en soin de ces personnes y sont donc sous-estimés. Ceci s’explique par le fait que le secteur médico-social s’est surtout construit autour des problématiques de retard mental (environ 50 000 personnes), moins marqués par la variabilité symptomatique et comportementale même si le dépistage des comorbidités somatiques se posent tout autant, et n’est pas préparé structurellement et culturellement à accueillir des personnes souffrant de troubles psychiatriques.
Selon les termes de Botta et al. (2007) : « avec la reconnaissance légale du handicap psychique, la demande va être forte sur les réponses sociales et médico-sociales, existantes ou à inventer, et il faudra soigneusement les articuler en “aval” et en “amont” du dispositif sanitaire. Ces réponses sont d’autant plus à inventer qu’elles permettront de lever le cloisonnement entre les dispositifs et entre les intervenants, tant la labilité des parcours des personnes handicapées par la maladie mentale oblige à un réglage permanent du soin, de l’hébergement, de la formation, de l’insertion professionnelle, dans un projet d’accompagnement en mouvement permanent. L’urgence de réponses appropriées aux besoins spécifiques des personnes handicapées psychiques a obligé les acteurs associatifs, les professionnels et les décideurs à s’entendre rapidement sur des bases partagées de “bonnes pratiques” ».
Ces perspectives posent de nombreux problèmes conceptuels et pratiques dont nous abordons un certain nombre dans la suite de cet article. Nous mettons l’accent sur les besoins de soins des personnes en situation de handicap psychique et les réponses qui leur sont proposées.
Enjeux conceptuels
Le syntagme « handicap psychique » n’est pas une invention contemporaine. On en retrouve, par exemple, une utilisation comme titre d’un article du psychiatre Pierre Doussinet en 1966 (Barreyre et Makdessi, 2007). Mais cette expression, absente de la nomenclature internationale (on parle de mental health, voir plus bas), restera peu utilisée dans le champ professionnel jusqu’à la loi de 2005.
En France, les professionnels ont longtemps résisté à l’introduction du vocabulaire du handicap dans le champ de la psychiatrie et de la santé mentale en raison de la méconnaissance des évolutions de la réflexion sur les handicaps stimulées par les Disability Studies, initialement portés par des sociologues.
Rappelons que pour la conception moderne du handicap, qui est dite situationnelle ou sociale, si les sujets sont effectivement affectés individuellement par des incapacités fonctionnelles, par exemple psychiques, les handicaps dont ils souffrent dépendent de la manière dont la société les accepte et les accueille. Comme il est clair que les modalités d’inclusion varient fortement au cours de l’histoire et d’une société à l’autre, il s’ensuit que la variable déterminante de l’intensité du handicap n’est pas individuelle mais sociale ou culturelle.
Comme nous le verrons, cette interprétation contemporaine qui est porteuse de promesse d’amélioration des conditions de vie, voire de qualité de vie, pour les personnes souffrants de troubles psychiques sévères en mettant l’accent sur leur environnement, n’est malheureusement pas suffisamment affirmée par la loi de 2005, pas plus qu’elle n’est impliquée par l’expression handicap psychique.
Jusqu’à très récemment, les professionnels ont continué à penser le handicap dans le cadre de ce que les Disability Studies ont appelé le « modèle médical » du handicap dont une des formes les plus sophistiquées est le modèle de la CIDIH (OMS/WHO, 1980).
Pour ce modèle dit médical, la cause du handicap réside dans les déficiences individuelles qui une fois « consolidées » (c’est-à-dire stabilisées) rendent l’individu inapte, à des degrés divers, à la vie sociale. La problématique du handicap est donc principalement une problématique de réadaptation ou de compensation (cf. par exemple, les règles d’attribution de l’allocation d’adulte handicapé AAH). Ce modèle dit médical du handicap est relativement cohérent dans le cas d’assimilation du handicap à l’ensemble des conséquences sociales de déficiences motrices, sensorielles voire mentale (le retard mental). Il est beaucoup moins pertinent dans le cas de déficiences psychiques associées à des maladies psychiatriques sévères (schizophrénie, autres psychoses, troubles de l’humeur, troubles obsessionnels compulsifs sévères, etc.) dont on ignore la cause des déficiences fonctionnelles observées et qui sont surtout caractérisées par une évolutivité qui pour être souvent chaotique, n’en est pas moins partiellement et lentement globalement favorable. Cette absence de stabilité et ce potentiel évolutif ont pu expliquer la résistance de certains professionnels à l’assimilation de certaines conséquences situationnelles des troubles psychiques à des handicaps.
