De l’agir à l’acte

De l’agir à l’acte : la temporalité dans la compréhension de l’acting out chez l’adolescent.

Ludovic Gadeau MCU Psychopathologie clinique Université-Grenoble-Alpes (UGA) – France
ludovic.gadeau@univ-grenoble-alpes.fr

Pour citer cet article :

Ludovic Gadeau, « De l’agir à l’Acte : la temporalité dans la compréhension de l’acting out chez l’adolescent », Cahiers de psychologie clinique 2016/1 (n° 46), p. 171-189.


Résumé 
:

La souffrance psychique de l’adolescent prend des formes assez diverses, faites de petits signes cliniques à l’intensité variable et évolutive dans le temps. Installée, elle peut se traduire lorsqu’elle n’est pas entendue, par un acting out (absentéisme scolaire, vol, consommation de toxique, etc.) qui sert de point d’appel à la mobilisation des adultes autour des difficultés de l’adolescent. Les dispositifs éducatifs ou thérapeutiques fonctionnent quelquefois comme des réponses à valeur réactionnelle à l’acting et alimentées par lui. La différenciation proposée entre Acte et agir et la prise en compte de la temporalité psychique permettent de repérer le plan intersubjectif auquel les acting out de l’adolescent exigent de se situer pour espérer enrayer leur répétition et contenir les mouvements de destruction qui leur sont souvent associés. La temporalité transitionnelle est une composante essentielle de l’Acte, assise nécessaire aux positions psychiques promulgatrices de Loi symbolique.

Mots-clés :

adolescence, souffrance psychique, temps, temporalité transitionnelle, acte, acting out.

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L‘acting out, comme reconnaissance de la souffrance psychique et interpellation.

Il n’y a pas de définition précise de la souffrance psychique. Souvent même est-elle évoquée sans qu’en soit défini le contenu. Comparée à une atteinte du corps, qui se trouve authentifiée par des appareils de mesure (tensiomètre, radiographie, analyse biologique, etc.), légitimée par un savoir fortement codifié (nosographique, pharmacologique), la souffrance psychique, elle, a un statut bâtard. Elle n’est pas particulièrement visible, elle n’est pas véritablement mesurable. Il n’existe pas d’appareil qui puisse l’authentifier, mais elle peut s’exprimer à travers une diversité d’affects (comme l’angoisse, la  culpabilité, la honte, la tristesse, la colère), une diversité de comportements et de conduites (comme l’auto ou l’hétéroagressivité, la fuite, le vol, l’agitation, le mensonge, les conduites à risque, l’absentéisme scolaire) ou encore une diversité de troubles symptomatiques (comme la dépression, l’inhibition, les troubles alimentaires ou du sommeil, les plaintes psychosomatiques). C’est souvent sur le terrain scolaire que la souffrance psychique trouve à se dire chez l’enfant ou l’adolescent, à plus ou moins bas bruits. Les enseignants et les éducateurs sont alors, après les parents, des intervenants de première ligne.  Au collège et au lycée, on repère en général bien, mais sans nécessairement savoir quoi en faire les fléchissements scolaires, la fatigue excessive, les retards plus ou moins systématiques, l’auto- ou l’hétéroagressivité, l’agitation, l’excitabilité, l’impulsivité, l’isolement, l’opposition au travail, la consommation de tabac, d’alcool, de produits psychotropes, les appels sous forme de confidence dans les productions scolaires, et bien sûr l’absentéisme.

Tous ces signes, plus ou moins saillants, marque d’un malaise passager ou d’une souffrance chronique importante, peuvent avoir pour les professionnels du champ éducatif un caractère déroutant. Ils sont déroutants non seulement parce qu’ils sont labiles et instables dans le temps, dispersés ou formant un tableau protéiforme, mais ils le sont aussi parce que la souffrance dont ils peuvent témoigner est fréquemment récusée par l’adolescent lui-même. Les adultes peuvent avoir du mal à jauger si la souffrance du jeune est importante, si elle nécessite ou non d’intervenir et par quel bout s’y prendre. Souvent, c’est à la suite d’agirs plus ou moins spectaculaires (auto- ou hétéroagressifs), une transgression majeure (dans l’établissement ou à la maison) ou un brutal décrochage scolaire que les adultes, les équipes éducatives se mobilisent et qu’une intervention éducative et/ou thérapeutique se met en place.