Ce sont les associations d’usagers de la psychiatrie qui se sont appropriées dans les années 2000 l’expression handicap psychique dans une perspective militante. Pour Anne Dusart (2012) : Cette expression peut être considérée comme une notion de combat, tant elle a été utilisée dans une dimension militante pour faire reconnaître une cause. Ce sont en effet les associations (l’UNAFAM, la FNAPSY, la Fédération des Croix-Marines) qui l’ont employée pour attirer l’attention du public et des politiques sur des situations mal prises en compte, parce que situées dans les interstices du sanitaire, du médico-social et du social, dans des zones liminaires entre maladie, handicap et simple trouble.
Du point de vue juridique, la notion de handicap psychique n’a jamais été définie. La loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 s’est contentée de dire qu’étaient handicapées les personnes désignées comme telles par les commissions ad hoc (les CDES et COTOREP) (Dusart, op. cit.).
Quant à l’article 2 de la Loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, il définit le handicap comme « […] toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive (sic) d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou trouble de santé invalidant ». La loi ne propose donc aucune définition du handicap psychique (pas plus que du handicap mental ou cognitif) mais se contente de lister les différentes fonctions susceptibles d’être incapacités. Parmi celles-ci sont distinguées les « fonctions psychiques » des « fonctions mentales » et des « fonctions cognitives » sans plus de précision. Il est donc erroné d’affirmer que le «handicap psychique » a été officiellement reconnu avec la loi de 2005. La loi de 2005 reste cohérente avec le modèle dit médical dans la mesure où les restrictions de participations subies par la personne handicapée le sont en raison de ses déficiences, par exemple psychique.
De nombreux auteurs ont d’ailleurs déploré que l’expression handicap psychique ne constitue aucunement une rupture par rapport à ce même modèle dit médical puisque le handicap était nommé d’après sa cause principale : la déficience psychique.
Du point de vue scientifique, le fait que la notion de handicap psychique soit une notion à géométrie variable dont il n’existe pas de définition consensuelle, combinée à l’instabilité fondamentale des troubles psychiques pose de nombreux problèmes qui ont fait l’objet d’une analyse par Marie Cuenot et Pascale Roussel (2009). Selon l’expression de ces auteures :
« La difficulté de définition et la défaillance des systèmes statistiques ne permettent pas une comptabilisation puisqu’on a à la fois une non-coïncidence des définitions (CIM, DSM, CIF et enquête Handicap-Incapacité-Dépendance utilisent des catégories différentes), une instabilité des troubles les rendant particulièrement difficiles à saisir et une fragilité des enquêtes déclaratives puisqu’il s’agit de problèmes difficiles à percevoir ou à admettre par l’intéressé lui-même ou par ses proches. ». Il en résulte, toujours selon ces auteures que : « Les variations sont considérables selon qu’on opte pour une définition restrictive ou extensive, qu’on reste sur une définition très liée aux pathologies ou qu’on s’intéresse davantage aux répercussions des troubles… »
De fait, la prévalence du handicap psychique est estimée, suivant les approches, entre 1 et 30%. Malgré son absence de clarté et ses nombreuses ambiguïtés conceptuelles, la notion de handicap psychique est de plus en plus utilisée en France dans de nombreux contextes, administratifs, militants ou encore universitaires : une Chaire Handicap Psychique est financée par la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) au sein de l’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP).
Initialement, l’expression de handicap psychique était réservée aux personnes souffrant de psychoses et ne prenant pas en compte les personnes souffrant d’autres pathologies mentales telles que les démences ou les dépressions sévères.
En 2002, le rapport Charzat : « Pour mieux identifier les difficultés des personnes en situation de handicap du fait de troubles psychiques et les moyens d’améliorer leur vie et celle de leurs proches » donne une extension très large au handicap psychique. Pour les auteurs de ce rapport, le handicap psychique correspond aux situations de handicaps vécues par les personnes souffrant de schizophrénie, de troubles maniaco-dépressifs, de troubles obsessionnels et compulsifs graves, d’autisme et de syndromes autistiques, de syndromes frontaux, de séquelles de traumatisme crânien, de lésions cérébrales, de la maladie d’Alzheimer et autres démences liées ou non à l’âge. Ce qui importe par delà les différences cliniques, ce sont donc les conséquences sociales des troubles psychiques.
L’Unafam est une des associations qui a le plus milité pour la reconnaissance du handicap psychique et qui a directement influencé la rédaction de la loi de 2005. Voici comment elle définit le handicap psychique sur son site : « Le handicap psychique est la conséquence de diverses maladies : les psychoses, et en particulier la schizophrénie, le trouble bipolaire, les troubles graves de la personnalité (personnalité borderline, par exemple), certains troubles névrotiques graves comme les TOC (troubles obsessionnels compulsifs), l’autisme et les troubles du spectre autistique, parfois aussi des pathologies comme les traumatismes crâniens, les pathologies vasculaires cérébrales et les maladies neuro-dégénératives. » Cette définition ressemble effectivement à celle qui est implicite dans la loi de 2005 à l’exception de la mention des troubles autistiques qui, pour la loi et les associations de familles et de personnes concernées, semblent plutôt pointer vers la catégorie du handicap cognitif.
Pour conclure cette revue des enjeux conceptuels de la notion de « handicap psychique », nous noterons qu’une fois n’est pas coutume, cette expression n’est pas la traduction plus ou moins adroite d’une notion anglo-saxonne clairement conceptualisée (comme celle de « self help group » par Groupe d’Entraide Mutuelle), mais une « invention française » qui pose des problèmes conceptuels comme nous venons de le voir, dont il n’existe pas de traduction simple dans les autres langues, et qui n’apparait pas en tant que tel dans la nomenclature de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la Classification Internationale du Fonctionnement (CIF; Service documentation MSSH/EHESP, 2013).
Bien entendu, les situations, problèmes et réponses sociales ou institutionnelles qui sont impliqués par la notion de handicap psychique sont présents à des degrés divers, dans tous les pays, mais ils ne sont pas rapportés à une expression unique.
Dans la littérature de langue anglaise, les articles traitant des dispositifs de prise en charge du handicap psychique peuvent indiquer dans leurs mots clefs des expressions comme par exemple « mental health », « psychiatric disability », « disability and mental disorder », etc.
Enjeux de soins
Nous l’avons dit, les personnes en situation de handicap dit psychique sont affectées par des maladies psychiatriques sévères et chroniques susceptibles d’évoluer de manière imprévisible. À ce titre, outre les aides de vie que la compensation de leur handicap requiert, elles continuent d’avoir besoin de traitements médicaux et de soins.
Aborder les affections psychiatriques par le prisme du « handicap psychique » va permettre de revisiter des problématiques connues depuis longtemps et mal prises en compte dans le domaine du soin. Cela va également conduire à en poser de nouvelles en rapport avec l’accueil de ces personnes désormais reconnues comme handicapées dans les structures de prise en charge médico-sociales.
Ces besoins de soins font l’objet d’une recommandation spécifique de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) recouvrant l’accompagnement à la santé des personnes avec handicap au sein des établissements médico-sociaux qui en aborde tous les aspects.
L’accompagnement de ces soins s’articule autour de trois axes qui témoignent de la spécificité de l’intrication entre maladie psychiatrique et handicap dit psychique : La continuité des soins veille à l’absence de rupture au sein du parcours de soins et du plan de soins personnalisé; la permanence des soins s’inscrit dans une organisation territoriale et s’appuie sur un maillage sanitaire pour coordonner une prise en charge médicale sans délai préjudiciable. La cohérence des soins donne le sens de la démarche interdisciplinaire engagé en lien avec les besoins de la personne et avec les recommandations des organismes experts (par exemple ANESM, HAS). Le maillon essentiel en est la coordination des soins. Ces axes permettent d’englober les dimensions thérapeutiques, de suivi et de prévention d’une part, mais aussi les attentes de la personne accompagnée.
Quels sont les besoins de soins de ces personnes ? Quelles difficultés gênent l’accès de ces personnes à des réponses optimales à leurs besoins ?
Une spécificité de l’accompagnement du handicap psychique est de requérir des compétences soignantes centrées sur les déficiences de la personne comme sur la maladie. Les soins aux personnes en situation de handicap dit psychique peuvent s’aborder sous plusieurs angles.
Le premier angle fait classiquement référence à l’approche médicale qui recouvre les composantes psychiatriques et somatiques de la maladie. Le deuxième angle d’approche distingue les aspects du soin qui sont liés à la maladie (Cure) et qui sont assurés par les professionnels de santé, des aspects du soin qui sont liés au handicap (Care) et qui sont une composante transversale de l’action de « Prendre soin ».
Ceci implique une dualité d’approche : la prise en charge psychiatrique spécialisée assurée par le secteur psychiatrique d’une part, et d’autre part la prise en charge somatique et psycho-sociale qui requiert une approche globale et coordonnée à laquelle contribuent les Établissements Sociaux et Médico-Sociaux (ESMS).
Les besoins de soins somatiques des personnes en situation de handicap dit psychique
Dans un article de synthèse, le Dr Saravane (2014) rappelle que les personnes en situation de handicap psychique présentent de nombreuses spécificités qui impactent fortement leurs besoins de soins. Une personne schizophrène a une espérance de vie diminuée de dix à vingt-cinq ans. Cette surmortalité touche également les personnes avec troubles bipolaires.
La littérature identifie deux principales causes somatiques de décès : les maladies cardio-vasculaires et les anomalies métaboliques. Le Dr Saravane cite plusieurs facteurs de risque : environnement défavorable, conduites addictives, surcharge pondérale et sédentarité.