Dans ce cadre, l’acting out produit par l’adolescent peut être compris comme une interpellation des adultes, un appel indirect (et insu de l’adolescent) à intervenir. Mais cette intervention est d’autant plus délicate à mener qu’elle risque d’alimenter un paradoxe qui empêche précisément l’adolescent de demander de l’aide ou d’accepter l’aide proposée. On pourrait même dire que, dans un premier temps, si aide il y a, elle se voit le plus souvent récusée par le jeune. Pourquoi ? Parce que l’acting out est à comprendre comme un geste mis en scène, une monstration apparaissant chez les adolescents à des moments essentiels, ceux où ils ont à se faire reconnaître, à trouver une place sociale qui les déloge d’une position infantile, une place qui les soustrait à l’assujettissement infantile aux figures d’autorité, et à la jouissance de l’adulte venant en substitution de la leur (Forget, 2013). On comprend dès lors que devoir faire appel à l’autre pour se faire reconnaître recèle une contradiction. À travers l’acting out ce que le sujet ne peut formuler, il le met en scène. Il montre de lui quelque chose qu’il ne reconnaît pas comme marque de lui-même, qu’il ne saurait assumer comme une part de ce qui le spécifie. Cette mise en scène suppose d’être vu, donc des spectateurs ou des témoins à qui ce quelque chose est montré. Ces témoins (adultes) sont convoqués à une place symbolique, mais ne peuvent le plus souvent la tenir, et doivent même, le plus souvent encore, assumer la charge douloureuse des conséquences concrètes de l’acting out. Ils cherchent alors à réparer ou faire réparer (quelquefois même à effacer) les incidences de l’acting out, mais c’est au prix d’une répétition des agirs, comme le cas suivant le montre exemplairement.

Le cas de Louise

Je m’appuie ici sur un compte-rendu réalisé par un psychologue dans un rapport interministériel sur la déscolarisation [1] qui par son caractère exemplaire, recouvre de nombreuses situations qui ont pu nous être rapportées en supervision d’équipes médico-éducatives :

Louise a 15 ans et est scolarisée en 4ème qu’elle redouble. Elle a une sœur et 3 frères. Les parents sont séparés. Louise vit chez sa mère et n’a plus de contact avec son père depuis de nombreuses années. La mère est très présente dans l’éducation de sa fille dont les difficultés mobilisent un nombre impressionnant d’intervenants : une éducatrice de l’aide sociale à l’enfance, le médecin scolaire de son collège, un psychologue d’un centre médico-psycho-pédagogique ; l’équipe éducative du collège et l’inspection académique. Malgré des capacités dans les apprentissages reconnues comme bonnes, l’adolescente est en difficultés d’apprentissage. Elle pose, depuis un an, des problèmes au sein de son établissement : consommation et commerce de produits toxiques au sein du collège, troubles du comportement, insolences, provocations, perturbation des cours, refus des règles de fonctionnement du collège, absentéisme important. Les professeurs demandent l’exclusion de la jeune dont le comportement devenu de plus en plus ingérable les dépasse. L’inquiétude et le désarroi de l’équipe éducative de l’établissement sont augmentés par les mouvements autoagressifs dont fait parfois preuve cette élève qui a tenté, deux mois auparavant, de se suicider.

Louise met en échec toutes les aides qui lui sont proposées et que dans un premier mouvement elle semble pourtant prête à accepter. Ainsi, n’a-t-elle pas voulu se rendre au rendez-vous fixé par le conseiller d’orientation psychologue. Elle a mis à mal le soutien que sa mère tente de lui apporter au niveau des devoirs scolaires. Une aide éducative en milieu ouvert, mise en place quelques mois auparavant a été suspendue, Louise étant en forte en opposition avec l’éducatrice. Après un début prometteur dans le cadre d’un suivi psychothérapique en centre Médico-psycho-pédagogique Louise déserte progressivement les rendez-vous pour, au final, rompre le lien. Un projet d’hospitalisation est abandonné, car il est long à mettre en place et, par ailleurs, Louise, après l’avoir accepté, s’y oppose. En milieu d’année, un conseil de discipline est réuni, Louise ayant été surprise à vendre du cannabis au sein du collège. La veille de sa tenue, l’adolescente tente de mettre fin à ses jours. Deux jours après son hospitalisation, elle fait pression sur sa mère pour sortir du service contre l’avis du corps médical.

Suite à l’exclusion prononcée, un nouveau collège est recherché, mais la mère, sous l’insistance de sa fille, ne fait pas la démarche d’inscription. Louise reste au domicile durant deux mois avant qu’une orientation vers le centre national d’enseignement à distance soi envisagée. Bien qu’ayant accepté cette proposition, elle n’enverra jamais les devoirs.

En fin de second trimestre, la maman réussit à inscrire sa fille, qui accepte de reprendre sa scolarité, dans un collège situé dans un autre département. Elle n’y restera que 15 jours. Malgré d’autres propositions, elle ne sera pas rescolarisée avant la fin de l’année.