Mais surtout les maladies psychiatriques sévères nécessitent souvent la prescription au long cours de plusieurs psychotropes dont les conséquences bien décrites sont la survenue quasi systématique d’effets secondaires et indésirables graves. Quant aux comorbidités déjà citées, elles justifient la prescription d’autres traitements qui interagissent avec les psychotropes et en complexifient la prescription conjointe.
Enjeu de soins majeur, le vieillissement prématuré des personnes avec handicap expose à une morbidité précoce et accrue. La prise en compte du vieillissement requiert une attention particulière sur trois points particuliers : majoration des signes déficitaires des personnes avec psychose se manifestant par des signes d’altération cognitive et une perte de capacités, risque de polymédication et surtout de surdosage des traitements médicamenteux. À ces explications de la fréquence et de la gravité des problèmes de santé somatique des personnes en situation de handicap psychique, il faut y ajouter leur perception de la douleur qui est souvent modifiée ce qui conduit à des diagnostics tardifs et majore les risques de santé.
Au-delà des prescriptions médicamenteuses, les sujets bénéficient de toute une palette de thérapies non médicamenteuses qui sont dispensées par des professionnels de santé (paramédicaux) dont l’action pluridisciplinaire nécessite une cohérence thérapeutique dont nous reparlerons. Répondre à l’ensemble de ces besoins de soin pose de nombreux problèmes pratiques que nous abordons maintenant.
Problèmes gênant l’accès et l’administration optimale des soins
L’évaluation individuelle des besoins en soins
L’évaluation des besoins en soins des personnes en situation de handicap dit psychique n’est pas une chose aisée pour plusieurs raisons. Leur affection psychique ne leur permet pas toujours d’identifier ou d’énoncer clairement leur mal-être, qu’il soit somatique ou psychique (les maladies psychiques se caractérisent notamment par une perception déformée de la réalité, des troubles de l’expression, des troubles émotionnels).
Deuxième raison, les professionnels qui les accompagnent ont des difficultés à repérer voire à identifier clairement leur mal-être somatique ou psychique, d’autant plus dans les établissements médico-sociaux de culture plutôt sociale et éducative. L’évaluation des besoins des personnes avec handicap dit psychique nécessite des soignants habitués à répondre aux demandes, une posture plus orientée au questionnement de celles-ci.
Dans les structures d’accompagnement médico-social, cette évaluation des besoins en soins, somatiques ou psychiques, reste encore davantage problématique et ce pour principalement trois raisons : l’accompagnement pour les aides au quotidien et éducatif prime culturellement et par conséquent quantitativement sur le soin (professionnels de santé sous-représentés) ; les professionnels dans ces structures ne sont pas suffisamment formés à la psychopathologie, à l’évaluation clinique et à l’accompagnement des personnes avec handicap dit psychique ; les personnels de formation éducative sont formés à une dynamique d’évolution plutôt favorable et d’acquisitions des personnes qu’ils accompagnent. Hors la confrontation au handicap psychique les exposent à la maladie, la dégradation, la souffrance voir la fin de vie pour lesquelles bon nombre d’entre eux n’est pas préparé.
De nombreux rapports français traitent de ces questions :
Le rapport du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH, 2010) met l’accent sur la nécessité de mieux définir et formaliser les besoins en soin des personnes handicapées sans distinction, et de les inscrire dans le « projet de vie » de la personne.
Les outils d’évaluation manquent cruellement (Passerieux); or, l’évaluation est nécessaire non seulement du point de vue des soins mais aussi comme base pour l’attribution de mesures d’aide et de compensation par les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH; Gayton et Boulon, 2009).
Le rapport Vachey pour l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS, 2009). « Handicaps d’origine psychique : une évaluation partagée pour mieux accompagner les parcours des personnes », préconise lui aussi d’aller dans cette direction en réalisant un outil qui rendrait compte des besoins en soins.
L’accès aux soins médicaux (somatiques et psychiatriques)
L’accès aux soins, le suivi médical et l’adaptation des conditions de vie, sont essentiels à la qualité de vie des personnes schizophrènes, toujours menacées de rechutes.
Traditionnellement le soin, en particulier psychique, est peu présent dans les Établissements Sociaux et Médico-Sociaux (ESMS), en raison d’équipes de thérapeutes sous représentée. Si les établissements médicalisés ont malgré tout des ressources et moyens suffisants pour assurer la continuité des soins, il n’en est pas de même pour les établissements non médicalisés. En effet, l’orientation des personnes avec handicap dit psychique se fait préférentiellement sur des critères d’autonomie et peuvent se retrouver par exemple en foyer de vie des personnes relativement valides mais dont le traitement psychiatrique lourd justifierait un accompagnement médicalisé mieux représenté.