À la rentrée scolaire suivante, la maman réussit à faire admettre l’adolescente dans une maison d’enfants, située dans les Alpes et spécialisée dans le traitement des dysfonctionnements psychiques. Elle est renvoyée au bout d’un mois refusant d’être scolarisé, n’adhérant pas au projet thérapeutique proposé. Un retour en collège, dans le département de son domicile, est étudié avec la mise en place d’un parcours adapté, articulé autour de stages en entreprise et d’un emploi du temps allégé, pour assurer un retour progressif. Le conseiller d’orientation psychologue réussit à organiser une rencontre avec Louise. Elle est très amaigrie, faible, s’exprime très peu, sa souffrance est prégnante. Elle parle de son séjour dans l’établissement spécialisé sur un mode extrêmement négatif. Elle souhaite passer son brevet des collèges, pour se tourner par la suite vers le droit, « juge pour enfants ou éducateur pour délinquants », dit-elle, ou bien le métier de chanteuse ou bien un BEP de carrières sanitaires et sociales. Elle ne souhaite pas reprendre sa scolarité dans le collège où elle retrouverait ses relations précédentes. Le projet d’intégration en 3ème d’insertion dans un collège d’une ville voisine est accepté, à demi-mot, mais refusé par la mère, alléguant qu’elle pourrait y croiser le père de Louise, ce qu’elle ne veut pas. L’équipe d’AEMO (action éducative en milieu ouvert) indique, avec désarroi, qu’une tentative de suivi familial a été menée, mais là encore refusée par la mère. Une note est transmise au juge, décrivant le parcours et les conduites d’échecs dans lesquelles s’inscrit cette jeune fille et suggère une injonction thérapeutique en hôpital psychiatrique. Louise vient d’avoir 16 ans, sa scolarité n’est plus obligatoire.

Un tel cas montre bien l’énergie considérable déployée par les adultes pour assurer à cette adolescente un étayage continu à même de soutenir un projet de scolarité et/ou un projet thérapeutique. Mais il montre aussi l’entreprise de destruction, initiée certes par Louise, mais dans laquelle tout le monde se trouve pris à un moment ou un autre : la mère, mais aussi, d’une certaine façon les professionnels du champ éducatif et les soignants qui, atteints dans leurs limites, rompent les liens ou n’envisagent des mesures à valeur de protection (hospitalisation) que si tardivement qu’elles en perdent en partie leur sens.

La problématique de cette adolescente montre assez bien l’espèce de mouvement pendulaire dans lequel chacun des acteurs est pris, oscillant entre recherche indirecte d’une aide et récusation de l’aide apportée, entre amorce de lien et rupture de lien. On pourrait ici opposer au « tic-tac » du pendule d’une horloge qui fait avancer les aiguilles, celui du métronome qui répète sans variation aucune le même mouvement et fige le temps. Cette métaphore horlogère peut présenter un intérêt redoublé si l’on veut bien considérer que la composante temporelle n’est peut-être pas étrangère à ce qui s’exprime sous la forme d’impasse à laquelle peut conduire la destructivité de l’adolescente. Le métronome renvoie à une répétition circulaire de l’identique, à une temporalité figée, gélifiée, sans passé et sans futur. On atteint là quelque chose de mortifère. Par opposé au métronome, le « tic-tac » de l’horloge ouvre au contraire vers une perspective de changement. L’horloge permet une représentation de l’avant et de l’après, une représentation d’un présent qui s’articule à un passé et à un futur proche, et matérialise la flèche orientée du temps. La technique horlogère utilise d’ailleurs un mot intéressant pour désigner la conversion de l’énergie mécanique du mouvement pendulaire en unité de temps, c’est le terme d’échappement. Il faut constituer un point d’échappement pour que l’aiguille du temps avance d’un cran et enclenche un futur, conséquence d’un présent advenu ? Où le point d’échappement a-t-il fait défaut dans l’entreprise d’aide à l’adolescente ?

Les agirs de Louise semblent bien s’inscrire dans une répétition de l’ordre de l’identique [2] , dans une temporalité circulaire implacable[3] , dans un actuel qui ne parvient pas à se muer en présent. Si quelque chose est occulté par la destructivité de cette adolescente et donc pas véritablement interrogé comme tel, c’est bien la dérive sans fin dans laquelle les adultes se trouvent emportés, et à laquelle ils contribuent par la recherche de « solutions » se situant plus dans l’actualité que dans le présent, c’est-à-dire de solutions visant à colmater un défaut, un écart, un manque, sans mise en relief de ce qui est montré par Louise en l’articulant à son histoire et sans cadre véritablement contenant, bien qu’un nombre impressionnant de professionnels ait été mobilisé autour de cette adolescente.

Nous pourrons sans doute mieux comprendre un des ressorts de la difficulté en matière d’aide éducative et thérapeutique de ces adolescents qui semblent mettre en échec tous les dispositifs étayants proposés, si l’on accepte de différencier Acte [4] et agirs, non pas au sens ou traditionnellement on opère ces distinctions sémantiques[5] , mais en fonction des acteurs et de la scène intersubjective dans laquelle Acte et agirs se déploient. La thèse ici défendue peut se résumer en ceci : à l’absence d’Acte (du côté de l’Autre) répond et se répète l’agir du côté de l’adolescent.