On se retrouve confronté à une autre difficulté face au soin somatique de par des difficultés d’évaluation et de forte stigmatisation de cette population, donc de rejet (Azema et al., 2009). Quand la permanence des soins requiert un maillage local, il peut s’avérer difficile de travailler avec des médecins libéraux dont leur connaissance du handicap, leur disponibilité voir leur capacité d’accueil ne leurs permettent pas de répondre aux besoins de soins des personnes avec handicap. Alors que cela n’est pas dans ses missions, le médecin coordinateur de l’établissement se retrouve contraint d’assurer également la mission de médecin traitant. Il faut d’ailleurs noter que, contrairement au médecin coordinateur d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), le statut de médecin coordinateur en ESMS n’existe pas et dès lors l’interprétation de ses missions discutable.
Le Rapport Charzat (2001) préconisait le développement de structures ambulatoires et d’équipes mobiles. Cette recommandation est reprise par le rapport qui suggère d’appliquer le modèle de l’hospitalisation à domicile (HAD) aux ESMS en l’adaptant. Car ce dispositif (HAD) a de nombreux avantages notamment en terme de coordination des professionnels.
Dans son rapport sur l’accès aux soins et à la santé des personnes handicapées, Pascal Jacob (2012) dénonce cette difficulté des personnes handicapées d’accéder aux soins, non seulement à cause des barrières réglementaires qui entretiennent le cloisonnement des secteurs, mais aussi par le phénomène de bed blockers (la réadmission plusieurs fois en urgence de personnes handicapées avec des troubles de santé qui sont évacuées trop tôt de l’hôpital). Dans le même rapport est évoqué le manque de formation des personnels de santé à l’accueil et à la prise en charge d’une personne handicapée. Ses spécificités ne sont abordées qu’en phase de diplôme universitaire (DU) et peu ou pas en formation initiale. Outre l’accueil qui requiert des conditions particulières et souvent le manque d’anamnèse, l’interprétation des signes cliniques d’une maladie intercurrente est perturbée par les altérations de l’autonomie et rend plus difficile l’établissement d’un diagnostic. Spécifique de la prise en charge en établissement médicalisé, le recrutement des professionnels de santé pose de vraies difficultés, en particulier pour les médecins mais aussi pour les professions paramédicales (kinésithérapeute). Il est fréquent d’avoir des ruptures de soins sur ces dernières prises en charge.
Les personnes âgées ayant un handicap psychique ou des troubles apparentés accueillies dans les établissements ont souvent une prise en charge inadéquate. La DRASS et l’ARH ont réalisé une étude destinée à : 1) déterminer le nombre de personnes concernées ainsi que leur localisation ; 2) définir les types de prise en charge complémentaires à développer afin d’éclairer les choix de développement pluriannuels des structures médico-sociales (Godelle et al., 2007).
Le clivage entre secteurs sanitaire, médico-social et social
En France, la question du soin dans la prise en compte globale de la personne handicapée se heurte à un clivage important entre les secteurs sanitaire et le secteur social et médicosocial. Or, le handicap psychique, de par ses besoins en soins et en accompagnement social, se situe à la frontière entre ces deux secteurs et vient spécifiquement interroger leur articulation et leur nécessaire complémentarité (IGAS, 2011).
Le secteur social et médico-social doit prendre en compte les besoins en soins de cette nouvelle population qu’il rencontre massivement (Tourland, 2010) et les services de soins, autant psychiatriques que somatiques, accepter et reconnaître d’autres modalités du « prendre soin » pratiquées dans les ESMS.
Les rapports français rendant compte des dispositifs et politiques mises en œuvre dans le secteur médico-social s’accordent à dire qu’il est nécessaire de travailler par-delà les clivages et de mettre en œuvre une bonne articulation du soin et de l’accompagnement qui ont des ressources complémentaires. Ces deux secteurs ont historiquement des cultures différentes qui vont devoir s’homogénéiser pour une meilleure coordination des réponses, notamment pour les personnes handicapées psychiques qui nécessitent des compétences de l’un et de l’autre (Vachey, 2012).
Gaudillat et al. (2009) rapportent qu’en Côte d’Or, les acteurs de terrain ont développé des structures qui allient une dimension soin et une dimension accompagnement social. Parallèlement, la DRASS, l’ARH de Bourgogne et la DDASS recherchent des solutions pour une meilleure coordination des politiques. Toutefois, sur le terrain des difficultés subsistent.
Problèmes de coordination
Étant donné le déplacement des sujets avec des troubles psychiatriques dans le secteur médico-social tout le monde s’accorde sur la nécessité de décloisonner et de répondre aux problèmes de coordination. Cette meilleure coordination est avant tout l’assurance de la continuité, de la permanence et de la cohérence du soin, là où les changements de structures, de modes de prise en charge, les accidents de la vie créent des situations de rupture pour une population déjà fragilisée et nécessitant des repères importants et structurés pour un accompagnement de qualité.
À côté de la demande d’engagement des politiques d’aider à la mise en œuvre de cette coordination (création des Agences Régionales de Santé – ARS), les rapports sont unanimes sur l’incitation à la création de partenariats sur une échelle parfois plus locale.
De nombreuses expériences de ce type ont été tentées mais peu d’entre elles ont été évaluées ou encore généralisées, comme la création d’un service d’accompagnement pour malades mentaux stabilisés en partenariat avec un Centre Hospitalier Spécialisé (CHS ; Madiama, 2001); le développement d’un réseau de santé dans l’Isère regroupant familles, soignants, acteurs sociaux et médico-sociaux (Paquet, 2007); ou les services Centre Hospitalier Laborit qui ont développé une plate-forme de services visant à l’accompagnement médicosocial de personnes en situation de handicap psychique (Sassus, 2012).
Cet aspect de coordination de soins se retrouve au sein des établissements médico-sociaux en tant que pierre angulaire du dispositif de soins. Les établissements médicalisés, pourvus de ressources en professionnels de santé en particulier médecin coordinateur voir infirmière coordinatrice, connaissent bien cet aspect essentiel. Le problème se pose au niveau des établissements non médicalisés faiblement dotés en ressources sanitaires (au maximum une infirmière à temps partiel). La coordination est effectuée par les équipes éducatives qui, s’ils tentent d’assurer la continuité des soins dans les limites de leurs compétences, ne sont pas forcément à l’aise dans les partenariats avec les équipes médicales des parcours de soins.
Sur un plan institutionnel, la création de postes de coordination médicale tenus par des médecins est une avancée innovante dans le secteur médico-social. Reconnue par les ARS, cette fonction permet de mieux articuler les deux champs sanitaire et médico-social à travers l’élaboration de conventions et de partenariats ainsi que la participation à des groupes de travail conjoints.
Partage de connaissances et de compétences
Appuyer sur la notion de complémentarité des secteurs sur la question du handicap psychique renvoie à un dialogue indispensable entre les professionnels de santé et de l’accompagnement.
Chacun doit s’imprégner de la culture de l’autre et accéder à certaines de ses connaissances et compétences, car dans le cadre de la prise en compte de la personne dans sa globalité, il est important de connaître toutes les composantes de sa pathologie psychique et de son handicap (cf. étude sur l’objet de ce partage entre infirmières en santé mentale et travailleurs sociaux en charge de personnes présentant une schizophrénie, Macleod et al., 2011); voir également le cas des « milieux ouverts », alternative aux ESMS classiques, qui permet une plus grande souplesse dans l’association des différentes compétences (Loubat et al., 2012).
Le rapport CNCPH (2011) est clair sur ce sujet et préconise même la création d’outils communs, la mutualisation des formations pour renforcer ce dialogue et cette imprégnation des cultures au service de la personne. La tradition de « l’équipe pluridisciplinaire » dans les ESMS doit être élargie et renforcée (préconisation du Rapport Hocquet, 2012) concernant le soin pour les personnes handicapées psychiques pour toutes les raisons exposées précédemment.
Le rapport Jacob (2012) insiste quant – à lui sur les effets positifs de cette complémentarité à la fois dans la prise en compte des besoins de la personne, mais également pour les professionnels qui se trouvent enrichis dans leurs connaissances et valorisés dans leur savoir-faire.
Développement des soins « alternatifs » et complémentaires
Il est admis depuis longtemps que les traitements médicamenteux doivent être associés à d’autres soins et thérapies pour être plus efficaces et plus spécifiques des besoins de la personne. Par-delà les psychothérapies dites « classiques » (psychothérapies de soutien individuel, thérapies familiales, thérapies de remédiation cognitive, etc.) sur lesquelles nous ne reviendrons pas ici, d’autres formes d’accompagnements et de soins sont proposées. Ces autres formes de soin et d’accompagnement ont comme objectif partagé d’améliorer le sentiment d’appartenance sociale des sujets et de lutter contre l’exclusion et la stigmatisation dont ils sont souvent victimes. Une place de plus en plus importante est donnée à ces approches dans les ESMS. Ils y reconnaissent sans doute une forme de soin davantage reliée à leur culture d’inscription sociale de l’individu.
Parmi ceux-ci, les accompagnements à médiation artistiques offrent des perspectives qui semblent intéressantes. L’art est une forme de langage universelle accessible à tous par delà les barrières et les clivages (de langue, de mœurs…) et l’utilisation de l’art auprès de personnes malades psychiques est ancienne. D’une manière générale, les interventions d’arts (plastiques, musique, de la scène) permettent de multiplier les opportunités d’expression émotionnelle et d’interaction sociale qui améliorent la motivation, augmentent la responsabilisation personnelle et soulagent les symptômes négatifs associés à la maladie mentale (Lipe et al., 2012; Apotsos, 2013). Par exemple, la musicothérapie, qui utilise le médium sonore en interaction avec le patient, produit des effets d’aide à la relation, à la communication et à l’expression autre que verbale qui sont intéressant pour des populations présentant des troubles de communication. Elle est particulièrement adaptée aux personnes déficientes mentales ou ayant un handicap psychique (Brouard, 1996).