Différencier Acte et ré-action

            L’étymologie du mot Acte n’est pas sans intérêt. Acte relève de deux branches sémantiques. La première, actus, traduit la division d’une pièce de théâtre qui donne leur cohérence logique aux différentes actions. La seconde, actum, apparaît en français[6]
au 14ème siècle, et désigne une pièce juridique, un contrat entre particuliers, ligne sémantique que l’on retrouve dans des formules comme : « acte d’état civil » ou « acte d’accusation ». Le mot Acte traduit un mouvement du corps et une manifestation de la volonté dirigée vers une fin et, au-delà, un écrit qui sert soit à authentifier un fait (comme l’acte de naissance, de propriété), soit à enregistrer ou consigner des faits pour y recourir éventuellement (prendre acte de, les actes d’une séance d’assemblée), soit encore à poser l’argument d’une volonté qui aura des conséquences (acte d’accusation, testamentaire), soit enfin à instaurer une suspension temporelle.

On comprend que l’Acte renvoie à l’ordre symbolique et logique, l’action n’étant que la déclinaison factuelle de l’Acte par un agent. L’action est à la forme ce que l’Acte est au fond. L’Acte est au contenant ce que l’action est au contenu. Un Acte ne peut être repéré qu’à travers des contenus, c’est-à-dire les actions qui le représentent. Il introduit une relation sémiotique, un espace potentiel de sens, repérable dans ses effets d’après-coup. Pour Lesourd (2000), l’Acte, à la différence de l’agir, est pris dans le langage, il présentifie la division subjective entre le je et l’Autre, entre énonciateur et énoncé. En cela, soutenir un Acte implique la reconnaissance de la division subjective, et donc la reconnaissance de l’incertitude qui entoure l’être, alors que commettre un agir renvoie au contraire à une tentative de réassurance sur une certitude d’être.

En soi, une action qu’elle soit éducative ou de soin peut être réalisée par des acteurs se succédant les uns les autres, mais c’est au risque de lui voir perdre sa liaison au contenant qui lui donne sa valeur de sens. L’action peut se faire sans engagement foncier du sujet, qui devient dès lors un simple agent d’une détermination qui lui est en partie étrangère. Aussi, certaines actions éducatives ou de soin peuvent-elles vite se muer en habitudes, en routines ou en protocoles. En devenant orphelines de contenance, elles constituent en fait :

  • Soit des actions–habitus : des routines qui se répètent sans qu’elles soient véritablement réinterrogées et qui reçoivent une forme de légitimité mortifère par leur répétition même. Dans certains établissements éducatifs ou de soin, on peut voir à l’œuvre une véritable entropie institutionnelle, c’est-à-dire l’effet du temps et des routines qui – si aucune analyse institutionnelle n’est faite – conduisent à une dégradation de la cohérence d’ensemble, une application routinière de règles de fonctionnement ou de pratiques qui, si elles avaient du sens pour ceux qui les avaient mises en place (c’est-à-dire qu’elles les engageaient) ont, au fil du temps, perdus leur sens. On fait les choses par habitude, sans plus mettre en travail ce qui les motive et donc sans interroger ce qui relie subjectivement l’Acteur à l’Acte qu’il produit. La valeur de l’Acte est perdue, seules restent une série d’actions qui en marquent la trace, comme une coquille vide rappelle en creux cependant l’être vivant qui l’a conçue. C’est aussi le risque que l’on voit se profiler en matière d’usage des protocoles et recommandations dits de « bonnes pratiques professionnelles ». La formalisation conduit à une désubjectivation de l’Acte de soin et donc à une déresponsabilisation de l’Acteur du soin autant qu’à une perte de sens dans la relation au patient. Il n’est pas trop de dire que les protocoles désémiotisent la relation.
  • Soit des réactions ou agirs, c’est-à-dire des effets bouclés uniquement sur la cause qui les a produits. C’est semble-t-il ce qui à l’œuvre dans le cas de Louise. En cela elles sont réactionnelles, ce qui peut conduire dans un certain nombre de cas à prononcer une exclusion, c’est-à-dire à se défaire de l’engagement dans lequel l’institution était prise. On peut aussi se demander dans quelle mesure dans les établissements scolaires[7]
    n’ont pas dans un certain nombre de cas un effet occultant, au sens où ces instances trouvent leur raison d’être dans la prévention des conséquences de l’acting, davantage que dans la mise au travail de ce qui détermine l’acting out.

Aucune action ne saurait avoir de portée sémiotique sans la toile de fond que constitue l’Acte éducatif (au sens d’actum). Le danger est bien de croire qu’il suffirait de mener des actions éducatives pour que l’éducation opère. À une échelle sociologique, on pourrait par exemple se demander si certains programmes de prévention des risques n’ont pas été pour l’essentiel voués à alimenter une sorte de puits sans fond. Aussi pourrait-on s’interroger sur le réel impact des messages publicitaires en matière de prévention des risques (prévention routière, lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie, etc.). Les campagnes de prévention ne sont-elles pas des actions se succédant en chapelet sans qu’aucun Acte ne vienne les inscrire, les instituer, ou pour le dire autrement sans que ces actions soient adressées, c’est-à-dire fassent Acte (et donc sens) pour celui à qui elles s’adressent ? Parce qu’à destination de tous, et même si elles peuvent toucher, heurter ou effrayer [8],
elles ne trouvent d’adresse finalement chez personne.

On comprend dès lors qu’un Acte ne saurait être anonyme ou impersonnel et n’a de portée que s’il est tenu par un sujet pleinement engagé dans cet Acte, bien que ne sachant pas nécessairement ce qui foncièrement le détermine.

Le temps précipité

Produire et soutenir un Acte suppose (ou se conjoint à) l’existence de ce que la philosophie a tenté d’isoler sous le terme d’autorité. Au sens psychologique du terme, l’autorité ne se décrète pas, ne s’impose pas à coup de force par celui qui en est porteur. Parce que l’autorité n’est pas le pouvoir, parce que la caractéristique la plus frappante de ceux qui font autorité est qu’ils n’ont pas de pouvoir, l’autorité parait curieusement insaisissable. C’est une force qui s’impose, d’elle-même pourrait-on dire. Celui qui fait Autorité est appelé à cette place autant qu’il s’y met lui-même, et occupe une position bien spécifique pour le sujet. Ce dernier lui prête une forme de puissance, une détermination, un savoir sur le désir et un désir mettant son propre désir en mouvement [9].
Au fond, le sujet prête à la figure d’Autorité d’être autant que d’avoir quelque chose qui lui fait précisément défaut.

Pour qu’il y ait Acte éducatif, occuper cette place d’autorité, suppose de ne pas user de cette attribution de supposé-savoir pour s’octroyer un avantage sur le sujet, le contrôler, l’objectaliser, en faire le jouet de son désir. Il s’agit donc de n’être pas pris dans les rets d’un rapport imaginaire à l’autre, que le sujet pourrait quelquefois activer (s’il avait besoin d’un chef ou d’un maître à qui se soumettre). La figure d’autorité doit œuvrer dans le registre symbolique : représenter et non pas incarner. À cet égard, la pratique pastorale nous offre deux visions, deux modèles du guide dirigeant son affaire. Actum vient du verbe agere, qui comme en grec agein signifie d’abord « pousser devant soi ». Agere se différencie de ducere (qui donnera éduquer) qui veut dire « tirer à soi, conduire en marchant devant». On a bien là deux manières de conduire, l’une qui guide en montrant le chemin (ducere), l’autre qui guide en se tenant derrière (agere) [10].
Dans un cas, on se pose ou s’impose comme modèle, comme référence, et on s’expose à soumettre l’autre à son propre vouloir (et/ou on expose l’autre à la passivité). Dans le second cas, on initie un mouvement progrédient, on accompagne, mais l’autre doit malgré tout s’engager. On le reconnaît à même de trouver une voie qui tienne compte de ce qui est derrière soi, voire s’y appuie (l’auctor, le lieu et le temps de la fondation) et de ce qui se profile au-devant comme inconnu.

A ce mouvement progrédient peuvent correspondre deux types d’Actes : l’orientation dans le champ éducatif et l’adresse dans celui du soin psychique :

  • Préparation d’un changement et d’une séparation, l’orientation (scolaire, professionnelle) est le produit d’un travail psychique fait avec et par l’adolescent. Ce travail dessine un horizon temporel mobilisant l’idéal du moi et débouche sur un projet (éducatif, de formation, etc.) qui oriente vers le choix d’un « partenaire » institutionnel éventuel sollicité pour répondre au mieux à ce projet (Gadeau, 2005).
  • L’adresse à un tiers est d’une autre nature, elle suppose une implication profonde des personnes : celle qui adresse (éducateurs, soignants), et celle qui accepte l’adresse (lieu de soin, psychothérapeute) pour que l’engagement de celle que l’on adresse (l’adolescent, l’adulte) puisse être possible, pour que du transfert ait lieu. Elle ne présuppose pas d’avoir travaillé ou maitrisé ce dans quoi on est pris, mais de reconnaître que l’on ne saurait, seul, répondre de la situation, que l’on a besoin d’un tiers qui offre un espace et une temporalité autres, auquel on va s’adresser et adresser l’adolescent. Dans ce mouvement en direction d’un tiers choisi, l’éducateur qui adresse l’adolescent ne disparaît pas de l’horizon. Bien au contraire, il reste éminemment présent, pas seulement à travers le choix du tiers, mais tout au long du processus qui s’engage. Ce serait là le point d’échappement, ce qui métaphoriquement permet de convertir une partie de l’énergie en mouvement cinétique, de passer du métronome à l’horloge, de réenclencher le mouvement temporel.