Les modalités de mise en œuvre de ces médiations artistiques ont longtemps été empiriques, mais elles tendent progressivement à se professionnaliser et à être accessibles à l’évaluation.
La médiation animale est aussi de plus en plus présente dans les ESMS et apporte des ressources thérapeutiques dans l’interaction à l’environnement et la capacité émotionnelle.
Ces objectifs font partie intégrant du projet de vie de la personne. On peut citer l’équithérapie ou la médiation canine avec des chiens guides d’aveugles reconvertis.
La revue de littérature de Mossler (2011) sur les effets de la musicothérapie chez les schizophrènes montre des résultats probants sur les symptômes négatifs, le comportement social et le fonctionnement cognitif. Une étude israélienne sur le théâtre employé auprès de personnes souffrant de troubles mentaux (Moran, 2011) a mis en évidence une amélioration de l’estime de soi, de la capacité d’empathie, d’amusement et des effets relaxants.
Ces résultats sont confirmés par Oestergaard et Møldrup (2011) qui ont publié une revue de littérature systématique des revues de littérature portant sur la contribution des interventions non pharmacologiques comme adjuvant des traitements médicamenteux (antidépresseurs) dans différents pays de l’Union Européenne et d’Amérique (Etats-Unis, Canada, Chili). Il en ressort que les interventions combinant plusieurs approches thérapeutiques ou non (musicothérapie, sport, ergothérapie, etc.) associées aux traitements médicamenteux constituaient les stratégies de soin dont les résultats étaient les meilleurs. Les auteurs notaient également la mauvaise qualité méthodologique générale des études publiées.
L’accompagnement social
Une autre forme de soin est constituée par ce qu’il est convenu d’appeler l’accompagnement social qui a pour but l’inscription des individus dans la communauté humaine (par-delà les problématiques plus formelles de droit et de citoyenneté). Cet accompagnement social participe bien entendu de la politique d’inclusion, mais il peut être également considéré comme un dispositif ayant des effets thérapeutiques.
Par exemple, l’accueil familial thérapeutique, qui consiste à accueillir au sein de son foyer une personne malade psychique en lien avec le secteur psychiatrique, est une pratique ancienne qui a fait ses preuves mais qui reste peu développée selon Helfter (2013) quand bien même, les raisons d’éviter l’hospitalisation sont nombreuses et bien connues (citons la rupture des parcours de vie, la perte de repères nécessaires au bien être des sujets, etc.). Dans la littérature internationale (USA, GB, Canada, Pays-Bas, Danemark), on parle depuis les années 1970 de « traitement communautaire ». Les résultats observés en sont une réduction des hospitalisations, une amélioration de la qualité de vie et du comportement social (Marshall et Lockwood, 1996; Dietrich et al., 2010).
L’accompagnement social est donc bien une aide au soin avec des effets positifs mesurés sur la dépression et les troubles liés à la consommation d’alcool selon la revue de littérature conduite par Van Ginneken et al. (1996) dans plusieurs pays en développement (Chine, Inde, Sri Lanka, etc.).
Une information plus accessible
Dans le rapport « Quels sont les besoins des personnes schizophrènes handicapées » (Charzat, 2001), l’association « Schizo ? Oui ! » demande entre autres que tous les malades soient informés clairement de la maladie et des soins et qu’ils soient formés à gérer la maladie et à reconnaître les signes avant-coureurs d’une rechute. Constatant le rôle important des parents dans l’aide apportée aux malades. « Schizo ? oui ! » demande également que ce rôle, comparable à celui des familles d’accueil, soit officialisé.
De nombreux sites d’informations s’adressent aux personnes vivant avec un handicap psychique ou leurs aidants. Ces sites contribuent à des degrés divers notamment à la coordination des professionnels, à l’éducation thérapeutique et à l’empowerment des personnes. En France, en dehors des sites des grandes associations comme l’UNAFAM, citons le site PSYCOM.
Discussion en guise de conclusion
Limites de cet article
Dans cet article, faute de place, nous n’avons pas discuté la place des médicaments psychotropes, pas plus que nous ne n’avons discuté la place des thérapies classiques (psychothérapies, etc.) ni celle d’approches innovantes comme la remédiation cognitive qui relèvent de la prise en charge médicale ou psychologique mise en œuvre par le secteur sanitaire et qui font l’objet d’une littérature abondante. Nous n’avons pas non plus discuté la place de la réhabilitation psychosociale (Leguay, 2008) quand bien même dans la littérature internationale, comme en France (mais de manière moins explicite), c’est à ce cadre que l’on se réfère en général.