Tout donne à penser que dans la prise en charge de Louise, une confusion de plan s’est installée, entre agere et ducere, mais aussi entre orienter et adresser. Les éducateurs semblent s’être situé le plus souvent devant l’adolescente, lui présentant  une « solution » nouvelle à la suite de chaque acting out et avoir flotté confusément entre orientation et adresse sans qu’aucune des deux postions ait pu être véritablement soutenue. On a orienté l’adolescente (sans qu’un travail de pensées préalable ait pu être entrepris pour qu’une orientation éventuelle ait un sens pour elle), quand il aurait fallu se situer sur le versant de l’adresse. Tout semble avoir fonctionné comme si le « salut » de Louise avait été soumis magiquement aux vertus intrinsèques du dispositif d’aide palliative que l’on avait trouvé, chaque nouvel échec alimentant l’engrenage erratique des agirs de l’adolescente.

Les ré-actions des adultes aux différents agirs portent en outre la marque de la précipitation. Précipiter [11]
c’est, étymologiquement à la fois faire déchoir quelqu’un d’une place, et se hâter. C’est forcer la venue d’un événement, chercher à en réduire l’attente. La temporalité précipitée fait l’assise intersubjective sur laquelle une réponse (éducative ou de soin) va fonctionner essentiellement en réaction aux agirs du sujet. C’est une impatience anxieuse, contingente de l’agir. L’acting out véhicule un appel, insu de l’adolescent, à la reconnaissance d’une place nouvelle qui le délogerait de sa position infantile, appel qui ne saurait être formulé puisqu’il est récusé par l’adolescent lui-même, en ce que toute demande foncièrement engagée suppose au moins de reconnaître le manque qui la fonde. C’est précisément ce sur quoi butent certains adolescents. L’incomplétude étant pour eux insupportable, toute conduite est bonne à adopter pour tenter d’y échapper. La temporalité qui entoure les agirs, en colmatant la brèche de l’incomplétude par des aménagements plus ou moins négociés, précipite les acting suivants.

L’augmentation de la fréquence des acting out chez l’adolescent est à comprendre comme la conséquence de l’impossibilité pour les figures d’autorité auxquelles l’adolescent s’adresse (parents, éducateurs, enseignants) de tenir une position symbolique solide quand ils sont sollicités dans ce registre (Forget, 2013). L’acting out résulte au fond d’une récusation (une des figures du déni), celle de la marque du manque que l’adolescent engage dans sa demande à l’autre. Cet adolescent se voit dès lors privé par l’autre de la reconnaissance de sa division subjective, privé de ce qui est le vecteur de son énonciation, privé « de la référence au signifiant manquant de l’Autre qui lui permettrait de se situer comme sujet à l’égard de ce  signifiant » [12].
La souffrance trouve alors sa marque dans le fait que l’adolescent devient tributaire de l’aménagement que l’autre, sollicité comme témoin, a construit pour contenir ses propres défaillances symboliques.

Que valent une aide, une proposition de changement ou d’aménagement, si l’individu concerné ne se sent pas véritablement engagé dans les démarches que cette aide implique. La temporalité précipitée révèle une difficulté en ce que l’adulte, témoin de l’acting out, se trouve souvent saisi par le sens immédiat de la manifestation mise en scène sous ses yeux, qu’il perçoit comme une évidence, alors que la dimension symptomatique est déconnectée de tout appui symbolique qui lui donnerait une portée signifiante. Se dégager de cette temporalité précipitée, c’est d’abord faire entendre aux adultes (parents, éducateurs) que l’absence d’effets positifs de leurs interventions ne relève pas d’une incompétence, mais d’une impossibilité « structurelle » et qu’un tiers doit être convoqué pour aider à la mise en place d’une référence symbolique, d’une temporalité autre, à partir de quoi une mise en sens deviendra possible. C’est, par ce point d’échappement, engager la relation sous les auspices d’une temporalité transitionnelle (Gadeau, 2010, 2014a), et installer les conditions pour que les interventions possibles aient valeur d’Acte (Gadeau, 2014b).

Temporalité transitionnelle

Certaines relations entre la temporalité psychique et le registre de la Loi ont été mises en évidence (Magoudi, 1992) et ont permis de développer l’hypothèse selon laquelle la temporalité psychique serait un organisateur essentiel alimentant l’internalisation de la loi symbolique et la tiercéité (Gadeau, 2005). Sous le terme d’anomie temporelle (Gadeau, 2010, 2014a) a été décrite une des caractéristiques de fonctionnement la temporalité psychique d’adultes alimentant les conduites agies chez l’enfant. A l’opposé, la temporalité est dite transitionnelle (Gadeau, 2010, 2014b) lorsque, portée par les adultes, elle donne au temps psychique et intersubjectif sa valeur de disposition promulgatrice de Loi. Dans la réponse à un agir, elle correspond à des interventions (dans le champ éducatif ou celui du soin) qui restaurent une liaison entre l’avant et l’après. La temporalité transitionnelle instaure un pont temporel entre la singularité de la situation présente et ce à quoi renvoie cette situation dans le passé et/ou dans la communauté d’appartenance, entre le caractère inédit de cette situation et ses dénominateurs communs à des situations ayant déjà eu lieu. Elle permet d’historiciser l’évènement, et, à proprement parler, d’Acter la somme composée de l’évènement (acting out) et de sa réponse-en-tant-qu’évènement-entendu, en donnant une réponse concrète à portée symbolique à un agir tout aussi concret à valeur essentiellement imaginaire.

En consultation, des parents se plaignent de ce que, très régulièrement, leur enfant de 11 ans emporte en cachette des jouets à l’école alors que c’est interdit par le règlement de l’établissement. Ils expliquent comment ils interviennent : l’enfant, avant de partir à l’école, cache des objets dans ses vêtements, et les parents, assurés qu’il ne dira jamais s’il a des objets dans ses poches, puisque, disent-ils, il leur ment fréquemment, le fouillent et retirent des vêtements les objets interdits. L’enfant peut alors aller en classe. Ce type de scène se reproduit plusieurs fois par semaine. Interrogés sur le sens qu’ils donnent à leurs propres interventions, les parents pensent qu’en agissant ainsi, promptement, ils se montrent cohérents avec les attendus de l’école et leurs propres valeurs éducatives. Ils pensent qu’en se montrant ainsi vigilants et en fouillant l’enfant, ils font respecter les règles instituées et qu’ils sanctionnent l’enfant en le frustrant des dits-jouets. En fait, ces parents gèrent l’évènement transgressif dans sa pure actualité. Ils le déconnectent de la répétition dans laquelle pourtant il s’inscrit, et ils précipitent en un même agir le rappel à la règle et la sanction. En retirant les jouets, ils imaginent avoir du même coup sanctionné le comportement de leur enfant, alors qu’ils n’ont fait que restaurer un régime ordinaire, auquel tous les enfants de cette école sont astreints (ne pas avoir de jouet avec soi lorsqu’on est à l’école).

Avec l’aide d’un tiers, ils peuvent entendre ce dans quoi ils sont pris quand ils réagissent de la sorte aux transgressions. Il leur apparaît qu’ils redoutent non seulement de punir leur enfant, mais aussi d’avoir à tenir une sanction dans la durée, comme si le bienfondé de leur intervention pouvait s’effilocher avec le temps. Ils découvrent qu’ils peuvent se sentir soutenus dans l’idée que, à tenir une sanction face à leur enfant, ils ne sont pas seuls, mais ont derrière eux et avec eux la communauté des parents. Aussi, entrevoient-ils qu’ils n’agissent pas ici seulement en leur seul nom propre, comme autre, mais aussi comme Autre, en représentant des parents de cette école, ce qui participe à légitimer leur intervention et à garantir une continuité temporelle. Peut-être entendront-ils aussi que leur enfant, par la répétition des transgressions, les enjoint à tenir une position d’Autorité et que l’absence sensible d’interdit par laquelle ils s’étaient jusqu’alors manifestés a pu être vécu par lui comme une complicité à tonalité incestuelle poussant à la répétition identique de la transgression.

Pour conclure

La temporalité transitionnelle n’est pas conçue ici comme un pendant à l’espace transitionnel. Nécessaire au sentiment de continuité d’être et à la capacité d’être seul de l’enfant, l’espace transitionnel est envisagé par Winnicott (Winnicott, 1951) comme une sorte d’interface entre des champs hétérogènes entre eux, interface entre processus primaires et processus secondaires, entre réalité interne et réalité externe, entre dedans et dehors, entre le « créer » et le « trouver ». Cette interface doit supporter des paradoxes qu’il s’agit de ne pas chercher à résoudre et une part d’illusion qu’il faut savoir accepter. La temporalité transitionnelle partage avec le transitionnel winnicottien l’idée d’une mise en lien entre des éléments hétérogènes dont la fonction de liaison est de participer à la continuité d’existence, à la filiation et à l’ordre de la Loi, d’en nourrir l’assise symbolique. Elle met en relation dialectique passé, présent et futur. Par la mise en présence d’un avant contenant le présent et représentant de l’Autre, elle offre au sujet de pouvoir décoller de l’immédiation de l’actuel dans lequel, par la jouissance à laquelle l’acting lui donne illusoirement accès, il est enfermé, pour l’inscrire dans le présent, c’est-à-dire une condition commune et partagée qui fait de nous des êtres vivant d’incomplétude.