Rappelons que pour la réhabilitation psychosociale, les notions de consommateur de soins psychiques, d’empowerment, de self management et de rétablissement (recovery), sont centrales. Par rétablissement (recovery), on entend le processus ou cheminement personnel par lequel on se remet de la maladie et se réinsère dans la société.
Il nous semble que malgré son intérêt, la réhabilitation psychosociale, comme d’ailleurs le modèle bio-psycho-social de Engel (1977) constitue plus un arrière plan idéologique ou programmatique très général, un cadre conceptuel consensuel destiné à orienter la prise en charge du handicap psychique qu’un dispositif ou un ensemble de pratiques spécifiques proprement dites.
Quoi qu’il en soit, ce modèle suppose un accompagnement à long terme et orienté vers la reprise en main de sa vie par la personne ce qui implique de remettre en cause les pratiques de soins et les prises en charges à propos desquelles tout le mode semble s’accorder.
Dès 2001, le rapport dirigé par M. Charzat auquel ont succédé de nombreux autres rapports déjà cités, identifiait différents axes d’action prioritaires pour conduire ces changements.
Exemple des axes d’action identifiés par le rapport Charzat :
Faire l’inventaire de l’existant et le faire connaître.
Développer une offre de soins de proximité en psychiatrie, articulée avec l’offre sociale et médico-sociale
Mettre en œuvre un plan d’action pour l’accueil et l’accompagnement des personnes handicapées psychiques.
Informer le public.
Former les professionnels.
Aider les associations d’usagers et de familles.
Développer des programmes d’études et de recherches.
Reconnaître et promouvoir le rôle des élus.
Mise en œuvre des mutations institutionnelles
En réponse aux injonctions formulées dans ces rapports où en s’appuyant sur des intuitions prometteuses formulées par des praticiens de terrain, de nombreuses publications ou rapports décrivent des expérimentations de dispositifs innovants de prises en charge ou de coordination de ces prises en charge. Par exemple, plusieurs mémoires de fin d’étude de l’ex École Nationale de la Santé Publique devenue École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP, op. cit.) traitent des mutations institutionnelles induites par la prise en charge des personnes avec handicap psychique dans les établissements médico-sociaux ainsi que de l’accompagnement de ces mutations. Poulain (1999), s’intéresse aux difficultés de collaboration entre l’hôpital psychiatrique et un foyer de vie. Madiama (2001) s’intéresse à la création et au développement d’un service d’accompagnement pour malades mentaux stabilisés dans la banlieue parisienne, en partenariat avec un CHS. Surget (2008) s’intéresse au projet d’extension d’un Foyer d’Accueil Médicalisé pour répondre aux évolutions d’un Centre Hospitalier Spécialisé. Tourland (2010) s’intéresse à l’adaptation d’une maison d’accueil spécialisée (mAs) en direction d’un nouveau public en situation de handicap psychique. Enfin, Mansell (2007) qui présente les différentes stratégies mises en œuvre dans les pays membre de l’Union Européenne pour faire évoluer les institutions et dispositifs de prise en charge des personnes handicapées en matière de soins et de services.
Nécessité d’une recherche de meilleure qualité
Du point de vue de l’évaluation de ces différents dispositifs, la littérature française comporte surtout des descriptions, des retours d’expériences et expose les réflexions suscitées par ces descriptions quand la littérature internationale fait plus souvent appel à des méthodes d’évaluations plus formalisées et scientifiques (Novins et al., 2013).
Malheureusement, d’une façon générale, les résultats de ces expérimentations et études ne permettent pas de conclure sur la pertinence ou non de généraliser ces expérimentation en raison de graves insuffisances méthodologiques.
Le plus souvent nous sommes conduits à faire le même constat que Tungpunkom et al. (2012) dans sa revue de littérature des programmes d’acquisition de compétences nécessaires à la vie courante (Life skill programs) : « À l’heure actuelle aucune preuve suffisamment probante ne permet de démontrer l’efficacité des programmes d’acquisition de compétences nécessaires à la vie courante chez les personnes souffrant de maladies mentales chroniques. Davantage de données fiables sont requises et doivent provenir d’études disposant d’un puissance statistique significative afin de déterminer si la formation à l’acquisition de ces compétences est bénéfique pour le traitement de troubles mentaux chroniques ».
La faiblesse méthodologique de nombreux travaux et ce déficit général de recherches de qualité sont tout à fait préoccupants. Ce qui nous conduit, dans l’esprit du rapport de l’Observatoire national sur la formation, la recherche et l’innovation sur le handicap (ONFRIH, 2011) à réaffirmer l’importance stratégique de la recherche, la nécessité de favoriser l’acquisition d’une véritable culture de recherche notamment dans le secteur médico-social en appuyant les formations sur la recherche : le développement de recherches de qualité est une condition de possibilité de formations de qualité et d’amélioration des pratiques et des soins.
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