La temporalité transitionnelle, d’abord portée par l’adulte, vient signifier combien les manifestations agies et déployées par l’adolescent sont à la fois inédites et connues, singulières et régulières, présentes et passées, de leur temps et de tout temps, propre à cet adolescent, mais aussi contenant « toutes » les adolescences. Autrement dit, l’agir adolescent se voit doté d’une double valence, présente et passée, qui conjoint un passé qui n’a pas été vécu comme tel par le sujet à un présent qui imprime sa marque différentielle. Si l’agir adolescent s’impose, c’est qu’il n’est d’autre façon de dire la distance à établir face aux figures œdipiennes d’attachement, vécues persécutivement comme inaptes à poser un Acte de reconnaissance attendu par l’enfant, parce que l’adulte se tient à une position d’autre, là où il est foncièrement attendu comme Autre. L’agir adolescent masque en même temps qu’il révèle la blessure de l’incomplétude de l’être et le paradoxe à faire vivre ensemble, pour soi et au regard des autres et de l’Autre, le fait d’être à la fois unique et commun. En cela, la temporalité transitionnelle contribue-t-elle à desserrer un peu le nœud gordien des agirs répétitifs.

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Références

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Rey A. et al. (2012). Dictionnaire de la langue française. Paris : Éditions Le Robert.

Winnicott D.W. (1951). Objets transitionnels et phénomènes transitionnels, In De la pédiatrie à la psychanalyse. Paris : Payot, 1969, 109-125.

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[1]↑«  Lutter contre la déscolarisation : étude (2004-2006) de parcours de lycéens décrocheurs en Seine-Saint-Denis ». Académie de Créteil, décembre 2006, pp-37-41.

[2]↑ Si l’on accepte ici l’usage de la distinction proposée par M. de M’Uzan (1969) dans le cadre de la cure entre répétition du même (qui reste ouverte à du changement) et répétition de l’identique, marque de l’absence de changement. De M’Uzan M. (1969). Le même et l’identique. In De l’art à la mort. Paris : Gallimard, 1977.

[3]↑ Comme celle montrée dans le film d’Harold Ramis, Un jour sans fin (1993).

[4]↑ Ecrit avec un A majuscule pour spécifier ce qui renvoie à une position psychique particulière, renvoyant à l’ordre symbolique, dans la relation intersubjective et dont nous essayons de cerner les contours un peu plus loin. Il s’agit autrement dit de faire apparaître la portée sémantique que nous entendons donner à ce terme en le situant sur le plan du grand Autre.

[5]↑ Voir à cet égard le travail de Raoult P.-A. (2006). Clinique et psychopathologie du passage à l’Acte. Bulletin de psychologie, 59 (1), 7-16.

[6]↑ Rey A. et al. (2012). Dictionnaire de la langue française. Paris : Éditions Le Robert.

[7]↑ Face à la montée de la souffrance et des risques de décrochage scolaire, de plus en plus d’établissements se sont dotés de cellules de suivi, de commissions d’absentéisme, de groupes d’aide à l’insertion constitués en équipes pluridisciplinaires (personnel de direction, conseiller principal  d’éducation, assistant social, infirmier, conseiller d’orientation-psychologue) qui essaient de prendre en charge les élèves en souffrance et adaptent des réponses face à la fatigue chronique, aux absences répétées, aux petits délits commis dans l’enceinte du collège ou du lycée (vols, dégradations, etc.), aux comportements déviants (violence, prise de toxique, etc.), au décrochage scolaire, etc…

[8]↑ Registre sur lequel fonctionnent les campagnes publicitaires de prévention routière ou de consommation de tabac en Angleterre, par exemple.

[9]↑ Que le questionnement repris par Lacan du Che vuoi (emprunt fait au roman fantastique Le diable amoureux de J. Cazotte (1772), traduit bien. Cf. Lacan J. (1956-57). Séminaire IV. La relation d’objet. Paris : Seuil.

[10]↑ Le savoir-faire des bergers montre qu’en se tenant à l’arrière du troupeau, ils initient un mouvement en même temps qu’ils laissent au troupeau une part d’initiative pour choisir les aires à pâturer.

[11]↑  Du latin praeceps, « la tête la première ».

[12]↑ Jean-Marie Forget (2013) propose une analyse très éclairante de l’acting out chez l’adolescent, mais aussi de ce qu’il nomme « symptôme out », soit une manifestation de la souffrance chez l’adolescent qui s’exprime sous l’apparence d’un symptôme dont le sujet n’assume pas le réel de la douleur. Dans l’acting out, l’objet de la monstration serait un objet réel auquel le sujet croit avoir accès (comme la drogue par exemple), dans le symptôme out l’objet mis en scène serait un objet imaginaire porté par un discours (autour de la dépression par exemple). Pour Forget, dans l’acting out, c’est un petit autre en position d’autorité pour le sujet qui détermine sa défaillance symbolique, et c’est le réel de sa propre jouissance qui fait obstacle pour le sujet à l’accès à sa décomplétude. Dans le symptôme out, c’est un discours qui représente l’Autre et qui exclut le recours à la castration.